Trafic de stupéfiants : le n°2 de la PJ de Bordeaux condamné à trois ans de prison avec sursis

C’est un procès emblématique de ce que la lutte contre le trafic de drogues peut pousser des policiers à faire. Or la « provocation policière » est formellement interdite en droit français.

Le commissaire Stéphane Lapeyre, ici avant une conférence de presse à Bayonne le 29 octobre 2019. AFP/Gaizka Iroz
Le commissaire Stéphane Lapeyre, ici avant une conférence de presse à Bayonne le 29 octobre 2019. AFP/Gaizka Iroz

    Stéphane Lapeyre était-il un policier vaniteux ou sous pression des chiffres ? L’éclatement de l’affaire avait fait grand bruit. Le policier, actuel n° 2 de la police judiciaire (PJ) de Bordeaux, a été condamné ce mercredi à trois ans de prison avec sursis pour complicité dans un trafic de stupéfiants auquel il avait participé dans l’espoir de réaliser des saisies.

    Le tribunal l’a reconnu coupable d’avoir demandé à deux de ses « indics » de « manipuler » Jean-Michel L., un Guyanais qui opérait comme simple mule, pour qu’il monte un trafic de cocaïne entre le Suriname, la Guyane et la métropole.

    Au moment des faits, en 2013, Stéphane Lapeyre était le n° 3 de l’Office des stups (OCRTIS devenu Ofast en 2019, à la suite d’un scandale impliquant un commissaire), qui enchaînait alors les saisies records. Espérant démanteler une filière guyanaise, il avait, avec l’un de ses subordonnés, Jocelyn Berret, monté une opération pour tenter de piéger Jean-Michel L., qu’ils pensaient être un trafiquant d’ampleur. Ce dernier n’était en fait qu’un simple convoyeur, qui n’avait aucunement « l’intention » de prendre la tête d’un trafic, a estimé le tribunal correctionnel. Ce qui n’a pas empêché Stéphane Lapeyre de charger un de ses informateurs d’entrer en contact avec lui, à sa sortie de prison, pour le convaincre d’acquérir de la cocaïne et de la faire livrer en métropole.

    Stéphane Lapeyre avait ensuite demandé à un deuxième « indic », Lionel K., enregistré au fichier central des sources, d’apporter « un soutien logistique » à Jean-Michel L. en lui promettant une voie de sortie sécurisée à l’aéroport parisien d’Orly.

    Le policier va faire appel

    Enfin, Lapeyre et Berret avaient convaincu le parquet de Créteil de restituer 80 000 euros saisis par la police aux frontières au fameux Lionel K. afin qu’il alimente de nouveau le réseau criminel, toujours dans l’espoir de démanteler plus tard la filière guyanaise.

    Toutes ces opérations ont été faites en manquant à « toutes les obligations de la charte des informateurs », a considéré mercredi la présidente du tribunal correctionnel de Paris. La provocation à commettre une infraction par un détenteur de l’autorité publique est interdite dans le droit français et la jurisprudence n’a jamais dévié sur ce point.

    Outre la peine de prison avec sursis, Stéphane Lapeyre et Jocelyn Berret ont été condamnés à une amende solidaire pour un montant individuel maximum de 40 000 euros. Le tribunal a toutefois accepté de ne pas faire figurer cette condamnation au casier judiciaire des deux policiers, afin de minimiser les conséquences pour leur carrière.

    Leur avocate, Me Anne-Laure Compoint, a indiqué à l’AFP faire appel de cette décision.