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Homosexualité, Bilderberg, judéité supposée : Gabriel Attal, cible des fantasmes de la complosphère
À 34 ans, Gabriel Attal est devenu le plus jeune Premier ministre de l'histoire. Il concentre sur lui de nombreuses haines complotises.
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Homosexualité, Bilderberg, judéité supposée : Gabriel Attal, cible des fantasmes de la complosphère

Pot-pourri

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L’ascension éclair de Gabriel Attal, nommé plus jeune Premier ministre de la Ve République à seulement 34 ans, suscite l'ire des complotistes de tous poils, qui ciblent à la fois son homosexualité affirmée, son origine juive supposée ou sa participation au groupe Bilderberg.

En 1944, Jean-Paul Sartre expliquait dans son ouvrage Réflexion sur la question juive que « le juif » naissait dans le regard de « l'antisémite ». Les haines concentrées sur la personne de Gabriel Attal, qui vient d'accéder à Matignon, en sont un argument involontaire : le plus jeune Premier ministre de la Cinquième République se définit comme orthodoxe de par sa mère, et pourtant, son nom de famille provoque contre lui un torrent de haine antisémite, qui se focalise aussi sur sa participation au très mystérieux cercle Bilderberg, en 2023. Son homosexualité assumée publiquement est un autre argument utilisé par ses détracteurs les moins pourvus d'arguments politiques.

« Le passage du woke au LGBT »

Premier Premier ministre de l'histoire française à se déclarer ouvertement homosexuel, Gabriel Attal s'est d'abord attiré les foudres de la droite la plus conservatrice. Sur le plateau de la chaîne LCI lundi 9 janvier, Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, n'a pas pu s'empêcher de laisser entendre que l'homosexualité de Gabriel Attal serait l'une des raisons de sa potentielle nomination à Matignon. « L'homosexualité de Gabriel Attal est un élément qu'il ne faut pas négliger pour Macron. L'un de ses leviers, c'est l’émancipation. Attal par ses choix en est un reflet », a-t-il déclaré. Ces propos ont depuis été retirés des réseaux sociaux par la chaîne de télévision.

Au moment de sa nomination au ministère de l'Éducation nationale, en juillet dernier, Gabriel Attal avait annoncé publiquement, sur le plateau de l'émission « Sept à huit » sur TF1, son homosexualité, et avait déclaré avoir été victime de harcèlement de la part de ses camarades tout au long de sa scolarité. Plusieurs années après la fin du collège, l'essayiste Juan Branco, dont Gabriel Attal parle dans cette émission sans le nommer comme l'un de ses harceleurs lorsqu'ils étaient tous deux scolarisés à l'École alsacienne, avait affirmé dans son livre Crépuscule (Au Diable Vauvert, 2018), que Gabriel Attal entretenait une relation intime avec l'eurodéputé et conseiller d'Emmanuel Macron, Stéphane Séjourné.

Jamais loin des théories complotistes et des attaques sur l'orientation sexuelle, l'ancien député Philippe de Villiers y était allé de son tweet en déclarant, à l'occasion du remplacement de Pap Ndiaye par Gabriel Attal rue de Grenelle, que cette nomination marquait « le passage du woke au LGBT », ajoutant qu'Attal était un militant. Des propos qui avaient indigné jusqu'au Rassemblement national (RN) : le vice-président du RN à l'Assemblée nationale, Sébastien Chenu, avait jugé ce tweet « consternant » et « déplacé ». « Homophobe » n'aurait sans doute pas été de trop non plus.

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Attal, cible des antisémites

En janvier 2021, celui qui était encore porte-parole du gouvernement avait révélé la réception, au ministère, d’une lettre insultante à caractère, non seulement homophobe, mais aussi antisémite. En plus d’une étoile jaune dessinée sur la correspondance, qui ne laisse aucun doute sur les motivations de l’auteur du courrier, on y lisait des menaces de mort. « On vous fera la peau » était-il ainsi écrit sur la lettre, qui évoque « la juiverie et les enculés du macronisme ». « Les ordures on les brûle », continue la lettre. L’actuel chef du gouvernement avait alors déclaré avoir déposé plainte.

Pourtant, dans les colonnes du magazine Gala, en août 2021, l’ancien élève de l’École alsacienne avait déclaré subir régulièrement des attaques antisémites, du fait de son nom de famille, et avoir été préparé à cela dès le plus jeune âge : « Mon père m’avait dit : “Tu as beau ne pas être juif (je suis russe orthodoxe par ma mère), tu te sentiras toute ta vie solidaire des juifs car tu subiras comme eux l’antisémitisme du fait de ton nom.” Ça n’a pas manqué. Mais je ne m'en plaindrai jamais. »

Pantin du groupe Bilderberg

Autre sujet propice à la naissance de haines complotistes, Gabriel Attal, comme son collègue du gouvernement Clément Beaune, a participé au célèbre sommet de Bilderberg, à Lisbonne, au Portugal, en mai 2023, alors qu'il était ministre des Comptes publics. Ce cercle de travail réunit chaque année des responsables politiques et économiques pour discuter des grands enjeux mondiaux. La nature confidentielle des propos qui sont tenus lors des différentes réunions suscite, depuis plusieurs années, de nombreuses théories fumeuses, accusant notamment le cercle de diriger secrètement la finance, ou encore d'être un gouvernement mondial caché à la solde d'intérêts occultes… ou des juifs. Dans un tweet publié ce mardi 9 janvier en début d'après midi et supprimé depuis, la députée européenne du Rassemblement national (RN), Virginie Joron a décrit le nouveau Premier ministre comme un homme politique « adoubé par l’élite mondialiste de Bilderberg en 2023 ».

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Philippe de Villiers, encore lui, avait également profité de la nomination du ministre à l'Éducation nationale, la même année, pour qualifier celui-ci de « membre éminent du groupe Bilderberg partisan de la rééducation nationale », obéissant à la logique supposée d'Emmanuel Macron de « changer de société ».

La créature des époux Macron

Dans la galaxie mentale de la complosphère, la tête exécutive de l'État n'est pas assurée par un duo président-Premier ministre, mais par les époux Macron, qui contrôleraient le jeune Gabriel Attal. Esseulé politiquement au sein de la Macronie, le nouveau chef du gouvernement est proche du couple, trop, pour les théoriciens du complot. Des internautes, visiblement renseignés d'une manière qui leur appartient, y vont de leur théorie sur la supposée emprise qu'auraient le président de la République et sa femme, qui, pour les complotistes n'en est pas une, puisqu'ils considèrent que Brigitte Macron est en réalité un homme transgenre nommé Jean-Michel Trogneux – un grand classique du conspirationnisme américain, débarqué en France à la veille de la dernière élection présidentielle. « Attal est la chose du couple Trogneux », peut-on notamment lire sur X (ex-Twitter).

Au milieu de ces théories sur Attal qui serait le pantin des époux Macron, l'on retrouve également les conjectures sur la supposée homosexualité d'Emmanuel Macron, qui avaient principalement pris racine durant la première campagne présidentielle du président. Alors qu'ils le voyaient dans une idylle avec Mathieu Gallet, ancien directeur général de Radio France, les enquêteurs zélés l'imaginent désormais en couple avec son nouveau Premier ministre. Au moins, les complotistes recyclent leurs théories.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne