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Pour la Fnaim, le logement est aujourd'hui davantage un facteur d'exclusion que le travail

Pour Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier, face aux difficultés à se loger, "c'est bien le logement aujourd'hui qui est le facteur d'exclusion, et non plus le travail". D'ailleurs, sur 330.000 personnes sans domicile, 30% ont un travail.

Hausse du nombre d'enfants à la rue, étudiants renonçant à leurs études faute de logement, salariés contraints de dormir dans leur voiture, acheteurs ne pouvant plus acheter: la crise du logement s'accélère et détraque la vie des Français. Interrogés sur l'existence d'une crise du premier poste de dépenses des Français, 83% des personnes interrogées début janvier par Viavoice répondaient par l'affirmative. Et pour 76%, le gouvernement n'a "pas fait le nécessaire" pour la résoudre.

À entendre la filière, la "bombe sociale de demain" prédite par l'ex-ministre du Logement Olivier Klein a déjà explosé.

"Sur 330.000 personnes sans domicile, 30% ont un travail. C'est bien le logement aujourd'hui qui est le facteur d'exclusion, et non plus le travail", souligne Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim).

Principal déclencheur: la remontée en flèche des taux directeurs des banques centrales en 2022 pour lutter contre l'inflation. Effet boule de neige, elle a fait grimper les taux immobiliers et poussé les banques à fermer le robinet du crédit. "La situation n'était pas formidable avant mais les Français avaient au moins accès au crédit à des taux très avantageux", observe Thomas Lefebvre, directeur scientifique de SeLoger.

La place de l'immo : Crise du logement, des solutions nouvelles ? - 15/01
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17:33

Hausse des coûts et ponctions sur le logement social

Depuis janvier 2022, la capacité d'emprunt a ainsi chuté de 25%, selon la Fnaim, pointant une dégringolade de 22% des ventes dans l'ancien en 2023, la "plus forte baisse annuelle depuis plus de 50 ans". La France n'en est pas à sa première crise. Une série de décès avait déjà poussé l'Abbé Pierre à lancer il y a 70 ans son appel à la solidarité envers les sans-abri.

Mais depuis 2022, les dix hausses des taux directeurs de la BCE ont accru les problèmes. Parmi eux, le déclin continu de la production de logements sociaux depuis 2018, sous le triple effet de la baisse des subventions, de la hausse des coûts de construction et des ponctions de l'État sur les bailleurs. Selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), représentant les bailleurs sociaux, les autorisations de logements sociaux devraient passer sous la barre des 85.000 en 2023, le "pire niveau depuis 2005", alors qu'il en faudrait "198.000 par an". Quant au nombre de demandes de logement social, il atteint le nombre inégalé de 2,6 millions.

Faute de pouvoir acheter, les ménages se sont rabattus sur la location. En cinq ans, l'offre a fondu de 59%, rappelle la Fnaim. Déjà en petite forme, le secteur du neuf a plongé, avec -25,5% de permis de construire et 294.700 mises en chantier sur un an, quand les besoins sont évalués entre 400.000 et 500.000.

"Nous avons déjà perdu 8.000 salariés fin 2023 et nous prévoyons une récession de 5% en 2024", déclare à l'AFP Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, anticipant 300.000 pertes d'emploi en 2025.

L'État n'a pas pris la mesure du problème

Dans ce marasme, l'absence de mesures régulatrices étonne. "À la différence des crises passées", l'État n'a pas pris de "mesure générale de soutien à l'accession à la propriété ou à l'investissement locatif particulier", analyse le think tank Terra Nova dans un rapport publié lundi.

"Il y a dans la sphère publique, l'idée qu'en réalité nous n'avons pas besoin de logements, compte-tenu des projections démographiques, du nombre de logements vacants et des résidences secondaires", déplore auprès du Monde Véronique Bédague, PDG de Nexity.

En 2023, le gouvernement a "globalement poursuivi une politique marquée du sceau de la rigueur budgétaire", regrette Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, citant l'amputation du prêt à taux zéro et la "fin du dispositif Pinel d'aide à l'investissement locatif" (le 31 décembre 2024). En revanche, aucune proposition "pour réguler le marché (encadrement des loyers, du foncier et des meublés touristiques) n'a été retenue", souligne-t-il.

Pour Thomas Lefebvre, la stratégie du gouvernement est de "faire revenir les investisseurs institutionnels (banques, sociétés d'assurance, NDLR) pour soutenir la construction et la location". Quant à l'idée que la baisse des ventes entraîne celle des prix, "ça paraît un pari très hasardeux parce que la rareté de l'offre et la pression de la demande font que les prix sont conséquents", note Jean-Claude Bassien, directeur général délégué de Nexity. Et l'absence d'un ministre dédié au logement alimente les critiques d'une "absence de cap".

D.L. avec AFP