Après le 7 octobre, l’incursion de 2 000 miliciens du Hamas et les massacres qui se sont ensuivis, quelque 174 000 habitants de l’“enveloppe de Gaza”, expression qui désigne le territoire israélien entourant l’enclave palestinienne, avaient dû quitter leurs foyers, volontairement ou sous pression de l’armée. Depuis, la moitié de ces déplacés ont été autorisés à rentrer chez eux, dans les zones sécurisées par Tsahal.

Après les attaques du 7 octobre, Israël a mis en place une zone militaire interdite d’accès autour de la bande de Gaza.
Après les attaques du 7 octobre, Israël a mis en place une zone militaire interdite d’accès autour de la bande de Gaza. COURRIER INTERNATIONAL

“Mais, depuis début janvier, quelques centaines de civils israéliens tentent également de regagner leurs villages désertés le 8 octobre et parmi les plus proches de la bande de Gaza”, peut-on lire dans un long reportage du quotidien israélien Ha’Aretz.

Un sentiment de déracinement

Parmi ces kibboutz frontaliers de la bande de Gaza, on retrouve Bror Hayil (1 000 habitants), Dorot (900 habitants), Or HaNer (800 habitants), tous situés au nord-est de Gaza ; mais aussi Nir Oz (400 habitants), au sud-est de l’enclave, dont les habitants sont “les plus décidés” à rentrer malgré le fait que leur village ait été “l’un des plus ensanglantés [avec Kfar Aza] lors du ‘samedi noir’ avec un quart de ses habitants assassinés”, écrit le journal.

Alors qu’est-ce qui motive ces personnes à rentrer à tout prix dans leurs villages, et ce malgré la guerre qui fait rage à quelques kilomètres de là, dans la bande de Gaza ? “Un sentiment d’aliénation”, explique un habitant du kibboutz de Dorot.

Un sentiment qui revient en boucle dans toutes les conversations avec les habitants de ces quatre villages désertés. “Dans la plupart des cas, poursuit-il, cette aliénation concerne surtout les enfants et les adolescents qui ne supportent pas d’avoir été déracinés de leurs villages, de leurs champs et de leur environnement, pourtant contigu de la bande de Gaza. Davantage que nous, ce sont nos enfants qui veulent exercer leur droit au retour.”

“Chaque détonation dans le ciel me terrorise”

Bror Hayil, déserté par les deux tiers de ses habitants, en est une autre illustration. Parmi les premiers à être rentrés chez eux, envers et contre tout, se trouvent Dorit Sasson et sa famille, exfiltrées dès le 8 octobre vers le moshav (village semi-collectiviste) d’Idan, dans la vallée de l’Arava, située dans le désert du Néguev, à la frontière avec la Jordanie.

Certes, ils y ont été accueillis à bras ouverts. “Mais […] psychologiquement et culturellement, ce statut d’assistés ne nous convient pas”, explique Dorit Sasson à Ha’Aretz. “Nous avons conquis notre kibboutz et nous ne le quitterons jamais.” Bror Hayil a été fondé pendant la guerre de 1948 sur les terres du village arabe de Bureir.

Cependant, tous les déplacés de Bror Hayil ne partagent pas cette vision. “Nous avons trois petites filles et nous avons décidé de ne pas revenir”, explique Tal Zenziper, qui a choisi de rester pour le moment dans le kibboutz situé dans le nord d’Israël vers lequel elle et sa famille ont été évacuées. “Chaque détonation dans le ciel nous terrorise, moi et mes enfants. Cette ambiance est nerveusement insupportable et j’ai décidé de rester pour toujours en Galilée. Quoi que l’on se dise, il n’y a plus d’avenir à Bror Hayil.”