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"Mauvais signal" : les collégiens impliqués dans la mort de Samuel Paty condamnés à des peines légères
À la sortie de la salle, les avocats des proches de Samuel Paty ont vivement critiqué des sanctions « pas à la hauteur du drame » et qui envoient « un mauvais signal ».
THOMAS COEX/ AFP

"Mauvais signal" : les collégiens impliqués dans la mort de Samuel Paty condamnés à des peines légères

Terrorisme

Par Marianne avec AFP

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Des peines de 14 mois de prison avec sursis à six mois de prison ferme – aménagés sous bracelet électronique – ont été prononcées à l'encontre de six ex-collégiens jugés pour leur implication dans l'assassinat du professeur Samuel Paty par un jeune jihadiste en 2020. Des peines « pas à la hauteur du drame », selon les proches de la victime.

Cinq d’entre eux avaient guidé le terroriste, Abdouallakh Anzorov, vers sa victime. Une autre avait menti sur le cours consacré aux caricatures de Mahomet donné par le professeur d'histoire-géographie. Des peines de 14 mois de prison avec sursis à six mois de prison ferme – aménagés sous bracelet électronique – ont été prononcées ce vendredi 8 décembre à Paris à l'encontre de ces six ex-collégiens jugés pour leur implication dans l'assassinat du professeur Samuel Paty par un jeune jihadiste en 2020.

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Des peines ordonnées au regard « de la gravité des faits », de leur « personnalité » et « évolution », et alors que les infractions sont « parfaitement établies », ont déclaré le tribunal pour enfants dans son jugement, lu en audience publique après deux semaines d'un procès sous strict huis clos en raison du jeune âge des prévenus à l'époque des faits – entre 13 et 15 ans. La présidente a appelé un à un à la barre les adolescents, aujourd'hui âgés de 16 à 18 ans, pour détailler leurs condamnations, globalement conformes aux réquisitions du parquet antiterroriste. « Vous avez compris ? », a-t-elle demandé à chacun.

« Un mauvais signal »

À la sortie de la salle, les avocats des proches de Samuel Paty ont vivement critiqué des sanctions « pas à la hauteur du drame » et qui envoient « un mauvais signal », comme l'a dit l'avocate des parents du professeur et d'une de ses sœurs, décrivant leur « colère », « déception » et « incompréhension ». « Un homme décapité dans une rue ce n'est pas rien », et « je ne vois pas ce sursaut unanime de l'institution judiciaire, je ne vois pas cette révolte, ce stop », a déclaré Virginie Le Roy, très émue.

En défense, l'avocat Antoine Ory a dit le « soulagement en dépit de l'horreur des faits ». Quant à la peine, « elle est juste », même si elle « ne sera jamais une peine à la hauteur des souffrances infinies et éternelles des parties civiles ». Les cinq des adolescents ont été condamnés pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées, pour avoir surveillé les abords du collège et désigné Samuel Paty à l'assaillant, contre rémunération. Ce « alors que vous aviez connaissance des reproches formulés », au collège « et sur les réseaux sociaux » à l'encontre du professeur, leur a dit la présidente. La peine la plus lourde, deux ans de prison dont six mois ferme aménagés sous bracelet électronique, a été prononcée à l'encontre de l'ex-collégien abordé par l'assaillant Abdoullakh Anzorov.

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« Vous avez communiqué à l'assaillant la description physique et vestimentaire » du professeur et son « trajet habituellement emprunté », « vous êtes resté pendant plusieurs heures » avec lui et « avez favorisé » sa « dissimulation », lui a déclaré le tribunal. « Vous avez recruté d'autres collégiens afin de désigner » l'enseignant, organisé la « surveillance » aux abords du collège « pendant plusieurs heures » et enfin « désigné Samuel Paty à la sortie du collège ». Quatre autres jeunes ont été condamnés à des peines allant de 14 à 20 mois avec sursis probatoire – c'est-à-dire assorti d'une série d'obligations, notamment de suivre un enseignement ou une formation et d'être suivi par des professionnels de l'enfance.

« Elle avait 13 ans »

Une sixième adolescente a été condamnée à 18 mois de sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n'avait en réalité pas assisté à ce cours. Le tribunal a souligné devant elle « l'existence d'un mensonge persistant » que l'adolescente a « reconnu » et qui avait été « matérialisé » par un dépôt de plainte à l'encontre de Samuel Paty.

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« Elle avait 13 ans » et « ne se pardonne pas ce mensonge », « elle va essayer d'avancer (...), vivre avec cette culpabilité permanente qui pour le coup ne va pas la traverser mais l'habiter », a réagi son avocat Mbeko Tabula. Ce mensonge a été à l'origine d'une violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par son père, Brahim Chnina, et par un militant islamiste, Abdelhakim Sefrioui, auteur de vidéos qui avaient attiré l'attention sur le professeur. Ils seront jugés lors d'un second procès aux assises avec six autres adultes fin 2024.

L'affaire Samuel Paty avait suscité un immense émoi en France et à l'étranger. Cet enseignant en histoire-géographie de 47 ans, avait été poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène abattu dans la foulée par la police. Le jeune islamiste radicalisé de 18 ans reprochait au professeur d'avoir montré des caricatures de Mahomet, lors d'un cours sur la liberté d'expression. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d'avoir « vengé le Prophète ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne