Quatre ministres japonais ont démissionné, jeudi 14 décembre, après que le premier ministre, Fumio Kishida, a annoncé la veille vouloir faire face à un vaste scandale de fraude financière, qui ébranle le parti au pouvoir.
Jeudi matin, le bras droit de M. Kishida, le secrétaire général et porte-parole du gouvernement, Hirokazu Matsuno, a présenté sa démission, en évoquant les soupçons dont il fait lui-même l’objet. Yasutoshi Nishimura, ministre de l’économie, du commerce et de l’industrie ; Junji Suzuki, ministre des affaires intérieures ; et Ichiro Miyashita, ministre de l’agriculture, ont aussi remis leur démission, ainsi que cinq vice-ministres et d’autres responsables.
« La défiance de l’opinion publique se porte sur moi à propos des fonds politiques, ce qui entraîne une méfiance à l’égard du gouvernement. Comme une enquête est en cours, j’ai pensé que je devais mettre les choses au clair », avait déclaré plus tôt Yasutoshi Nishimura devant des journalistes.
La faction de Shinzo Abe particulièrement visée
D’après la presse japonaise, des procureurs enquêtent au sujet de soupçons de fraudes visant des dizaines de membres du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice), dirigé par Fumio Kishida, une formation politique qui gouverne le pays presque sans interruption depuis sa fondation, en 1955. Ces membres du PLD sont soupçonnés, selon plusieurs médias, d’avoir omis de déclarer l’équivalent de plusieurs millions d’euros, récoltés grâce à la vente de billets pour des soirées de levées de fonds, que le parti leur aurait ensuite reversés.
Les enquêteurs s’intéresseraient en particulier aux membres de la plus importante faction interne du parti que dirigeait l’ancien premier ministre Shinzo Abe, assassiné en 2022. Ses membres auraient reçu quelque 500 millions de yens (3,2 millions d’euros) sur une période de cinq ans, jusqu’en 2022.
Jugeant « extrêmement regrettable que la situation ait suscité la défiance de la population », le premier ministre a promis mercredi de se « muer en boule de feu pour restaurer la confiance dans le gouvernement », annonçant vouloir « procéder rapidement » à de nouvelles nominations jeudi. Fumio Kishida, 66 ans, arrivé au pouvoir à l’automne 2021, déjà impopulaire avant la révélation progressive par les médias, depuis plusieurs semaines, de ce nouveau scandale, n’est plus soutenu que par 23 % des électeurs, selon un sondage publié lundi par la chaîne de télévision publique NHK.
Spéculations autour d’élections anticipées
Cette affaire a encore « considérablement affaibli le soutien public envers le PLD et le gouvernement Kishida », estime Naofumi Fujimura, professeur de sciences politiques à l’université de Kobe (Ouest). Les électeurs « expriment leur inquiétude face au scandale et à ce qu’ils perçoivent comme un manquement à leur devoir de la part des responsables politiques », ajoute-t-il, interrogé par l’Agence France-Presse. Il est cependant peu probable que cela aboutisse à un changement politique au Japon, « surtout si l’on considère la faible popularité dans les sondages des partis politiques d’opposition », selon M. Fujimura.
Tous les ministres qui doivent être remplacés appartiennent à la « faction Abe », même si le scandale toucherait également des membres du groupe de M. Kishida, selon des médias locaux.
Avant même ce scandale, la cote de popularité de M. Kishida était déjà plombée par d’autres sujets de mécontentement, dont l’inflation persistante et la baisse du yen, qui fragilisent le pouvoir d’achat des ménages, malgré l’annonce en novembre d’un nouveau plan de relance budgétaire massif. Le premier ministre peut théoriquement rester au pouvoir jusqu’en 2025, mais certains analystes spéculent quant à la possible convocation d’élections anticipées avant un vote interne au PLD en 2024, qui pourrait s’annoncer très difficile pour lui.
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