Création : Charlie BROOKER

Et si nos téléphones faisaient de nos vies un spectacle de télé-réalité ? Black Mirror pose des questions dérangeantes.

© Zeppotron / Channel 4

Il est 4 heures du matin. Les réseaux sociaux sont déjà en surchauffe. Une vidéo vient d'être publiée sur YouTube. On y découvre la princesse Susannah ligotée à une chaise, qui énonce péniblement les conditions de sa libération. Le Premier ministre du Royaume-Uni doit s'engager à avoir un rapport sexuel, diffusé le jour même en direct à la télé vision, avec... un porc. Ambiance au 10, Downing Street. Les agents du MI5 ne retrouvent pas l'héritière du trône.

Publicité

Les médias traditionnels sont complètement désemparés. Les internautes, eux, s'interrogent: la dignité d'un homme d'Etat vaut-elle plus ou moins que la vie d'un membre de la famille royale? Bienvenue dans l'univers glaçant de Black Mirror, la série anglaise la plus détonante de la décennie. Ce cocktail d'intelligence, d'horreur et d'humour noir arrive bientôt sur France 4. Ça va grogner.

Mission de service public et liberté de ton

Présentation de la bête. Le format est court: quarante-deux minutes par épisode, trois épisodes par saison. Chacun d'eux possède son intrigue et ses personnages, mais traite du même sujet: les dangers potentiels liés aux nouvelles technologies. Exemples: et si les réseaux sociaux se substituaient à la politique? Et si nos téléphones faisaient de nos vies un vrai spectacle de téléréalité? Les réponses rebroussent le poil avec force, le scénariste imaginant le pire dans un récit aussi trépidant que 24 Heures chrono. L'humour british en prime.

"La force des fictions anglaises, explique Bertrand Villegas, spécialiste des programmes télévisuels internationaux au sein de l'agence The Wit, a toujours été d'allier leur mission de service public avec une totale liberté de ton. En France, quand le débat a lieu, c'est chez Yves Calvi." A l'origine du programme diffusé sur la chaîne publique Channel 4, on trouve un certain Charlie Brooker. Inconnu en France, ce quadra collectionne les casquettes de critique de jeux vidéo, de chroniqueur et d'animateur pour la BBC. "Si la technologie est une drogue, je veux en connaître tous ses effets secondaires", raconte au Guardian l'irrévérencieux scénariste.

L'homme n'est pas à une contradiction près: c'est Endemol, le plus grand producteur de télé-réalité du monde, qui finance Black Mirror. "Je ne suis ni anti-technologie ni même anti-télé-réalité, se justifie Brooker. La télévision est le média idéal pour poser des questions. Nous devons réfléchir collectivement à l'usage que nous faisons de ces nouveaux outils. Ce que je raconte ici peut avoir lieu dans dix minutes si nous ne restons pas vigilants."

A sa diffusion, le 4 décembre 2011, la série a provoqué un raz de marée médiatique en Grande-Bretagne. Quelques jours plus tard, le virus s'est propagé sur le Web. Les internautes chinois ont ainsi fait de Black Mirror la série la plus commentée de 2012. Aux Etats-Unis, l'acteur Robert Downing Jr., qui a le nez creux, a racheté les droits du deuxième épisode en vue d'une adaptation au cinéma. Un impressionnant succès, compte tenu du petit budget octroyé au départ par la chaîne anglaise. Comme quoi on peut faire cheap et choc.

Publicité