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La larme du bourreau: «Je suis la main de Dieu sur terre»

Photo: AP

Gagner sa vie en enlevant celle des autres, voilà le gagne-pain d’Ashmawi le bourreau. Plus de 620 fois au cours de sa carrière, il fit le nœud coulant au bout duquel une justice étrangla ses coupables, convaincu d’être «la main de Dieu sur terre».

«Je fais un métier compliqué, raconte Ashmawi, exécuteur des basses œuvres d’Égypte, dans le film du réalisateur irakien Layth Abdulamir. J’ai été élu par Dieu pour exécuter sa parole et lorsque je pends une personne, je ne ressens rien. Ma relation avec les condamnés se limite à leur nuque».

Au nom de la justice, des humains continuent d’infliger la mort à d’autres humains dans 22 pays du monde. Pendaison, lapidation, injection létale, peloton d’exécution: pour chacune des 778 mises à mort répertoriées par Amnistie internationale en 2013, il y eut un bourreau qui noua la corde, jeta la pierre, appuya sur la gâchette. C’est dans l’univers d’un de ces tueurs autorisés que le court métrage La larme du bourreau, présenté à l’occasion du festival Vues d’Afrique, nous plonge.

Que reste-t-il d’humanité chez un homme payé pour tuer? Selon le réalisateur Layth Abdulamir, bien peu de choses.

«Cet homme est mort à chacune de ses exécutions. Ashmawi est un personnage complètement pathétique, tourmenté par une détresse psychologique évidente».

Le bourreau, malgré le vernis de normalité avec lequel il tente de redorer son «art», se révèle assiégé par ses remords. La larme qu’il verse en se souvenant de l’exécution d’un homme victime d’une injustice si flagrante qu’elle continue de le bouleverser, témoigne des lacunes de ce système judiciaire qui punit parfois les coupables, qui tue souvent des innocents, qui meurtrit toujours l’âme de ses bourreaux.

Présenté les 2 et 3 mai prochain, le film de Layth Abdulamir ne pouvait tomber plus à point, alors que l’Égypte vient de condamner à l’échafaud 683 partisans présumés des Frères musulmans au cours d’un procès jugé inéquitable et expéditif par la communauté internationale.

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«Le crime de beaucoup de ces condamnés a tout simplement été de participer à une manifestation, s’indigne M. Abdulamir au bout du fil avec Métro. Ce sont des gens qui ne peuvent pas se payer d’avocats. Ils ne peuvent pas se défendre, ils sont pauvres et ils seront tués.»

La larme du bourreau laisse d’ailleurs la parole à quatre de ces condamnés à mort qui croupissent dans les geôles depuis des années, obsédés par la Camarde qui les cerne. «La vie ne veut plus de nous, qu’est-ce qu’on peut y faire? se demande l’un d’eux. C’est notre destin. C’est terminé.»

***
Hantés par des fantômes

La réalisation de La larme du bourreau a été, pour Layth Abdulamir, une façon de panser une blessure mal cicatrisée de son enfance en Irak.

«Il y avait deux hommes qui avaient été pendus dans le village de mon enfance. L’école nous avait amenés sur les lieux de l’exécution, et nous avait obligés à danser et à chanter autour des cadavres. J’avais 10 ans», se remémore celui qui est, depuis ce jour, profondément dégoûté par la barbarie de la mise à mort institutionnalisée.

Après que la caméra se fut éteinte, M. Abdulamir raconte qu’Ashmawi le bourreau a annoncé qu’il voulait prendre sa retraite. «Il n’en pouvait plus. Il avait une famille, et des petits-enfants. Ce n’était pas une vie.»

Festival Vues d’Afrique
Jusqu’au 4 mai

La larme du bourreau
Le 2 mai, au Cinéma Excentris et le 3 mai à la Cinémathèque québécoise

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