Les chiffres publiés jeudi 15 février par l’Office for National Statistics (ONS) sont sans appel : le PIB du Royaume-Uni s’est contracté de 0,3 % au quatrième trimestre 2023, après un recul de 0,1 % les trois mois précédents. Techniquement, le pays est donc entré en récession, explique The Independent. “Sur l’ensemble de l’année, l’économie a connu une croissance anémique de 0,1 %, contre 4,6 % en 2022. Soit la progression la plus faible depuis la crise financière de 2009, si l’on exclut la chute provoquée par la pandémie en 2020.”

Tous les grands secteurs étaient orientés à la baisse à la fin de l’année dernière : les services (− 0,2 %), la production industrielle (− 1 %), la construction (− 1,3 %), a précisé Liz McKeown, responsable des statistiques économiques de l’ONS.

Alors que, selon certains économistes, ces statistiques dénotent plutôt une “stagnation”, dont rien ne montre qu’elle sera durable, The Guardian estime au contraire qu’elles mettent en évidence un “profond malaise”. “Les chiffres montrent que la croissance économique par habitant a diminué durant sept trimestres consécutifs. Il s’agit de la pire performance depuis 1955”, souligne le quotidien.

L’annonce d’une récession technique n’affectera pas beaucoup “les millions de personnes déjà confrontées à de très graves difficultés”, confirme Alfie Stirling, l’économiste en chef de la Fondation Joseph Rowntree, cité par The Independent. “Les réfrigérateurs sont débranchés ou vides alors que les prix de l’alimentation, déjà exorbitants, continuent d’augmenter. Des familles ne peuvent plus faire face aux échéances de leurs prêts et autres emprunts immobiliers, alors que les taux d’intérêt pèsent sur leurs finances. Quant aux emplois, ils sont de plus en plus menacés à mesure que le marché du travail se détériore.”

Rebond du commerce de détail en janvier

Cette première récession technique depuis le début de la pandémie masque en fait “une baisse bien plus grave du niveau de vie”, reconnaît le quotidien conservateur The Telegraph. Même si la Grande-Bretagne a évité le ralentissement beaucoup plus marqué qui lui était promis il y a peu, elle a “désespérément besoin d’un plan crédible pour retrouver une croissance robuste”.

Les chiffres qui viennent d’être rendus publics constituent un “coup dur” pour Rishi Sunak, constate Bloomberg. Le Premier ministre avait fait du retour à la croissance l’une de ses cinq priorités avec la réduction de la dette, la réduction de moitié de l’inflation, la fin des listes d’attente pour accéder aux services de santé et l’arrêt de l’immigration illégale, rappelle le média américain. Or, jusqu’à présent, Rishi Sunak ne peut revendiquer de victoire que sur l’inflation, ramenée à 4 % après un pic à plus de 11 % à la fin de 2022, “un sujet sur lequel la Banque d’Angleterre a bien plus d’influence que le gouvernement”.

Le jour même de la publication des chiffres de l’ONS, le parti conservateur a d’ailleurs perdu deux élections partielles au profit des candidats travaillistes. “C’est le dixième scrutin partiel perdu par la majorité depuis les dernières élections législatives en décembre 2019, soit le pire résultat pour n’importe quel gouvernement britannique depuis les années 1960”, souligne Bloomberg.

Pour sa part, The Wall Street Journal préfère titrer sur le rebond du commerce de détail en janvier, qui promet “une sortie rapide de la récession”. Le volume des ventes au détail a augmenté de 3,4 % sur un mois, selon l’ONS, “soit le double de la hausse prévue”. Aux États-Unis, explique le quotidien américain, c’est la consommation qui a permis à l’économie dans son ensemble d’opérer un rebond spectaculaire au cours des derniers mois de 2023. “La reprise du commerce de détail est donc essentielle pour garantir la croissance du Royaume-Uni au début de 2024.”

Un chemin “semé d’embûches”

La vraie question est de savoir à quel moment les taux d’intérêt vont commencer à baisser, insiste The New York Times. L’inflation a ralenti plus rapidement que prévu, et Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, s’est engagé à ne pas maintenir les taux d’intérêt élevés plus longtemps que nécessaire. Mais le chemin vers un retour durable de l’inflation à de 2 % par an pourrait se révéler “semé d’embûches”.

En attendant, Jeremy Hunt, le chancelier de l’Échiquier, chargé des finances, devrait annoncer de nouvelles réductions d’impôts dès le mois prochain. Mais de nombreux économistes affirment que ce n’est pas de cela dont le pays a besoin, note le quotidien américain. “Ils appellent à investir dans les infrastructures et les services publics, notamment les écoles et la santé, ainsi qu’à accélérer la transition énergétique et à permettre la construction de logements.”