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"Quand on choisit la campagne on l'assume": Attal veut limiter les plaintes pour trouble de voisinage

Le Premier ministre a dévoilé les différentes mesures du gouvernement en faveur des agriculteurs. Il entend notamment mettre fin aux plaintes en justice abusives pour trouble anormal de voisinage en milieu rural.

"Quand on choisit la campagne on l'accepte et on l'assume". Gabriel Attal, comme de nombreux maires de petites communes et de très nombreux agriculteurs, ne veut plus de ces voisins mécontents du bruit et des odeurs liés aux activités agricoles.

Lors de sa conférence de presse pour présenter les différentes mesures d'aide aux agriculteurs, le Premier ministre a annoncé ce jeudi 1er février qu'il voulait que la proposition de loi de la députée (Renaissance) Nicole Le Peih soit inscrite dès que possible à l'ordre du jour du Sénat pour une adoption rapide.

"Elle protège les agriculteurs contre les recours abusifs de nouveaux voisins qui voient l'agriculture comme une nuisance et non comme une chance", a déclaré Gabriel Attal.

Une proposition de loi en cours

La proposition de loi prévoit que la responsabilité de l'agriculteur ne soit pas engagée lorsque le trouble anormal "provient d’activités, quelles que soient leur nature, préexistantes à son installation, qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions et qui sont conformes aux lois et règlements".

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Cette proposition de loi "visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels" vise à définir pour la première fois dans la loi la notion de trouble anormal de voisinage.

"Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, l’exploitant d’un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte", précise ainsi le texte. Avec, donc, une exception pour les activités préexistantes à l'installation du voisin dérangé.

La proposition de loi a été adoptée en première lecture par les députés le 4 décembre dernier. Il faut désormais qu'elle le soit au Sénat. Si le texte est modifié, il sera transmis de nouveau à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture (puis au Sénat) avant une éventuelle adoption définitive.

Un trouble de voisinage défini par aucune loi

Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun texte de loi ne définit actuellement ce qu'est un trouble anormal de voisinage. C'est la jurisprudence des juges en la matière qui a façonné progressivement le droit sur ce sujet.

Les juges s'appuient sur l’article 544 du Code civil: "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

Il en résulte que "nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ou encore excédant les inconvénients normaux du voisinage" (Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, n° 84-16.37), comme le rappelaient nos experts Jean-Philippe Mariani, avocat spécialiste dans le droit de la copropriété, et Bruno Lehnisch, cadre juridique, dans un précédent article.

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Le trouble anormal de voisinage concerne toutes les nuisances possibles (sonores, olfactives, visuelles...). En milieu rural, les plaintes de voisins (le plus souvent des "néo-ruraux" venant de la ville) concernant des exploitations agricoles ont eu tendance à se multiplier ces dernières années, à l'instar de l'affaire du cri du coq "Marcel" dans le Morbihan.

La jurisprudence sur le sujet est complexe et riche, comme nous vous l'expliquions ici. Et les agriculteurs n'obtiennent pas toujours gain de cause. La proposition de loi vise donc à clarifier la loi et à davantage protéger les exploitations agricoles de ce type de plaintes. C'est d'ailleurs avec cette même volonté qu'une autre loi avait été adoptée en 2021, inscrivant le "patrimoine sensoriel" des campagnes dans le droit français.

Le Code de l’environnement précise désormais que les sons et odeurs des milieux naturels "font partie du patrimoine commun de la nation" (article L. 110-1 du Code de l’environnement). L'objectif était donc de rendre plus difficile les actions à l'encontre des bruits et des odeurs à la campagne dans le cadre du trouble anormal de voisinage. La proposition de loi de Nicole Le Peih va donc un cran plus loin.

Diane Lacaze et Jean-Louis Dell'Oro