C’est une phrase choc qui crée l’émoi en pleine COP. Dans une vidéo datée du 21 novembre et diffusée dimanche par le Guardian, le président émirati de la 28e conférence des Nations unies sur le climat, Sultan Ahmad Al-Jaber, affirme qu’il n’existe “aucune étude scientifique” indiquant qu’une élimination progressive des énergies fossiles est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Ces propos polémiques ont été tenus lors d’un “échange tendu” avec l’ex-présidente irlandaise Mary Robinson, à l’occasion d’un forum en ligne organisé par l’initiative She Changes Climate, rapporte le quotidien pakistanais Dawn.

“Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique sans ramener l’humanité à l’âge des cavernes”, a lancé le président de la COP, qui cumule ses fonctions avec celles de patron de la compagnie pétrolière nationale Adnoc. “Je ne souscrirai en aucun cas à des discussions alarmistes. Aucune étude scientifique, aucun scénario ne dit que la sortie des énergies fossiles nous permettra d’atteindre 1,5 °C. 1,5 °C est mon étoile du Nord”, dit-il, tout en reconnaissant que la “réduction et la sortie des énergies fossiles” sont “inévitables” à terme.

Sultan Ahmad Al-Jaber s’en tient à la ligne qu’il a maintenue à chaque prise de parole, consistant à dire depuis le mois de juin qu’il fallait d’abord construire le système énergétique de demain avant d’abandonner les énergies fossiles.

“Fureur” des climatologues

Le rôle futur des énergies fossiles est “l’une des questions les plus controversées auxquelles les pays sont confrontés lors de la COP28”, rappelle CNN. “Alors que certains font pression pour une ‘suppression progressive’, d’autres réclament que soit utilisé un langage plus modéré en employant le terme de ‘réduction progressive’.”

Des rapports scientifiques ont pourtant “montré que les énergies fossiles doivent être rapidement réduites pour maintenir le réchauffement climatique au-dessous de 1,5 °C, […] seuil au-dessus duquel les scientifiques préviennent qu’il sera plus difficile pour les humains et les écosystèmes de s’adapter”, note le site de la chaîne américaine.

Dans son rapport de septembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la production d’énergies fossiles doit baisser de 83 % entre 2022 et 2050, laissant une production résiduelle de 88 exajoules (EJ, une unité de mesure de l’énergie), contre 511 EJ en 2022.

Les propos du président émirati de la COP ont provoqué “la fureur” de la communauté scientifique dimanche, note le Daily Mail. Le climatologue Bill Hare a notamment estimé que les déclarations d’Al-Jaber “fris[ai]ent le déni climatique”.

C’est un “signal d’alarme” pour le monde et les négociateurs de la COP28, a réagi de son côté Mohamed Adow, directeur du think tank sur le climat Power Shift Africa. Les participants “n’obtiendront aucune aide de la présidence de la COP pour parvenir à un résultat solide sur l’élimination progressive des combustibles fossiles”, a-t-il estimé.