Esther Duflo, la pauvreté expliquée aux enfants

Economiste, spécialiste du développement et du micro-crédit, Esther Duflo a reçu en 2019 le prix Nobel d'économie avec Abhijit Banerjee et Michael Kremer. Ses travaux portent sur les domaines de l’économie du développement et en particulier de la santé, de l’éducation ou de l’accès au crédit dans les pays en développement.

Alors que dans le monde, 356 millions d'enfants vivent dans la grande pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1,70 € par jour, Esther Duflo insiste sur la nécessité d’aborder la pauvreté non seulement comme un problème économique, mais aussi comme un enjeu social et éducatif.

Dans  une collection de livres pour enfants publiés au Seuil jeunesse, elle aborde différents thèmes liés à la pauvreté pour sensibiliser les enfants aux questions d’inégalité dès le plus jeune âge.

Des cours ouverts à tous au Collège de France

En septembre dernier, la prix Nobel d'économie Esther Duflo publiait avec la dessinatrice Cheyenne Olivier, une nouvelle série d'albums destinés aux enfants sur le thème de la pauvreté, pour expliquer aux petits entre 5 et 8 ans, la manière dont les plus pauvres vivent dans le monde. Dans ces albums, il est beaucoup question d'écologie et de ressources, comme l'eau ou la forêt. Dans un contexte où le réchauffement climatique a des implications encore plus dramatiques pour les habitants des pays pauvres, Esther Duflo est une figure de proue de l'économie du développement, avec des travaux qui ont eu un impact significatif sur la santé, l'éducation et le bien-être des populations les plus démunis. Professeur au MIT à Boston, elle fait son retour en France où elle va reprendre cette semaine des cours ouverts à toutes et tous au Collège de France les mercredis de 14 h à 16 h, c’est sans inscription. Il y aura ensuite une retransmission vidéo des cours sur Internet : « Le premier cours est sur les risques auxquels les pauvres font face et la manière dont ils s'entraident, et le rôle que jouent les gouvernements et la communauté internationale pour faire face à ces risques qui vont ne faire que s'accentuer pendant les années à venir. »

Son retour en France

Esther Duflo revient donc en France, elle quitte les Etats-Unis où elle trouve que la politique est devenue "de plus en plus compliquée" : « En France, il y a un écosystème entre l'école d'économie de Paris et le Collège de France par exemple, qui est intéressant. » Les institutions françaises lui ont déroulé le tapis rouge pour son retour.

S’intéresser à la question de la pauvreté

Esther Duflo a toujours été intéressée par la question de la pauvreté : « Ma mère faisait partie d'une association de pédiatres qui est venue en aide aux enfants victimes de la guerre qui s'appelait L'appel. Elle voyageait beaucoup et quand elle revenait, elle nous montrait des diapositives de là où elle était allée. Je me souviens de son premier voyage, c’était au Maroc chez les Sahraouis où les femmes allaient chercher de l’eau très loin dans le désert, ça m’avait extrêmement marqué. Un de mes oncles est l’un des fondateurs de Médecins du Monde, lui aussi nous racontait ce qu'il faisait. Donc, très tôt, je me suis posé la question de ma responsabilité et de la chance qui m'avait été donnée de naître dans une famille de classe moyenne supérieure dans une banlieue parisienne, alors que j'aurais pu naître au Congo ou à Gaza. J’ai toujours essayé d’être utile face au fléau de la pauvreté. »

"Les pollueurs doivent payer"

Pour Esther Duflo, que ce soit ou France, aux Etats-Unis, et même en Chine, il y a un vrai problème de répartition des richesses alors qu’actuellement, on en parle beaucoup de la transition écologique à l'échelle mondiale et de taxer les pays les plus riches pour permettre aux plus pauvres d'engager cette transition. Mais la COP 28 de Dubaï a montré les difficultés qu’ont les pays riches face aux enjeux financiers qui seraient nécessaires : « C'est aussi parce que les pays riches, et en particulier leurs citoyens les plus riches, sont responsables de la grande majorité des émissions. Encore aujourd'hui, ces émissions ont un coût sur le reste du monde qui est beaucoup plus élevé dans les pays pauvres, en particulier en termes de mortalité. Le réchauffement de la planète va conduire à une augmentation de la mortalité comparable à l'ensemble des maladies infectieuses. En 2100, il y aura plus de morts par le réchauffement climatique que par les maladies infectieuses en Afrique et en Asie combinés. Par nos choix de consommation, nous imposons des coûts énormes aux pays pauvres. Ce n'est même pas une question de financer la transition, selon moi, les pollueurs doivent payer. »

Parler de pauvreté aux 5 – 8 ans

Avec l’illustratrice Cheyenne Olivier, Esther Duflo a décidé de parler de pauvreté aux enfants âgés de 5 à 8 ans, une démarche qui en étonne certains : « Si je reviens à mon enfance, les diapositives que j'ai vues sont restées avec moi toute ma vie et ont été essentielles dans ma carrière. Les livres auxquels on a accès quand on est enfant, sont essentiels pour nous former une sensibilité, et je pense que plus on le fait tôt, mieux c'est. Il y a un véritable enjeu d'éducation à informer les plus jeunes de ces questions. »

Actu :

Les cours d'Esther Duflo au collège de France, ouverts à tous, ainsi qu'un cycle mensuel de conférence "agir pour l’éducation". Première session  le 12 janvier 2024.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...