47 morts liés au trafic de drogue à Marseille, ce qu'il y a derrière ce chiffre

Ce classement est aussi susceptible d’évoluer, à la marge, en fonction de l’évolution des investigations.

Ce classement est aussi susceptible d’évoluer, à la marge, en fonction de l’évolution des investigations.

Photo archives Franck PENNANT

Marseille

DOSSIER. A Marseille, la guerre des territoires pour le trafic de stupéfiants a atteint son paroxysme cette année 2023 avec 47 personnes tuées. Derrière cette hécatombe sans précédent, près de 150 fusillades et plus de 120 blessés ont été recensés cette année, mais la nature même de ces faits les rend parfois difficile à quantifier avec précision.

Il y a ce chiffre, 47 morts. Mais derrière, la réalité est plus complexe. Que mesure-t-on exactement ? Dans quel périmètre ? La question s’est longuement posée, tant à la rédaction qu’au sein des services de l’État. Les modes de comptage ont évolué au fil des années, la notion policière de "règlement de comptes" est par exemple passée au second plan, du fait des nouveaux modes d’action du narcobanditisme (lire page suivante). "Parfois il y a des divergences", relève un fonctionnaire, car ces statistiques varient, tant en fonction du périmètre pris en compte que de l’avancée des enquêtes. "Selon la façon de compter, on arrive même à 51 morts…", glisse un magistrat.

Si l’on s’en tient aux seuls décès par arme à feu, le nombre dépasse même les 60 victimes. Nous avons choisi de limiter le décompte aux décès en 2023 sur fond de trafic de stupéfiants dans les Bouches-du-Rhône - et tous n’ont pas été causés par des balles. Un décompte sur lequel la préfecture de police et la PJ s’accordent, mais auquel on pourrait par exemple ajouter ces deux Marseillais assassinés en Espagne, début avril, dans le cadre d’un règlement de comptes directement lié au conflit de la Paternelle.

Ce classement est aussi susceptible d’évoluer, à la marge, en fonction de l’évolution des investigations. Car il ne serait pas inédit qu’un assassinat d’abord classé "stup" en raison du contexte, notamment des antécédents judiciaires de la victime, évolue finalement en crime de droit commun. Ainsi, la carte que vous avez sous les yeux est seulement indicative.

Et le lieu des homicides n’a pas toujours de lien avec le contentieux sous-jacent. L’hécatombe de 2023 n’en demeure pas moins exceptionnelle, elle est liée dans près de 73 % des cas à cette "guerre de la Paternelle". Mais au-delà du nombre de décès, c’est celui des fusillades, parfois sans victimes, qui témoigne le mieux de la situation. Nous en avons dénombré près de 150, dont des dizaines de "coups de force", ces opérations d’intimidation par des commandos, ont eu lieu sans effusion de sang.

Presque une question de chance, "car une balle de 7.62mm, ça traverse beaucoup de choses..." relevait en mars un commissaire pourtant chevronné effaré, déjà, par le nombre de fusillades. Ces dernières semaines encore, des fenêtres, des cloisons, ont été transpercées. Et une fois, au moins, le 9 septembre, à Saint-Thys (10e arrondissement de Marseille), ces balles perdues ont tué aveuglément une habitante de 24 ans dans son appartement.

Et au-delà des 47 morts, il y a aussi les blessés. 123, selon le procureur Bessone, dont 118 liés au narcobanditisme, là encore, pour la plupart touchés très grièvement par des balles de gros calibre. Des victimes fauchées souvent dans la force de l’âge, certes vivantes, grâce aux miracles de la médecine d’urgence, mais pour beaucoup mutilées et traumatisées à vie.