Travail forcé : les panneaux solaires chinois bientôt interdits en Europe ?

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La Chine détient plus de 80 % des parts de marché dans chacune des étapes de fabrication des panneaux solaires, et les panneaux chinois bon marché représentent une bonne partie des panneaux installés en Europe. [Shutterstock/IM Imagery]

Le soleil brille à nouveau pour les fabricants de panneaux solaires européens, alors que l’UE devrait bientôt adopter une loi visant à se débarrasser du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises, ce qui aurait pour effet de bloquer les importations en provenance de Chine.

La Chine détient plus de 80 % des parts de marché dans chacune des étapes de fabrication des panneaux solaires, et les panneaux chinois bon marché représentent une bonne partie des panneaux installés en Europe. Toutefois, la tendance est peut-être en train de changer.

Le 9 février dernier, le groupe chimique allemand BASF a annoncé qu’il se retirait de ses coentreprises dans le Xinjiang, une région de l’ouest de la Chine où des violations systématiques des droits humains envers la minorité musulmane ouïghoure ont été rapportées.

Des mesures similaires ont été prises dans d’autres secteurs : le constructeur automobile Volkswagen envisage lui aussi de se retirer du pays, car des milliers de ses voitures sont bloquées dans un port américain en raison de la présence de composants issus du travail forcé dans ses produits.

« Il n’y a aucun pays au monde où ce crime [de travail forcé soutenu par l’État] est commis de manière aussi vigoureuse qu’en République populaire de Chine et dans la région autonome du Xinjiang en particulier », a déclaré l’eurodéputé Reinhard Bütikofer (Verts/ALE) lors d’une conférence organisée par le Conseil européen des fabricants de produits solaires (ESMC) à Bruxelles jeudi (15 février).

L’eurodéputé allemand fait partie d’un groupe d’eurodéputés sanctionnés par le gouvernement chinois pour s’être montrés critiques à l’égard de Pékin.

Les institutions européennes sont sur le point d’entamer des négociations concernant un règlement sur les produits issus du travail forcé. Initialement proposée en 2022, cette loi pourrait résulter en une interdiction des modules solaires chinois, les pratiques de travail forcé étant répandues en Chine.

Les États-Unis ont adopté une loi similaire en 2022, ce qui a conduit à l’immobilisation des voitures Volkswagen dans le port américain.

L'énergie solaire est en pleine expansion en Europe, selon l’IEA

L’Agence internationale de l’énergie (IEA) prédit que 61 % de l’électricité sera d’origine renouvelable en Europe d’ici 2028, en partie grâce à une vague sans précédent d’installations de panneaux solaires qui n’avaient pas été envisagée jusqu’à présent.

Travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement

« Notre objectif est d’éliminer du marché de l’UE tous les produits fabriqués au moyen du travail forcé », a expliqué le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovkis, lors de la présentation du projet de loi.

Pour que la proposition devienne loi, le Parlement européen et le Conseil de l’UE doivent se mettre d’accord sur un texte. Tous deux ont adopté leur position et devraient bientôt entamer des négociations pour finaliser la loi, qui devrait entrer en vigueur d’ici à 2026.

« Les chaînes d’approvisionnement en Chine sont si peu transparentes », a expliqué Adrian Zenz, de la fondation à but non lucratif Victims of Communism. « Si vous ne pouvez plus dissocier les chaînes d’approvisionnement et d’autres problèmes entre la Chine, le Xinjiang et d’autres parties de la Chine, vous devrez peut-être vous désinvestir de l’ensemble du pays », a-t-il ajouté.

Des militants soulignent que l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement chinoise en panneaux solaires devrait être affectée par cette mesure.

Selon Chloe Cranston, d’Anti-Slavery International, la future loi européenne « sera essentielle pour empêcher les biens issus du travail forcé d’entrer sur le marché de l’UE et, étant donné la dépendance de l’industrie solaire à l’égard de la région ouïghoure, cela inclurait probablement les panneaux solaires ».

« En 2023, la région ouïghoure fournissait, selon les estimations, 35 % du polysilicium mondial, et ce chiffre est en baisse par rapport aux estimations précédentes », a déclaré Rushan Abbas, qui a fondé le mouvement Campaign for Uyghurs en 2017.

Le polysilicium est un matériau de base utilisé pour fabriquer des panneaux solaires. Il subit plusieurs étapes de traitement, qui ont principalement lieu en Chine, avant de devenir des cellules solaires complètes qui sont ensuite assemblées pour être installées.

« Des études ont montré que les quatre principaux producteurs de polysilicium de la région admettent tous ouvertement participer à des programmes de transfert de main-d’œuvre [qui recourent au travail forcé] », a-t-elle ajouté.

« Les entreprises du secteur solaire créent des chaînes d’approvisionnement distinctes pour les panneaux qui sont habituellement destinés au marché américain afin de se conformer à la loi américaine relative à la prévention du travail forcé ouïghour », a-t-elle expliqué.

Cette chaîne d’approvisionnement « propre » pourrait également bientôt desservir l’Europe. Mais cela ne résoudrait guère les problèmes de travail forcé dans le pays.

Les eurodéputés en passe d’adopter leur position sur l’importation des produits issus du travail forcé

Alors que les membres du Parlement européen s’apprêtent à voter sur la proposition d’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union européenne, ils ont réitéré la demande faite aux États membres d’accélérer les négociations.

Se débarrasser d’un concurrent

Les entreprises membres de l’ESMC, qui représentent des capacités de production de panneaux solaires d’environ 6 GW par an, ne sont pas en grande forme. Début février, l’association a appelé à des « mesures d’urgence » contre les concurrents chinois qui proposent des tarifs défiant toute concurrence pour des panneaux solaires de qualité similaire.

Pour lutter contre ce phénomène, le groupe a demandé une aide publique à court terme de plus de 200 millions d’euros afin d’acheter les panneaux solaires européens invendus qui prennent la poussière dans des entrepôts.

Mais cette mesure ne résoudra pas le problème du secteur sur le long terme : l’Europe n’est pas un site compétitif pour la production de panneaux solaires. Dans son rapport sur les énergies renouvelables pour 2023, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’un panneau solaire entièrement produit en Europe du début à la fin serait 140 % plus cher que son homologue chinois d’ici 2028.

Des responsables de la Commission européenne, soucieux de ne pas compromettre les objectifs climatiques, se sont montrés réticents à l’idée d’imposer une nouvelle série de droits antidumping. L’eurodéputée Anna Cavazzini (Verts/ALE), qui défend les fabricants nationaux d’énergie solaire, a déclaré que « la Commission semblait si inactive dans ce débat ».

Selon l’industrie de l’énergie solaire, la loi convenue pour relocaliser les industries propres en Europe pourrait ne pas être appliquée assez rapidement. C’est à la nouvelle Commission européenne qu’il appartiendra de résoudre ce problème.

L’industrie solaire demande des « mesures d’urgence » pour les fabricants de l’UE en difficulté

Les fabricants européens de panneaux solaires ont annoncé être « sur le point de fermer des lignes de production », à moins que l’UE ne prenne des mesures d’urgence pour sauver le secteur, comme le rachat de leurs stocks par exemple.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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