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Arthropodes

Le réchauffement climatique a un effet inattendu sur les papillons

Une équipe britannique vient de mettre en lumière l’étonnante plasticité phénotypique des papillons Myrtil (Maniola jurtina) en réponse au changement climatique. Les chrysalides femelles qui se développent à des températures plus élevées ont moins d’ocelles, ce qui les rend plus difficiles à voir dans l’herbe sèche.

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Un papillon Myrtil (Maniola jurtina) sur un chardon, dans le nord de l’Allemagne.

Le Myrtil, ou Maniola jurtina, est un papillon de jour qui se rencontre un peu partout en France.

SILAS STEIN / DPA / AFP
Un papillon Myrtil (Maniola jurtina) sur un chardon, dans le nord de l’Allemagne.
Le réchauffement climatique a un effet inattendu sur les papillons
Emma Nicolas
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Les ailes des papillons sont fascinantes. Si les motifs colorés dont se pare cet insecte volant servent au camouflage, à la dissuasion, à l’imitation ou encore à la parade nuptiale, ils peuvent aussi évoluer en réponse à la hausse des températures. C’est l’étonnante découverte réalisée par une équipe de scientifiques britanniques, qui a constaté que les femelles papillons Myrtil (Maniola jurtina) dont les chrysalides s’étaient développées à 11°C présentaient en moyenne six taches, tandis que celles qui s'étaient développées à 15°C n'en présentaient que trois. 

Leurs travaux, publiés le 17 janvier 2024 dans la revue Ecology and Evolution, montrent que la variation des taches est due à la capacité du papillon à réagir à la hausse des températures. Cette découverte remet en question les opinions scientifiques de longue date sur les raisons pour lesquelles les papillons ont un nombre variable de taches.

Le papillon Myrtil a un camouflage qui s’adapte

Le Myrtil est un papillon commun brun orangé que l’on trouve de mai à octobre dans les prairies et les jardins, partout en France et en Europe. Ses ailes antérieures sont ornées de grandes taches arrondies appelées ocelles, destinées à avertir et à effrayer les prédateurs. Quant aux ailes postérieures du Myrtil, elles présentent des taches plus petites qui lui permettent de se camoufler lorsqu’il se repose dans l'herbe sèche.

Une femelle Myrtil (Maniola jurtina) avec trois taches sur l\'aile postérieure Crédit : Professor Richard ffrench-Constant

Un papillon femelle Myrtil (Maniola jurtina) avec trois taches sur l’aile postérieure. Crédits : Professor Richard ffrench-Constant

"Ces taches sur les ailes postérieures sont moins nombreuses lorsque les femelles sont exposées à des températures plus élevées pendant leur stade nymphal (dans une chrysalide, ndlr)", explique à Sciences et Avenir le professeur Richard ffrench-Constant de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni) et co-auteur de l’étude.

Pour en apporter la démonstration, il lui a fallu collecter des papillons Myrtil mâles et femelles provenant du même champ en Cornouailles, tous les jours pendant la saison de vol, et étudier des collections historiques de papillons séchés provenant d’Eton et de Buckingham. Au total, ce sont 4742 papillons Myrtil – dont 47.420 ocelles – qui ont été examinés.

"Nos résultats suggèrent que les papillons adaptent leur camouflage en fonction des conditions. Avec moins de taches, ils peuvent être plus difficiles à repérer sur de l’herbe brune et sèche, plus fréquente à cause du réchauffement climatique", ajoute-t-il.

Les ailes postérieures d’un papillon Myrtil sans taches peuvent aider au camouflage dans des conditions chaudes et sèches. L’ocelle de l\'aile antérieure peut être cachée par les ailes postérieures. Crédit : Professor Richard ffrench-Constant

Les ailes postérieures d’un papillon Myrtil sans ocelles peuvent l'aider à se camoufler dans des conditions chaudes et sèches. Crédits : Professor Richard ffrench-Constant

Lire aussiLa silencieuse disparition des papillons de jour : 4 histoires pour l'illustrer

"Il s'agit d’une conséquence inattendue du changement climatique"

"Nous n’avons pas observé d’effet aussi marqué chez les mâles, peut-être parce que leurs taches sont importantes pour la sélection sexuelle (pour séduire les femelles, ndlr)", précise le professeur ffrench-Constant. Jusqu’à présent, la variation des taches oculaires chez le papillon Myrtil était considérée comme un exemple classique de polymorphisme génétique – la coexistence de plusieurs formes génétiques au sein d’une même population. 

Cependant, cette nouvelle étude montre que la variation des ocelles est en réalité due à la plasticité phénotypique, c’est-à-dire la capacité d’un organisme de modifier l’ensemble de ses traits observables, en réponse à des facteurs environnementaux. "Il s'agit d’une conséquence inattendue du changement climatique", remarque-t-il. 

Avant de nous confier : "C’est une histoire de famille pour moi, car mon père collectionnait les papillons pour le biologiste Edmund Brisco Ford ici en Cornouailles ! Il est assez amusant de constater que celui qui a inventé le terme de polymorphisme génétique étudiait en fait un exemple de plasticité phénotypique."

Les chercheurs estiment que les ocelles sur les ailes des papillons Myrtil diminueront à mesure que le climat se réchauffera. "On a souvent tendance à penser que les espèces se déplacent vers le nord à mesure que le climat se réchauffe, mais on oublie qu’elles peuvent aussi être amenées à changer d’apparence", conclut le professeur ffrench-Constant.

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