Le plus grand récif corallien d’eau profonde au monde découvert au large des côtes américaines

Publié le 30 Jan 2024 à 06H00 Modifié le 30 janvier 2024
Le plus grand récif corallien d’eau profonde au monde découvert au large des côtes américaines
Une découverte majeure a été faite dans les profondeurs de l'océan Atlantique. Un immense récif corallien, s'étendant sur une superficie équivalente à celle du Vermont, a été révélé au large de la côte sud-est des États-Unis. Il remet en question nos connaissances sur les écosystèmes marins profonds.

La découverte d’un récif corallien profond, d’une ampleur sans précédent, au large de la côte sud-est des États-Unis, marque un tournant dans notre compréhension des écosystèmes marins. Révélé par une étude collaborative impliquant des chercheurs de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), de l’Université du New Hampshire et de l’Ocean Exploration Trust, ce récif s’étend sur une superficie comparable à celle du Vermont. Publiée dans la revue scientifique Geomatics, cette découverte met en lumière un habitat sous-marin complexe et largement inexploré, offrant de nouvelles perspectives sur la biodiversité marine. Mais surtout elle souligne l’urgence de protéger ces écosystèmes précieux.

Une cartographie innovante pour le plus grand récif corallien

Une exploration minutieuse et technologiquement avancée du plateau de Blake a permis la récente découverte du récif corallien profond. Il s’agit d’une région sous-marine topographiquement distincte, située dans l’océan Atlantique occidental, à 160km de la côte est des États-Unis. Ce plateau se caractérise par une pente douce suivie d’une chute abrupte. Il forme une frontière naturelle entre les eaux côtières peu profondes et l’océan profond.

Cette zone, jusqu’alors peu explorée, a révélé ses secrets grâce à l’utilisation de techniques de cartographie de pointe. Les scientifiques ont mené 31 levés par sonar multifaisceaux. Cette technologie permet de sonder le fond marin avec une précision remarquable, en émettant simultanément plusieurs faisceaux acoustiques. Elle crée des images détaillées de la structure sous-marine.

Exemple de données bathymétriques multifaisceaux du fond marin montrant les caractéristiques des monticules de corail situés sur le plateau de Blake. © D. C. Sowers et al., 2024

En complément, 23 plongées en submersible ont été effectuées, permettant aux chercheurs d’observer de près les caractéristiques du récif. Ils ont pu confirmer les données recueillies par sonar. Ces méthodes combinées ont révélé l’existence de milliers de monticules coralliens, formant un récif d’une ampleur inédite, jusqu’alors inconnue.

Classes de substrat primaires utilisées dans l’étude. © D. C. Sowers et al., 2024

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Une persévérance et une collaboration nécessaires à la découverte du récif corallien

Dans un communiqué, Kasey Cantwell, chef des opérations de NOAA Ocean Exploration, explique : « Pendant des années, nous avons pensé qu’une grande partie du plateau de Blake était constituée de sédiments mous et peu peuplés. Mais après plus de 10 ans de cartographie et d’exploration systématiques, nous avons révélé l’un des plus grands habitats de récifs coralliens d’eau profonde trouvés à ce jour dans le monde ».

Il ajoute : « Des études antérieures ont mis en évidence certains coraux dans la région, en particulier plus près de la côte et dans les eaux moins profondes. Mais jusqu’à ce que nous ayons une carte complète de la région, nous ne savions pas quelle était l’étendue de cet habitat, ni combien de ces monticules de corail ».

Cette exploration réussie est le fruit d’une collaboration étroite entre plusieurs entités de recherche et d’exploration marines. Cette synergie a permis non seulement de cartographier le récif, mais aussi d’étudier sa composition, sa faune et sa flore.

Les coraux d’eau froide sont principalement blancs, car ils n’hébergent pas les algues symbiotiques colorées présentes dans les coraux d’eau chaude. Ces algues confèrent des teintes vibrantes et fournissent de l’énergie via la photosynthèse aux coraux tropicaux. En conséquence, ils ressemblent beaucoup aux récifs tropicaux qui ont connu le blanchissement des coraux. Cette maladie pousse les coraux, soumis à un stress thermique, à expulser leurs algues symbiotiques puis ils meurent.

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Un récif corallien inédit à l’importance écologique primordiale

Le récif corallien récemment découvert s’étend sur une vaste zone de 2,6 millions d’hectares. Il présente des caractéristiques uniques qui le distinguent des récifs coralliens tropicaux plus connus. Il est principalement composé de Desmophyllum pertusum, une espèce de corail d’eau froide. Cet écosystème se trouve dans les profondeurs océaniques, entre 200 et 1000 mètres sous la surface. La plus grande abondance de coraux se trouvait dans une zone que les chercheurs ont surnommée « Million Mounds », mesurant environ 254 km de long et 42 km de large.

À ces profondeurs, les conditions sont radicalement différentes de celles des récifs de surface. L’absence de lumière solaire et les températures basses (jusqu’à 4°C) dominent cet environnement. Ils peuvent vivre des milliers d’années. Malgré ces conditions difficiles, ces coraux ont développé des stratégies uniques pour survivre. Notamment ils filtrent des particules biologiques pour se nourrir.

En effet, l’étendue corallienne se trouve directement sous le Gulf Stream. Il correspond à un courant d’eau chaude profond et riche en nutriments s’écoulant vers le nord le long de la côte est des États-Unis. Les chercheurs pensent que cette autoroute souterraine fournit probablement aux coraux toute la nourriture dont ils ont besoin pour prospérer en concentrations aussi importantes.

Leur structure complexe crée un habitat riche et diversifié, offrant refuge et nourriture à une multitude d’espèces marines. On trouve des invertébrés, des poissons, et toute une variété d’organismes symbiotiques. Les récifs coralliens profonds jouent un rôle crucial en tant qu’ingénieurs écosystémiques. Ils contribuent à la santé globale des océans.

De plus, ils jouent un rôle potentiel dans la régulation des écosystèmes océaniques. Notamment, ils influencent les cycles de nutriments et servent de barrières naturelles contre les perturbations environnementales.

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La préservation et les recherches futures de récifs coralliens

La localisation d’une portion significative du récif corallien profond au sein d’une zone protégée constitue un atout pour sa préservation. Cette zone se trouve à l’abri des activités humaines destructrices, et offre un refuge sûr. Les pratiques de pêche, en particulier celles impliquant des équipements de fond, peuvent causer des dommages irréparables aux structures coralliennes. Cette pêche au chalut bouleverse les écosystèmes que les coraux soutiennent. La protection de cette zone assure donc d’une part la sauvegarde de la structure physique du récif. D’autre part, elle préserve sa biodiversité riche et variée qui y est associée. Cela crée un environnement stable où les espèces marines peuvent prospérer, se reproduire et maintenir l’équilibre écologique nécessaire à la santé de l’écosystème océanique.

Par ailleurs, la découverte de ce récif corallien met en lumière l’importance cruciale des récifs coralliens des profondeurs. Souvent négligés dans les études océanographiques, ces dernières sous-estiment l’impact potentiel de ce type de coraux sur les écosystèmes marins. Il devient nécessaire de cartographier en détail nos océans afin d’appréhender les interactions complexes au sein des écosystèmes marins et d’élaborer des stratégies de conservation plus efficaces pour protéger ces précieux habitats. Néanmoins, le financement de tels projets reste le principal frein, car ces campagnes sont longues et demandent de nombreux équipements.

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Source : Sowers, D.C.; Mayer, L.A.; Masetti, G.; Cordes, E.; Gasbarro, R.; Lobecker, E.; Cantwell, K.; Candio, S.; Hoy, S.; Malik, M.; et al. “Mapping and Geomorphic Characterization of the Vast Cold-Water Coral Mounds of the Blake Plateau”, Geomatics 2024, 4, 17-47

À propos de l’auteur
Laurie Henry
Laurie Henry
Diplômée du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris dans le domaine de la biodiversité, Laurie Henry est rédactrice scientifique indépendante. Elle s’intéresse à tout ce qui touche au monde de la science, de la biologie aux dernières technologies, à l’espace, en passant par les avancées médicales et l’archéologie.
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