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En Argentine, le président Milei annonce une dérégulation massive de l’économie

Le nouveau chef de l’Etat ultralibéral veut modifier ou abroger par décret plus de 300 normes dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail

Javier Milei s'adresse aux Argentins depuis le palais présidentiel de Buenos Aires le 20 décembre 2023. — © HANDOUT / AFP
Javier Milei s'adresse aux Argentins depuis le palais présidentiel de Buenos Aires le 20 décembre 2023. — © HANDOUT / AFP

Le président ultralibéral argentin Javier Milei a annoncé mercredi qu’il allait prendre un décret dérégulant massivement la troisième économie d’Amérique latine, en modifiant ou en abrogeant plus de 300 normes dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail.

«L’objectif est d’entamer le chemin vers la reconstruction du pays, rendre la liberté et l’autonomie aux individus et commencer à désarmer l’énorme quantité de régulations qui ont retenu, entravé et empêché la croissance économique dans notre pays», a déclaré Javier Milei dans une allocution diffusée à la radio et à la télévision.

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Parmi les mesures annoncées figurent l’abrogation de la loi encadrant les loyers «pour que le marché immobilier recommence à fonctionner sans problème et que louer ne soit pas une odyssée», a expliqué le président, élu en novembre et qui a pris ses fonctions le 10 décembre.

Seront également abrogées les lois empêchant les privatisations des entreprises publiques. Ces dernières seront toutes transformées en sociétés anonymes en vue de leur privatisation, a affirmé Javier Milei.

Commission mixte

Le chef de l’Etat a aussi annoncé une «modernisation du droit du travail pour faciliter le processus de création d’emploi authentique», la modification de la loi sur les sociétés pour que les clubs de football puissent se transformer en sociétés anonymes, et une longue série d’autres mesures de dérégulation dans les secteurs du tourisme, de la santé, d’internet, du transport aérien, de la pharmacie, de la viticulture ou encore du commerce.

Pour entrer en vigueur, le décret devra être publié au journal officiel, puis être examiné dans les dix jours par une commission mixte composée de députés et de sénateurs. Il ne sera invalidé que s’il est rejeté à la fois par le Sénat et par la Chambre des députés, a expliqué à l’AFP l’avocat constitutionnaliste Emiliano Vitaliani.

Le parti d’extrême droite de Javier Milei, La Libertad Avanza, ne compte que 40 sièges sur 257 à la Chambre basse et seulement sept sièges au Sénat sur 72. Or, la coalition de centre droit Juntos por el Cambio, partiellement alliée avec Javier Milei, compte 81 députés et 24 sénateurs. Auxquels s’ajoutent 26 députés et huit sénateurs indépendants. L’opposition péroniste, elle, compte 105 députés et 33 sénateurs, et la gauche cinq députés.

«Ce message n’est pas surprenant car il n’y a rien que Milei n’ait pas dit qu’il allait faire pendant la campagne. Mais il est surprenant que la mesure ait été prise de cette manière, avec un décret d’urgence», a commenté à l’AFP la politologue Lara Goyburu.

«Tronçonnage» de l’Etat

Javier Milei avait annoncé le 12 décembre une première série de mesures d’austérité, notamment une dévaluation choc de plus de 50% du peso et la réduction des subventions aux transports et à l’énergie. Mesures qui, couplées à l’inflation et à des prix désormais sans encadrement, vont durement impacter le pouvoir d’achat des Argentins.

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Javier Milei, un économiste de 53 ans, a été élu sur un programme de «tronçonnage» de l’Etat, de dégagisme de la «caste politique» et de thérapie de choc pour redresser le pays où l’inflation dépasse les 160% sur un an et qui compte plus de 40% de pauvres. Le nouveau président argentin souhaite ramener les dépenses publiques à 5% du Produit intérieur brut (PIB).

«Au cours des cent dernières années, les politiciens se sont employés à étendre le pouvoir de l’Etat au détriment des Argentins ordinaires. Notre pays, qui dans les années 1920 était la première puissance mondiale, a été impliqué dans une série de crises au cours des cent dernières années, qui ont toutes la même origine: le déficit budgétaire», a justifié le président dans son discours.

Première manifestation

Quelques heures avant l’allocution présidentielle, des milliers de personnes ont manifesté à Buenos Aires contre le gouvernement. Cette première manifestation contre Javier Milei depuis son arrivée au pouvoir a eu lieu à l’appel des organisations sociales de gauche Polo Obrero et Movimiento Socialista. Les manifestants ont marché jusqu’à la Place de Mai, dans le centre de la capitale argentine, où se trouve le palais présidentiel.

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«Je suis venu à la marche pour défendre les libertés démocratiques, la liberté de manifester. Il y a un ajustement brutal, il faut s’organiser et sortir pour résister», a déclaré à l’AFP Ezequiel Pretti, un employé de 34 ans.

Manifestation à Buenos Aires le 20 décembre 2023. — © LUIS ROBAYO / AFP
Manifestation à Buenos Aires le 20 décembre 2023. — © LUIS ROBAYO / AFP

L’énorme dispositif policier, supervisé personnellement par le président et sa ministre de la Sécurité Patricia Bullrich depuis le siège de la police fédérale, a été critiqué par les organisateurs. «Ça me rappelle la dictature», a commenté Eduardo Belliboni, dirigeant de Polo Obrero.