Des formes d’arbres encore jamais vues dévoilées par de rares fossiles 3D du Carbonifère

Publié le 05 Fév 2024 à 21H00 Modifié le 5 février 2024
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La mise au jour au Canada de fossiles tridimensionnels d'arbres du Carbonifère révèle une architecture végétale inédite, avec des feuilles disposées en spirales denses autour de troncs fins. Cette découverte souligne la diversité insoupçonnée des formes végétales du passé et ouvre de nouvelles perspectives sur l'évolution des écosystèmes terrestres.

La découverte récente de fossiles 3D au Nouveau-Brunswick, Canada, révolutionne notre compréhension des premières formes arborescentes sur Terre. Menée par Robert Gastaldo du Colby College à Waterville, Maine, et publiée dans la revue Current Biology, cette étude met en lumière des spécimens datant d’environ 350 millions d’années, présentant une architecture et une morphologie végétale jusqu’alors inconnues. Ces arbres anciens, caractérisés par une canopée tridimensionnelle dense et une disposition en spirale des feuilles, offrent de nouvelles perspectives sur la biodiversité et l’évolution des écosystèmes forestiers du Carbonifère inférieur. Cette découverte, issue d’un travail collaboratif international, souligne une complexité écologique précoce et suggère une stratification des forêts bien plus avancée qu’imaginée. Elle enrichit notre compréhension de l’évolution des écosystèmes terrestres et met en lumière la diversité insoupçonnée de la vie végétale ancienne.

Découverte inédite d’arbre préhistorique grâce aux fossiles 3D

Des séismes ont préservé au Nouveau-Brunswick des fossiles uniques, offrant un aperçu des arbres arborescents d’il y a 350 millions d’années. Ces tremblements de terre ont causé un ensevelissement rapide de la végétation environnante le long du bord d’un lac de rift. Ils ont piégé les arbres dans une couche de sédiments qui les a préservés en trois dimensions. Ce processus de conservation unique a permis de maintenir non seulement les troncs, mais aussi les feuilles. Il offre ainsi une fenêtre ouverte sur la structure et l’organisation complexes de ces organismes anciens.

Le premier arbre fossile a été découvert il y a 7 ans, mais il ne contenait qu’un échantillon partiel. Il a fallu plusieurs années pour trouver également quatre autres spécimens de la même plante, à proximité. L’un des spécimens a révélé comment les feuilles s’éloignaient du sommet de l’arbre, le rendant « absolument unique ». Il s’agit d’un des rares spécimens de plus de 400 millions d’années à conserver un tronc et des feuilles attachées. Gastaldo explique dans un communiqué : « Tout arbre fossile avec une couronne intacte est une rareté dans l’histoire de la vie ».

Fossile de Sanfordiacaulis densifolia (échelle : 1 m). © Matthew Stimson

Baptisé Sanfordiacaulis densifolia, il possède un tronc non ramifié d’environ 16 cm de diamètre. La disposition de ses feuilles n’a jamais été observée dans le registre fossile. Plus de 250 feuilles, chacune s’étendant sur près de 1,75 mètre, étaient arrangées autour du tronc en spirales serrées. Elles formaient une canopée dense et volumineuse qui s’étendait sur au moins 5,5 mètres de diamètre autour du tronc. Cette organisation spatiale des feuilles maximise la capture de lumière.

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Des fossiles 3D d’arbres pour une meilleure compréhension des écosystèmes anciens

La structure unique de Sanfordiacaulis densifolia bouleverse les théories préexistantes sur la diversité arborescente durant le Carbonifère inférieur. Jusqu’à présent, la science s’appuyait sur un modèle relativement simplifié de l’évolution des arbres. Elle envisageait une progression linéaire vers des formes de plus en plus complexes. Cependant, la présence d’un arbre avec une telle densité de feuillage et une architecture aussi élaborée suggère que la diversité morphologique et les adaptations écologiques étaient bien plus variées qu’on ne le supposait. Cette variété de formes indique que les écosystèmes forestiers du Carbonifère pouvaient abriter une multitude de niches écologiques. Des plantes aux caractéristiques uniques adaptées à des conditions environnementales spécifiques occupaient chaque niche.

Hauteurs réelles et reconstruites des arbres et plages biostratigraphiques des arbres du Dévonien moyen au Pennsylvanien. © Robert A. Gastaldo et al., 2024

Les chercheurs suggèrent que Sanfordiacaulis incarne les premières niches forestières subcanopiques, révélant la complexité insoupçonnée des forêts anciennes. Cette notion de stratification, où différents niveaux de végétation coexistent au sein d’un même écosystème, est bien connue dans les forêts modernes. Néanmoins, sa présence à une époque aussi reculée souligne l’avancée rapide de l’évolution des écosystèmes terrestres.

Les chercheurs rapportent que l’arbre s’est probablement appuyé sur sa forme de croissance inhabituelle pour maximiser la quantité de lumière qu’il pouvait capter et réduire sa concurrence avec les autres plantes au sol. Ils suggèrent qu’il s’agit de la première preuve d’arbres plus petits poussant sous un couvert forestier plus haut. Sanfordiacaulis vivait à une époque où les plantes « expérimentaient » une variété de formes ou d’architectures possibles. Cette découverte marque indubitablement une étape significative dans notre compréhension de l’histoire de la biodiversité terrestre.

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Avancées technologiques et fossiles 3D d’arbres

L’analyse détaillée des fossiles de ces arbres a mobilisé une synergie de disciplines scientifiques. Elle illustre parfaitement l’importance d’une approche multidisciplinaire dans la compréhension des mystères du passé terrestre. Les techniques d’imagerie avancées, telles que la tomographie par ordinateur et la microscopie électronique à balayage, ont joué un rôle clé dans la révélation des détails structurels des fossiles, permettant aux chercheurs de visualiser et d’analyser la configuration précise des feuilles et du tronc de Sanfordiacaulis avec une résolution sans précédent.

Reconstruction de Sanfordiacaulis densifolia. © Robert A. Gastaldo et al., 2024

Robert Gastaldo explique : « La façon dont cet arbre a produit des feuilles extrêmement longues autour de son tronc grêle, ainsi que leur nombre sur une courte longueur de tronc, est surprenante ». Les formes prises par ces arbres vieux de 350 millions d’années ressemblent à celles d’une fougère ou d’un palmier. Or, les palmiers ne sont apparus que 300 millions d’années plus tard, explique Gastaldo. Cependant, les feuilles fonctionnelles des fougères ou des palmiers se regroupent au sommet et sont relativement peu nombreuses.

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Source : Robert A. Gastaldo et al., “Enigmatic fossil plants with three-dimensional, arborescent-growth architecture from the earliest Carboniferous of New Brunswick, Canada”, Current Biology, 2024

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