En France, le faible taux de vaccination contre le papillomavirus inquiète les professionnels de santé

La vaccination contre le papillomavirus, qui nécessite deux doses, n’est pas obligatoire en France et il appartient aux parents de décider de faire vacciner ou non leur enfant. [Komsan Loonprom/Shutterstock]

La couverture vaccinale contre le papillomavirus humain en France reste l’une des plus faibles de l’Union européenne. Les professionnels de santé alertent sur les risques pour la santé publique et sur l’importance de vacciner également les garçons.

La couverture vaccinale française de 28 % en 2020 est près de trois fois inférieure à celle de certains autres États membres, comme le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni, où elle atteint 75 %. En Europe, en 2020, la couverture vaccinale dépassait 50 % dans 20 États membres et 75 % dans onze États membres.

La vaccination contre le papillomavirus, qui nécessite deux doses, n’est pas obligatoire en France et il appartient aux parents de décider de faire vacciner ou non leur enfant.

« La question primordiale est : faut-il imposer ce vaccin ou faut-il attendre que les gens viennent se faire vacciner ? » selon le Professeur Richard Villet, de l’Académie nationale française de médecine, contacté par Euractiv.

Pour autant, le fait que le vaccin contre le papillomavirus ne soit pas obligatoire en France ne semble pas être la raison principale du faible taux de vaccination, puisqu’elle n’est obligatoire dans aucun État membre, à l’exception de la Lettonie, où elle est obligatoire pour les filles âgées de douze ans.

La principale différence est que dans certains États membres comme l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni ou le Danemark, le vaccin est automatiquement proposé aux enfants dans les collèges.

Pour démocratiser l’accès au vaccin, l’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau avait annoncé en octobre dernier la mise en place d’une campagne nationale de vaccination pour tous les élèves de cinquième.

Il avait à l’époque indiqué sur X que cette campagne offrirait aux « collégiens de 5ème un vaccin qui prévient jusqu’à 90 % des infections », bien que ce vaccin ne soit pas obligatoire.

« Bien qu’il soit encore tôt pour analyser les effets de la campagne de vaccination, la nouvelle ministre de la Santé Catherine Vautrin devra en analyser les résultats, qu’ils soient bons ou mauvais et devra en tirer les conséquences afin de mettre en plan un potentiel futur plan d’action», estime Catherine Amalric, eurodéputée française (Renew) et membre de la Commission de l’Environnement et de la Santé publique (ENVI).

Vacciner à la fois filles et garçons

La majorité des personnes vaccinées contre le papillomavirus en France sont des filles : 41,5 % des jeunes filles de 16 ans étaient complètement vaccinées en 2022, selon l’Institut national du cancer (INCA), contre 8,5 % des garçons.

« Or, il est important de vacciner dès le collège, en classe de cinquième, les filles comme les garçons », rappelle Catherine Amalric.

Selon une étude publiée en août dans la revue scientifique The Lancet, près d’un homme sur trois dans le monde est infecté par au moins un papillomavirus.

« Les hommes sexuellement actifs de tous âges courent un risque élevé d’infection génitale par le papillomavirus », indique l’étude.

Les personnes infectées par le papillomavirus peuvent développer des cancers du col de l’utérus, du vagin, de la vulve et de l’anus, ainsi que des cancers de la bouche, de la gorge, de la tête et du cou.

Le virus est à l’origine de 6  400 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus chaque année en France. D’où la nécessité de mettre en place de meilleurs programmes de dépistage pour résoudre ce problème, selon le Professeur Villet.

« Le dépistage n’est pas régulier en France, notamment dans les milieux défavorisés où l’on manque de gynécologues », a-t-il expliqué à propos du cancer du col de l’utérus.

La France, en retard sur l'Europe, se prépare à vacciner contre le papillomavirus

La France a lancé une campagne de vaccination contre le papillomavirus (HPV) pour toutes les filles et tous les garçons en classe de cinquième, alors que le pays a l’un des taux de vaccination contre le HPV les plus bas d’Europe.

La réticence des Français à se faire vacciner

Une autre explication est la réticence des Français à se faire vacciner, quel que soit le vaccin. Un rapport de la Fondation Jean Jaurès révèle que lorsque l’on demande aux Français s’ils accepteraient de se faire vacciner contre le Covid-19, 24% répondent qu’ils n’accepteraient probablement pas et 19% qu’ils n’accepteraient certainement pas.

« Ces chiffres ne sont finalement pas étonnants tant depuis quelques années la France est devenue un des États d’Europe, voire du monde, les plus sceptiques à l’égard de la couverture vaccinale », indique le rapport, publié en novembre 2020.

Selon le Professeur Villet, « le lobby antivax en France est très important et a une grande audience sur les réseaux sociaux », ce qui favorise la diffusion de fausses informations.

« Il y a un rôle dévastateur des fake news sur la vaccination en France », confirme Catherine Amalric.

Dans le cas du vaccin contre le papillomavirus, outre la réticence générale à la vaccination, il y a aussi le fait qu’il soit lié à la sexualité, ce qui est un « frein », selon l’eurodéputée française. Il y a un risque de contamination dès les premiers rapports.

Il existe également des disparités en termes d’accès à la vaccination en France, car « les groupes sociaux les plus favorisés sont mieux informés parce qu’ils ont été en mesure de le demander », poursuit-elle.

La question du papillomavirus est abordée à l’échelle de l’UE dans le plan européen de lutte contre le cancer , lancé en 2021 et considéré comme « un pilier essentiel de l’Union européenne de la santé ». Ce plan a pour objectif de vacciner au moins 90 % des filles contre le papillomavirus avant l’âge de 15 ans et d’augmenter la vaccination des garçons d’ici à 2030.

« Le rôle de l’UE, c’est de limiter le risque transfrontalier. Les virus ne connaissent pas les frontières : lorsque les populations bougent, l’exposition à un virus s’amplifie », rappelle Catherine Amalric.

Avant de conclure : « Il faut une vaccination la plus large possible, le plus tôt possible, des filles et des garçons ».

Près d’un homme sur trois est infecté par le papillomavirus au cours de sa vie, selon une étude

Une étude a révélé que près d’un homme sur trois dans le monde est infecté par au moins un papillomavirus humain génital au cours de sa vie, ce qui démontre une fois de plus l’importance d’inclure les hommes dans les stratégies de vaccination.

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