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"En Russie, on est sous un système fasciste qui refuse tous les droits individuels"

Elena Kostioutchenko, journaliste à la Novaïa Gazeta, revient sur les pressions systématiques que subissent les opposants russes à Vladimir Poutine.
Elena Kostioutchenko, journaliste à la Novaïa Gazeta, revient sur les pressions systématiques que subissent les opposants russes à Vladimir Poutine. / 19h30 / 5 min. / le 6 février 2024
Alors que la Russie restreint de plus en plus les libertés citoyennes, de nombreux Russes quittent le pays. C'est le cas d'Elena Kostioutchenko, qui a dû fuir son pays et son travail de journaliste après une tentative d'assassinat. Invitée dans le 19h30, elle raconte comment elle vit avec ce danger au quotidien.

Depuis le début de l’offensive en Ukraine, il est impossible en Russie de critiquer l'armée ou de s'opposer ouvertement à la guerre sans être hors-la-loi. La liberté d'expression est tenue d'une main de fer par Moscou. Des centaines de militants des droits de l'homme, artistes et journalistes sont même inscrits sur une liste dite "d'agents étrangers".

La Russie assume et accentue son virage ultra-conservateur engagé depuis le début de la guerre, allant jusqu'à bannir de sa société une partie de sa population. Le 30 novembre dernier, la Cour suprême a ainsi interdit tout mouvement LGBT dans le pays.

>> Voir le sujet du 19h30 sur le virage ultra-conservateur en Russie :

En Russie, depuis la guerre en Ukraine, impossible de critiquer ouvertement l'armée sans être hors-la-loi
En Russie, depuis la guerre en Ukraine, impossible de critiquer ouvertement l'armée sans être hors-la-loi / 19h30 / 2 min. / le 6 février 2024

"Système fasciste"

"En Russie, on est sous un système fasciste. C'est un système qui refuse tous les droits individuels", se désole Elena Kostioutchenko mardi dans le 19h30 de la RTS. La journaliste russe explique qu'elle pensait pouvoir arrêter cette montée du fascisme dans son pays rien qu'en écrivant à ce sujet. Mais ça a été un échec.

Aujourd'hui, elle estime qu'elle aurait dû en faire davantage. "Notre devoir en tant que professionnels n'empêche pas que nous avons un devoir en tant que citoyens et nous aurions dû être plus actifs et plus forts en tant que citoyens", affirme-t-elle. "Mais nous avons perdu et nous avons perdu notre pays." 

Danger quotidien

Depuis près de deux ans, cette restriction des libertés pousse les opposants et opposantes à la politique de guerre de Vladimir Poutine et les journalistes indépendants à fuir à l'étranger. Exilée en Allemagne après une tentative d'assassinat, Elena Kostioutchenko pensait y être en sécurité. Mais alors qu'elle se trouvait à Munich, elle a été victime d'un empoisonnement.

La journaliste de Novaïa Gazeta ne se laisse cependant pas abattre et relativise le danger avec lequel elle vit tous les jours. "En fait, je suis revenue à ma vie d'avant, parce que quand je travaillais en Russie, je devais suivre beaucoup de règles de sécurité pour pouvoir faire mon travail sans trop de danger. Et maintenant, j'ai simplement perdu l'illusion que l'Europe était un lieu où j'étais en sécurité", explique-t-elle.

>> Lire aussi : Le journal d'investigation russe Novaïa Gazeta renaît en exil

Pour Elena Kostioutchenko, la menace qui plane sur elle ne gâche pas son quotidien et ne l'empêche pas d'aimer son travail. Cela fait simplement partie des risques du métier. "Il y a des professions qui sont dangereuses comme être policier, médecin ou sauveteur", dit-elle. "En Russie, on peut ajouter à ce genre de professions celle de journaliste."

Aujourd'hui, Elena Kostioutchenko continue à militer à travers un livre décrivant la dérive fasciste de la Russie de Vladimir Poutine. Son titre, "Russie, mon pays bien-aimé", rappelle que la journaliste aime toujours son pays. "Même si cet amour me fait très mal en ce moment", précise-t-elle.

>> Ecouter aussi le sujet de Tout un monde :

La journaliste russe Elena Kostyuchenko. [Vlad Dokshin]Vlad Dokshin
Elena Kostyuchenko: "Je ne suis pas prête à donner ma mère à Poutine" / Tout un monde / 7 min. / le 7 février 2024

Sujet et interview TV: Karima Benamrouche et Philippe Revaz

Adaptation web: Emilie Délétroz

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