Un jour dans l'histoire

L’Italien Gino Bartali : un champion cycliste contre la barbarie nazie et fasciste

Un Jour dans l'Histoire

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Par Gérald Decoster

Un jour dans l’histoire proposait une très intéressante histoire, contée par Nicolas Buytaers et son invité, le journaliste et écrivain Alberto Toscano, celle de Gino Bartali, un champion cycliste italien doublé d’un très discret mais efficace résistant…

Gino Bartali, vainqueur de Milan – San-Remo, le 18 mars 1950.
Gino Bartali, vainqueur de Milan – San-Remo, le 18 mars 1950. © De Agostini Picture Library/Getty Images

Bartali naît le 18 juillet 1914, à Ponte a Ema, à quelques coups de pédalier de Florence… Son père est paysan, sa mère brodeuse, l’avenir de Gino est tout tracé, il sera paysan. "Deux termes peuvent nous aider à parler du petit Gino Bartali. Le premier est chrétien, catholique pour mieux dire, profondément catholique, et le deuxième est paysan, avec tout le bien et le mal qu’on peut lier à ce terme." explique Alberto Toscano.

La première bicyclette : les débuts d’une passion

Pour gagner un peu d’argent en travaillant çà et là, Gino achète son premier vélo quand il a 12 ans : "Il suffit de regarder une fois de plus ce merveilleux film qu’est "Ladri di biciclette", Le voleur de bicyclette, de Vittorio De Sica, tourné peu après la fin de la guerre. On voit à quel point le vélo est l’instrument du travail, pour se déplacer dans une Italie dévastée… Le vélo permet à tout un peuple de retrouver un chemin de liberté…"

Gino chez lui, présentant ses nombreuses récompenses de champion cycliste en 1994…
Gino chez lui, présentant ses nombreuses récompenses de champion cycliste en 1994… © Rino Petrosino\Mondadori via Getty Images

Le 19 juillet 1930, Gino gagne une course cycliste pour garçons de moins de 16 ans. C’est décidé, il deviendra coureur cycliste car, de surcroît, il possède un atout physique incroyable : son cœur. "L’effort est pour lui une activité normale, il est un prédestiné de ce point de vue là. Son physique n’est pas extraordinaire mais son cœur l’est extraordinaire : le rythme cardiaque est très bas… Pendant une course cycliste, c’est pour lui un avantage énorme. Gino deviendra l’un des plus grands grimpeurs de tous les temps."

Gino, l’antifasciste

Le grand sportif déteste Benito Mussolini et son fascisme : "Gino est un candide, son antifascisme profond est celui de quelqu’un qui déteste l’arrogance du pouvoir. Il déteste la dimension intolérante du fascisme et il le fait en tant que catholique…"

Bartali gagne le Tour de France 1938 et, "devant les caméras et les photographes, il refuse de faire le salut fasciste et fait le signe de croix." Ce signe de croix est révélateur de la situation italienne de l’époque : "il y avait à ce moment-là une alternative entre pouvoir fasciste et pouvoir catholique en Italie, et le symbole de l’église catholique qui est le signe de croix devenait objectivement un défi au fascisme."

Gino, champion de Dieu et résistant pour l’Humanité

Gino et son épouse Adriana Bani reçus au palais du Quirinal à Rome, en 1948 : sa victoire au Tour de France de cette année-là a évité une révolution en Italie.
Gino et son épouse Adriana Bani reçus au palais du Quirinal à Rome, en 1948 : sa victoire au Tour de France de cette année-là a évité une révolution en Italie. © Archivio Cicconi/Getty Images

En 1940, avec l’entrée en guerre de l’Italie, "Gino sait que c’est son devoir de s’engager et il s’engagera quand l’évêque de Florence lui demandera de le faire.", le cardinal Elia Dalla Costa est son ami, il a célébré son mariage avec Adriana Bani…

Bartali entre dans le réseau clandestin "Les deux religions" où il est baptisé "Facteur de la liberté" : "Nous avons derrière nous des siècles de lutte entre religions mais deux religions, la catholique et la juive, découvrent qu’au centre d’une religion, il y a Dieu, mais il y a aussi l’homme."

Des évêques et des Juifs vont se rassembler pour sauver des vies "et la ruse de l’évêque de Florence et de demander à Bartoli qui a une raison pour circuler en Italie parce qu’il est un champion le cycliste… Et la ruse de Bartali allait être de cacher à l’intérieur de son propre vélo, les photos d’identité pour réaliser ensuite les faux papiers, et ensuite les faux papiers qui devaient arriver à l’intérieur des couvents où les juifs étaient réfugiés et d’où ils pouvaient sortir avec une nouvelle identité."

Gino et sa fille, Bianca Maria, en 1962.

Bartali ne parlera jamais de ses missions à sa famille, c’est bien plus tard que sa fille, Bianca Maria, se souviendra de ce que son père avait dit dans ses derniers moments : "je veux qu’on se souvienne de moi pour mes résultats sportifs et pas comme un héros de guerre, les héros ce sont les autres, ceux qui ont souffert. Je me suis contenté de faire ce que je savais faire, rouler à vélo…"

Le bien doit être accompli dans la discrétion.

Pourquoi Gino Bartali n’a-t-il jamais parlé, ni voulu que l’on parle de son action pendant la Seconde Guerre mondiale ? Selon Alberto Toscano, "Gino savait que son action dans la résistance était le résultat du travail de beaucoup de personnes, et beaucoup de personnes de son réseau ont perdu la vie. Gino était les plus célèbre de tous. Si on parlait de lui, on aurait identifié tout le réseau à une seule personne et c’est certainement ce que Gino voulait éviter."

Une reconnaissance du bien accompli

Le 29 juin 2024, la 111e édition du Tour de France démarrera de Florence, en hommage à Gino Bartali, "et on parlera beaucoup de lui, mais n’oublions pas les autres. Si on veut vraiment rendre hommage à Gino, parlons aussi des victimes anonymes de la répression nazi-fasciste et des victimes qui faisaient partie de son réseau de résistance "Les deux églises"."

Gino et Adriana au Vatican, pour une audience avec Pie XII, après le tour de France 1948.

Gino Bartali meurt le 5 mai 2000, chez lui, à Ponte a Ema. Pour son action durant la guerre, c’est en 1948 que le pape Pie XII avait fait de lui un Grand officier de l’ordre de Saint-Sylvestre, récompensant les mérites civils. En 1986, il était devenu Grand officier de l’Ordre du Mérite de la République italienne puis Chevalier grand-croix

Mais surtout, et c’est bien probablement là, la plus grande reconnaissance : le 23 septembre 2013, Gino Bartali a été reconnu Juste parmi les nations, son nom est désormais inscrit sur le mur du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.

Un vélo contre la barbarie nazie – L’incroyable destin du champion Gino Bartali, par Alberto Toscano.

Un vélo contre la barbarie nazie – L’incroyable destin du champion Gino Bartali, par Alberto Toscano, Dunod poche, 2023.

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