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Conflit au Proche-Orient

Annulation d’une conférence pour la paix de Judith Butler : la ville de Paris invoque le risque de polémiques

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La célèbre philosophe américaine devait intervenir dans une rencontre publique au nom de la Jewish Voice for Peace, une association juive antisioniste qui a lancé un appel «contre l’antisémitisme, son instrumentalisation et pour la paix révolutionnaire en Palestine».
par Simon Blin
publié le 4 décembre 2023 à 14h19

Un nouveau cas de «cancel culture» ? Mercredi 6 décembre, une rencontre publique intitulée «Contre l’antisémitisme, son instrumentalisation et pour la paix révolutionnaire en Palestine» devait se tenir au Cirque électrique à Paris, en présence de Judith Butler, philosophe américaine à la renommée mondiale. L’événement a été annulé sur décision de la mairie de Paris, apprend-on dans un communiqué publié sur Twitter (renommé X) par les associations organisatrices l’Union juive française pour la paix, Tsedek !, un «collectif juif décolonial», le NPA, Révolution permanente, l’Action antifasciste Paris Banlieue et Paroles d’honneur, qui partagent leur «colère et consternation».

«Polémiques inévitables»

«La mairie de Paris justifie cette demande d’annulation sous prétexte de possibles “troubles à l’ordre public”», regrettent les co-organisateurs, alors que Judith Butler, en ce moment dans la capitale française pour honorer une série de conférences au centre Pompidou, était censée intervenir au nom de la Jewish Voice for Peace, une importante association juive antisioniste et solidaire de la cause palestinienne aux Etats-Unis. Un message d’Angela Davis, philosophe et figure de l’antiracisme outre-Atlantique, devait également être diffusé.

Contactée par Libération, la ville de Paris rappelle que «la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, contre les inégalités femmes-hommes et contre l’homophobie font partie des valeurs cardinales sur lesquelles repose l’action de la Ville de Paris et que la Ville demande à toute organisation avec laquelle elle a des relations contractuelles de respecter». Or, poursuit la mairie, «lors du débat du 6 décembre, le risque est majeur que des propos qui contreviennent à ces principes non négociables soient tenus. Par ailleurs, les polémiques inévitables qui s’ensuivront seront de nature à troubler l’ordre public d’une manière qui est incompatible avec l’affectation normale du bien du domaine public dont le Cirque électrique est affectataire».

«Massacre terrifiant et révoltant»

Depuis le 7 octobre, Judith Butler, théoricienne influente du genre, se voit reprocher certains propos qu’elle a tenus par le passé sur le conflit au Proche-Orient. «Je pense que comprendre le Hamas et le Hezbollah en tant que mouvements sociaux progressistes de gauche, faisant partie d’une gauche mondiale est extrêmement important», la voit-on dire en français lors d’une conférence filmée qui se serait déroulée en 2006 et qui refait surface sur les réseaux sociaux depuis le regain du conflit entre Israël et le Hamas.

Face aux critiques, l’intellectuelle de 67 ans, égérie du mouvement queer, tente depuis de nuancer sa pensée. «Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve, écrivait la professeure à Berkeley (Californie) le 13 octobre dans la revue d’idées AOC. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant.» Elle ajoute : «Si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les tueries et les bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de “relativisme” ou de “contextualisation”. On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ?»

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