Marseille : Gérard Gallas, le "roi des taudis", condamné à 4 ans de prison ferme et une amende de 75 000€

Par M.DG.

Gérard Gallas lors de son procès en novembre 2023 la caserne du Muy, accompagné de l'un de ses avocats. Plusieurs victimes, une association et la Ville de Marseille s'étaient portés partie civile.

Gérard Gallas lors de son procès en novembre 2023 la caserne du Muy, accompagné de l'un de ses avocats. Plusieurs victimes, une association et la Ville de Marseille s'étaient portés partie civile.

Photo Franck Pennant

Marseille

L'ex-policier avait été comparu en novembre dernier devant le tribunal correctionnel. Propriétaire de 122 logements insalubres ou dangereux, il risquait jusqu'à 7 ans de prison. Hospitalisé, il n'était pas présent lors du rendu de son délibéré.

"Aliani, le factotum zélé; Gallas, le mégalomane cupide, qui se déguise sous des habits de bienfaiteur illuminé." Les paroles du procureur, Guillaume Bricier, avaient résonné avec force lors du procès du "roi des taudis", mi-novembre dernier devant le tribunal correctionnel de Marseille. Gérard Gallas, ex-policier et propriétaire de 122 logements insalubres ou dangereux, a été condamné ce matin à 5 ans de prison, dont 4 ans ferme et une amende de 75 000€. Il n'était pas présent au prononcé de la décision, hospitalisé, selon l'un de ses avocats. Il était dernièrement, a-t-on appris également, détenu dans le cadre d'une autre procédure.

Selon une source proche du dossier, il serait en effet mis en cause dans une enquête pour des faits de viol et violences habituelles sur sa conjointe ayant entraîné une infirmité permanente. Celui qui était apparu comme son homme de confiance, Faissoili Aliani, absent au procès et non représenté, a écopé de 4 ans de prison et 45 000€ d'amende. Un mandat d'arrêt a été décerné à son encontre.

"Dans sa volonté d’atteindre une rentabilité maximale et à grande échelle, Gérard Gallas a montré un mépris assumé des conditions de vie de ses locataires, en exploitant sans scrupule leur vulnérabilité", a notamment justifié le président de la sixième chambre du tribunal correctionnel de Marseille, Pascal Gand. Au vu de "l'entreprise très déviante, de la personnalité trouble de Gérard Gallas et de l'absence de remise en cause" de ce dernier, les juges ont prescrit un an de suivi socio-judiciaire à l'issue de son incarcération. Le magistrat du parquet avait requis contre les deux hommes respectivement quatre ans de prison avec mandat de dépôt assortis d'une amende de 75 000€, et trois ans de prison avec 25 000€ d’amende. Dans ce procès emblématique du logement indigne à Marseille, "c’est le mot important, la dignité. On n’est pas dans une infraction administrative, mais dans une atteinte à la dignité humaine", avait notamment pilonné Guillaume Bricier.

Âgé de 50 ans, Gérard Gallas avait achevé sa carrière de fonctionnaire de police par un poste au centre de rétention du Canet. Il avait quitté les forces de l'ordre en 2017 pour se lancer dans une carrière d'investisseur immobilier. Se rêvant millionnaire, il avait acquis des immeubles dans les quartiers les plus pauvres de la ville, les divisant pour multiplier les loyers, avant d'y installer des locataires particulièrement précaires : demandeurs d'asile, sans papiers...

Dans les 122 logements de quatre immeubles ciblés par la procédure de justice, les habitants se serraient dans des espaces exigus (l'un des logements faisait 5m2), sous la menace d’une électrocution, dans des lieux infestés de cafards, de punaises de lit et couverts de moisissures, parfois sans eau chaude ni chauffage. Certains locataires avaient défilé au cours de l'audience, témoignant de leurs conditions de vie sordides et plaçant le prévenu face à ses contradictions. Selon eux, Gallas savait.

Au cours des trois jours de procès, le propriétaire avait pourtant invoqué avoir fait confiance à un ancien maçon comorien, Faissoili Aliani (lequel avait usé de méthodes pour le moins musclées pour évacuer certains locataires), ignorant la situation dégradée des gens qui vivaient dans ses immeubles. Il avait également assuré avoir été dépassé par la violence de certains résidents, squattant sans régler de loyer et transformant certains édifices en espaces sans foi ni loi.

"Gallas, qui s’est rêvé magnat de l’immobilier, a confondu investissement et gestion immobilière (…) son erreur a été d’avoir petit à petit donné les pleins pouvoirs à Faissoili Aliani.", avait plaidé en défense Me Frédéric Sanchez, avocat de l'ancien policier.

Gérard Gallas, ses SCI et Faissoili Aliani devront en outre dédommager nombre de leurs anciens locataires, pour un total dépassant les 300 000€. Parmi les parties civiles, la Ville de Marseille avait réclamé en novembre un dédommagement de 64 000€, dont 54 000€ au titre des frais engagés par la collectivité pour contrôler les immeubles de Gérard Gallas et reloger ses locataires, ainsi que 10 000€ au titre du préjudice moral. Le tribunal lui a accordé l'indemnisation totale des frais engagés, et 5 000€ au titre du préjudice moral.

"Il y a aujourd’hui 40 000 logements indignes à Marseille, 10 % du parc immobilier. Cela concerne 100 000 personnes, soit un Marseillais sur huit. 800 immeubles sont aujourd’hui sous arrêtés de péril, 1 400 personnes relogées", avait énuméré Me Jorge Mendes Constante, l'avocat de la municipalité, profitant de cette tribune qui lui était offerte.