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Séparatisme

Affaire Stanislas : les fils d’Amélie Oudéa-Castéra envoyés en classes non mixtes

L'enseignement public-privé en débatdossier
Un article de «Mediapart» publié ce mardi 23 janvier affirme que la ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castéra a fait le choix de séparer ses trois garçons des filles au sein de l’établissement parisien privé et catholique Stanislas.
par Charles Delouche-Bertolasi
publié le 23 janvier 2024 à 20h06

L’«AOC» du jour. Après avoir été épinglée lundi par le rapport parlementaire sur les dérives des fédérations sportives, Amélie Oudéa-Castéra est de nouveau rattrapée par l’affaire Stanislas. Selon un article publié ce mardi 23 janvier par Mediapart, la ministre de l’Education nationale a décidé de scolariser ses enfants dans des classes non mixtes de l’établissement privé et réac Stanislas.

Une option différente existe pourtant, affirme Mediapart : au sein de chaque niveau au collège, on compte cinq classes de garçons, trois de filles et deux classes mixtes depuis 1992. La ministre a donc décidé d’opter pour la tradition chère à l’école fondée en 1804 par l’abbé Liautard. Une tradition qui se justifie, prétend l’établissement de la rue Notre-Dame-des-Champs. «Notre expérience et notre conviction s’appuient sur le constat du décalage de maturité entre les garçons et les filles à l’aube de l’adolescence», peut-on lire sur le site internet de Stanislas.

Autre point notable du règlement intérieur soulevé par Mediapart : «tout comportement de “petit couple” entre élèves» est proscrit et le moindre contact est interdit. Le pure-player rappelle que déjà dans son enquête publiée sur l’école en 2022, il racontait comment à l’entrée en classe de seconde, les élèves se voyaient remettre un fascicule préconisant de «bons» conseils : «Si tu es une fille, veille sur ce point où tu sais le garçon fragile. Ne fais rien pour l’exciter. Ne l’allume pas. Protège-le contre lui-même.»

Rappel nécessaire de Mediapart quant aux prérogatives de la ministre de l’Education nationale, stipulées dans le Code de l’éducation. Y figure notamment la responsabilité de «favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes». La mission d’Amélie Oudéa-Castéra consiste également à faire appliquer la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif, un texte voté par Jean-Michel Blanquer lorsqu’il était à la tête du ministère.

«Un climat de rejet de l’homosexualité»

Le 16 janvier, dans le rapport d’inspection générale de l’Education nationale également révélé par Mediapart, les inspecteurs consacrent un long paragraphe à cette tradition de la non-mixité défendue par la direction. «La direction justifie ce choix [notamment] par le souci de respecter “le désir de beaucoup d’élèves filles ou garçons de développer à cet âge ce qui est propre à leur féminité ou à leur masculinité sans être constamment sous le regard de l’autre sexe”», écrivent les inspecteurs. Au passage, ces derniers dénoncent un «contexte caractérisé par la dévalorisation entre élèves des classes mixtes, l’image constamment renvoyée aux garçons de leur masculinité et aux filles de leur féminité, ce qui favorise un climat de rejet de l’homosexualité et par voir de conséquence peut être propice aux risques d’homophobies».

La vision rigoriste de la religion prônée au sein de Stanislas motive cette non-mixité. Et les témoignages commencent à abonder. Sur Loopsider, Alex, 19 ans, ancienne élève de Stanislas, a témoigné ce lundi. Elle raconte des années de calvaire et de souffrance. «A Stanislas, on nous disait bien que le préservatif ça empêchait d’avoir des enfants et que si on aimait vraiment quelqu’un au point de coucher avec, c’est qu’on pouvait au moins avoir un enfant avec cette personne», raconte la jeune femme scolarisée dans l’établissement de son CE2 à sa 4e.

«Stanislas était au départ une école strictement réservé aux garçons et, malheureusement ; ça se voit toujours aujourd’hui. Toutes les règles du code vestimentaire pour les filles sont en majeure partie pour éviter d’aguicher les garçons tandis que les garçons ne doivent pas porter de tee-shirt car trop vulgaire», détaille Alex. «Nous, c’est les cheveux attachés pour ne pas faire trop provocatrice. Il fallait faire attention à la longueur des jupes, les talons étaient interdits», se souvient la jeune fille qui a également été la cible de harcèlement au sein du collège. En 4e, elle est victime de violences physiques, d’insultes et de surnoms dégradants. Aujourd’hui suivie par un psychologue, elle garde des «séquelles psychologiques» et est régulièrement sujette à des pertes de connaissance.

La porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a pour sa part assuré ce mardi après-midi que les ministres de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur étaient «en alerte» après les révélations concernant l’établissement scolaire privé Stanislas et le rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale publié la semaine dernière par Mediapart. Pourtant, Amélie Oudéa-Castéra a été déportée du dossier Stanislas. Impossible, donc, d’être vraiment «en alerte».

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