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Mers et océans

Des champignons présents dans les océans capables de dégrader les microplastiques

Selon des résultats préliminaires, des champignons présents dans les océans ont la faculté de dégrader des phtalates et des organophosphates présents dans de nombreux produits en plastique. Une propriété qui devrait accélérer les recherches sur des micro-organismes marins très peu connus.

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Prélèvement d'échantillons d'eau de mer

Prélèvement d'eau de mer pour y rechercher des champignons par le laboratoire Fungal and Biogeochemical Oceanography, de l'université de Vienne (Autriche).

Université de Vienne
Prélèvement d'échantillons d'eau de mer
Des champignons présents dans les océans capables de dégrader les microplastiques
Loïc Chauveau
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Les champignons n’appartiennent pas a priori au périmètre de recherche d’un océanographe. Ils font pourtant partie des priorités de Federico Baltar, chercheur au Laboratoire d’écologie fonctionnelle et évolutive de l’université de Vienne (Autriche). Car ces champignons fréquentent les eaux océaniques, vraisemblablement sur toute la hauteur de la colonne d’eau et sous tous les climats, selon les recherches menées par ce laboratoire. Federico Baltar vient d’annoncer des résultats préliminaires d’une étude à paraître en 2024. Il a trouvé une quinzaine d’espèces fongiques capables de dégrader des plastiques dans le milieu marin.

300 millions de tonnes de champignons pélagiques

Sa démarche a débuté par trois ans de campagnes de prélèvement d’échantillons d’eau de mer, de l’Espagne à la Patagonie et du Groenland à l’Antarctique, pour entamer un inventaire des espèces. Cela fait moins de deux décennies que la recherche s’intéresse à cette catégorie particulière de microbes vivant en compagnie de bactéries, de microalgues, de zoo et phytoplanctons. Cet écosystème microbien représenterait 89% de l’ensemble de la vie marine. C’est un élément clé du cycle du carbone, agissant comme un outil de séquestration du CO2 atmosphérique, mais aussi des cycles du soufre et du phosphore. Il fournit la moitié de l’oxygène disponible sur Terre.

En juin 2023, dans la revue scientifique Trends in Ecology and Evolution, le laboratoire viennois rappelait ainsi que la biomasse totale des micro-organismes vivant dans les océans était estimée à 6 milliards de tonnes de carbone, parmi lesquelles 300 millions de tonnes sont des champignons pélagiques. Avec une grande marge d’incertitude car ces espèces fongiques ont une densité qui varie de 0,01 à 35 microgrammes par litre d’eau. Ils peuvent notamment être dominants dans la neige océanique, ces éléments nutritifs qui coulent dans les profondeurs.

Des champignons présents dans les océans depuis les origines de la vie

Que les champignons soient présents dans les océans n’est pas une surprise. Les Fungi parasitaient algues et poissons avant la conquête des continents, il y a 500 millions d’années, d’abord par les plantes, puis par les insectes et enfin les vertébrés. Sans leur symbiose avec les plantes — les mycorhizes — les végétaux n’auraient pu s’adapter au milieu terrestre. Mais la science les avait cantonnés comme l’un des éléments parmi d’autres de ce milieu complexe, un millilitre d’eau de mer contenant des millions d’organismes.

Federico Baltar et son équipe se sont focalisés sur ce règne particulier (les champignons ne sont ni des végétaux, ni des animaux) afin de déterminer s’ils étaient capables de digérer des éléments tels que les phtalates et les organophosphates les plus enclins à être dégradés par des microbes, ainsi que l’ont démontré des études antérieures. Avec évidemment en ligne de mire l’énorme enjeu écologique que représente la pollution des mers par les plastiques.

Le séquençage génomique des échantillons prélevés a permis d’identifier 300 espèces de champignons. Et parmi ceux-ci, 15 se sont révélées aptes à dégrader les plastiques. "Nous avons utilisé ces échantillons vivants pour déterminer les mécanismes que ces champignons utilisent pour découper les complexes molécules organiques, raconte Federico Baltar, dans le résumé publié par le Fonds autrichien pour la science, qui finance ces recherches. Nous avons donc étudié le génome de ces espèces pour comprendre leur potentiel métabolique pour casser ces composés. Et ensuite, nous avons regardé les gènes qui servent à exprimer ces mécanismes et comment ceux-ci fonctionnent." Les chercheurs veulent non seulement savoir ce qui rend les enzymes en cause efficaces pour dégrader les plastiques, mais également si ceux-ci sont les mêmes pour toutes les espèces.

Parmi les autres pistes de recherche du laboratoire, figurent également des tests pour comprendre l’influence de la température et de la salinité sur les mécanismes métaboliques des champignons. L’impact du changement climatique sur la température des eaux de surface et sur la salinité via la fonte des calottes glaciaires affecte en effet d’ores et déjà les organismes vivant dans les mers et peuvent notamment modifier leur métabolisme. Les chercheurs envisagent également de retourner en mer pour augmenter les prélèvements et avoir ainsi une meilleure idée de la densité de champignons dans l’océan. Et ils veulent vérifier si cette capacité de dégradation des plastiques constatée en laboratoire se déroule bien aussi dans le milieu naturel. Enormément de questions, donc. "Il y a tellement d’aspects inconnus. C’est comme s’enfoncer dans une immensité sauvage avec une machette", poétise Federico Baltar.

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