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Système solaire

Un gigantesque océan caché sous la surface de Mimas, satellite de Saturne

C'est la revanche de Mimas, petit satellite cabossé de Saturne, aux allures d'étoile de la mort. Selon une étude parue dans Nature, l'astre possèderait un gigantesque océan enfoui 20 à 30 km sous sa surface. C'est le cinquième satellite du système solaire à posséder ainsi un océan éventuellement habitable

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Mimas

Malgré son allure d'étoile de la mort façon Star Wars, Mimas pourrait au contraire accueillir la vie

NASA/JPL/SSI
Mimas
Un gigantesque océan caché sous la surface de Mimas, satellite de Saturne
Fabrice Nicot
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Il ne devait sa relative notoriété qu’à sa disgrâce : un énorme cratère dévorant sa surface fait ressembler Mimas à l’étoile noire de Star Wars. Hormis cela, difficile pour cet astre de 400 km de diamètre (8 fois moins que la Lune) de rivaliser avec les satellites "stars" du système solaire : Titan et son épaisse atmosphère, Encelade et ses geysers projetant des particules de glace jusqu’à 10.000 km d’altitude, Europe (autour de Jupiter) la plus grande patinoire du système solaire... Mimas, presque entièrement composé de glace d’eau, est un vieux satellite comme en témoigne sa surface couverte de cratères. Sa petite taille laisse imaginer un astre figé, stérile, ayant perdu depuis longtemps sa chaleur interne. Bref, un satellite sans grand intérêt en apparence, même si depuis quelques années déjà, l'étude de ses caractéristiques orbitales avait mis la puce à l'oreille des astronomes.

Mais selon des travaux à paraître dans la revue Nature du 8 février 2024, il n'y a plus de doute : Mimas abriterait bien un océan, 20 à 30 km sous sa surface. Ce résultat a été présenté lors d’une conférence de presse à l’Observatoire de Paris par les astronomes Valery Lainey, Nicolas Rambaux et Kevin Baillié, trois des coauteurs de la publication. Mimas rejoindrait ainsi un club très fermé composé jusqu’ici d'Europe, Ganymède, Encelade et Titan. Plus surprenant encore, cet océan serait très jeune à l’échelle du système solaire, il aurait tout au plus 25 millions d'années.

Mimas, entre ballon de foot et ballon de rugby

Cette vocation aquatique tardive serait due à plusieurs facteurs. D’abord, Mimas aurait subi il y a environ 50 millions d’années une perturbation de son orbite sous l’effet gravitationnel de ses deux plus proches voisins, les satellites Encelade et Téthys. L'orbite se serait allongée, passant ainsi de circulaire à elliptique. Cette déformation a modifié l’action exercée par Saturne sur le petit satellite. En exagérant un peu, Mimas s’est mis à passer de la forme d’un ballon de foot, lorsqu’il orbite au plus loin de la planète, à celle d’un ballon de rugby lorsqu’il orbite au plus près. Et cela à chaque révolution !

De quoi réchauffer brutalement son intérieur par friction jusqu’à provoquer la fusion de la glace entourant son noyau, et engendrer un océan. Le phénomène étant récent, cela expliquerait que la surface cratérisée de Mimas n’ait pas encore été transformée par l’action de l’océan, contrairement à Encelade et Europe qui semblent bien lisses en comparaison.

La défunte sonde Cassini à la rescousse

Mais jusqu’à présent, cette hypothèse d’un océan interne était en concurrence avec une autre : un noyau simplement allongé, n’ayant pas entraîné la fusion de la glace. Comment trancher entre les deux options, sans aller voir sur place ? C’est l’objet précisément de cette nouvelle étude. "Nous avons décidé d’étudier le mouvement orbital de Mimas, et notamment nous avons cherché à savoir en quelle mesure il pouvait trahir sa composition interne", explique Valery Lainey.

Grâce à des modèles informatiques, les chercheurs ont déterminé que les deux hypothèses n’avaient en effet pas le même impact sur la précession du plan orbital de Mimas. La précession correspond au mouvement de rotation de l’ensemble de l’orbite autour de la planète (voir l'illustration ci-dessous).

La précession d\'une orbite correspond au déplacement de celle-ci autour de la planète. Ce schéma montre l\'orbite en mouvement Crédit : Observatoire de Paris

La précession du plan orbital de Mimas correspond au mouvement de l'orbite autour de la planète, comme on le voit sur cette image en vert (Saturne est représenté sans ses anneaux). Crédits : Observatoire de Paris

Sa vitesse varie en fonction de la composition interne de Mimas. Un océan se traduira par un mouvement rapide. Un noyau allongé donnera un mouvement lent. La détermination de la précession de Mimas a demandé des calculs d’une précision de quelques centaines de mètres sur l’orbite. Pour cela, les scientifiques ont utilisé l’énorme moisson de données récoltées par la sonde Cassini-Huygens, en orbite autour de Saturne de 2004 à 2017, et notamment toutes les images où le satellite apparait. En repérant soigneusement le petit corps à partir des étoiles qui l’entourent, ils ont pu déterminer sa position au fil du temps et reconstituer son orbite durant la période d’activité de la sonde.

De l'étoile de la mort de Star Wars à Genesis de Star Trek

C’est ainsi que l’équipe peut affirmer aujourd’hui que la vitesse de précession du plan orbital de Mimas correspond bel et bien à la présence d’un océan souterrain. "L’un des astres les plus anciens et en apparence stérile du système solaire devient un objet propice à la vie, s’enthousiasme Valery Lainey. Autant dire que nous ne sommes plus du tout dans la logique de "l’étoile de la mort" de Star Wars. Cela m’évoque plutôt la planète Genesis de la saga Star Trek, un astre froid, inhabitable, et qui d’un claquement de doigt devient un objet accueillant pour la vie."

 Crédit : Frédéric Durillon, Animea Studio | Observatoire de Paris – PSL, IMCCE

Vue en coupe de Mimas avec son océan interne situé sous 20 à 30 km de glace. Crédits : Frédéric Durillon, Animea Studio, Observatoire de Paris – PSL, IMCCE

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