Les géants pétro-gaziers ont engrangé 260 milliards d’euros de profits depuis le début de la guerre en Ukraine

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Les cinq plus grandes compagnies pétrolières et gazières occidentales — Shell, BP, Chevron, ExxonMobil et TotalEnergies — ont accumulé des bénéfices dépassant les 261 milliards d’euros depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, selon un rapport. [EPA-EFE/ANDY RAIN]

Selon un rapport de l’ONG Global Witness, les grandes compagnies pétrolières européennes et américaines ont réalisé des bénéfices records : plus de 260 milliards d’euros depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

Les cinq plus grandes compagnies pétrolières et gazières occidentales — Shell, BP, Chevron, ExxonMobil et TotalEnergies — ont accumulé des bénéfices dépassant les 261 milliards d’euros depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, selon un rapport publié par Global Witness lundi (19 février).

Les prix de gros de l’énergie ont considérablement augmenté avec la pandémie de Covid-19, et plus particulièrement, avec la guerre en Ukraine.

Les sanctions économiques imposées à Moscou pour son invasion de l’Ukraine et la décision du Kremlin d’arrêter les importations de gaz vers certains pays en guise de représailles ont fait grimper le prix du gaz en Europe, déclenchant une crise énergétique mondiale.

Les compagnies pétrolières et gazières américaines et européennes ont ainsi vu leurs bénéfices exploser.

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Face à ces profits records, le président américain Joe Biden a accusé les compagnies pétrolières de « profiter de la guerre », tout comme le secrétaire général des Nations unies António Guterres, qui a dénoncé le fait que ces groupes réalisent des profits record « grâce à cette crise énergétique, sur le dos des populations et des communautés les plus pauvres, avec un coût massif pour le climat ».

Patrick Galey, analyste spécialiste des combustibles fossiles chez Global Witness, a fait écho à ces propos, déclarant que « indépendamment de ce qui se passe sur les lignes de front, les géants des combustibles fossiles sont les principaux gagnants de la guerre en Ukraine ».

« Ils ont amassé des richesses inouïes grâce à la mort, à la destruction et à la montée en flèche des prix de l’énergie. »

Les entreprises britanniques Shell et BP ont réalisé 75 milliards de livres sterling de bénéfices, une somme qui pourrait couvrir toutes les factures d’électricité des ménages britanniques pendant 17 mois, selon Global Witness.

Shell, en plus de revenir sur sa décision de réduire sa production de pétrole au cours de la prochaine décennie, a décidé de licencier 200 membres de sa division chargée des emplois verts.

Les bénéfices records ont également permis aux grandes compagnies pétrolières de renforcer leur position en rachetant de plus petits acteurs du secteur pétrolier et gazier. Ainsi, Chevron a acheté Hess Corporation pour 53 milliards de dollars et ExxonMobil en a fait de même avec Pioneer pour la somme de 60 milliards de dollars.

Toutes ces entreprises combinées émettent chaque année plus de carbone que le Brésil, l’Australie et l’Espagne réunis, souligne Global Witness dans son rapport.

Les cinq principaux producteurs de combustibles fossiles ont versé un montant sans précédent de 111 milliards de dollars à leurs actionnaires en 2023, ce qui équivaut à environ 158 fois ce qui a été promis aux nations vulnérables au changement climatique lors de la COP28.

Le géant pétrolier français TotalEnergies a pour sa part versé 15 milliards d’euros à ses actionnaires, une somme qui correspond largement aux frais versés par le gouvernement français pour couvrir les dommages causés par les tempêtes et les sécheresses en 2022, évalués à 10 milliards d’euros.

« [Les compagnies pétrolières] dépensent maintenant leurs gains en cadeaux aux investisseurs et pour produire toujours plus de pétrole et de gaz, ce dont l’Europe n’a pas besoin et que le climat ne peut pas supporter », a déploré M. Galey.

L’économie européenne toujours aux prises avec les conséquences du choc énergétique de 2022

Bien que les prix du gaz et de l’électricité soient retombés en dessous du pic de 2022, ils ne devraient pas revenir aux niveaux d’avant la pandémie dans un futur proche, a déclaré la Commission européenne, mettant en garde contre les conséquences économiques à long terme des prix élevés de l’énergie sur l’économie.

Taxer les combustibles fossiles

Sebastian Mang, de la New Economics Foundation, un groupe de réflexion basé à Londres, a déclaré que les profits exceptionnels amassés par les grandes compagnies pétrolières étaient la preuve flagrante que le système économique est défectueux et favorise les géants des combustibles fossiles au détriment des citoyens ordinaires.

« Il est grand temps d’augmenter de manière significative les taxes sur les bénéfices des entreprises comme Shell, Total et BP, d’interdire les nouveaux projets pétroliers et gaziers au niveau mondial et d’accélérer les investissements publics respectueux de l’environnement », a confié M. Mang à Euractiv. « Si nous voulons surmonter la crise climatique, notre système économique doit donner la priorité à la durabilité plutôt qu’à l’avidité. »

Au niveau de l’UE, la Commission européenne a proposé de réviser la directive de 2003 sur la taxation de l’énergie afin de s’assurer que les énergies à faible teneur en carbone soient taxées à un taux inférieur à celui des combustibles fossiles.

Cependant, comme la fiscalité est une compétence exclusive des États membres, chacun d’entre eux dispose d’un droit de veto et la proposition est au point mort.

Thierry Bros, professeur à l’Université Sciences Po à Paris, a expliqué à Euractiv que les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises énergétiques étaient principalement reversés aux actionnaires qui ont la possibilité de les investir dans des entreprises moins polluantes s’ils le souhaitent.

« C’est ainsi que fonctionne le capitalisme : les actionnaires peuvent voter avec leurs dollars », a-t-il déclaré.

Pour M. Bros, un moyen plus efficace de modifier le comportement des entreprises pétrolières serait d’appliquer plus strictement les politiques de tarification du carbone.

« Toutes les entreprises qui ont réalisé d’énormes bénéfices devraient payer pour toutes leurs émissions de type 1 dans l’UE et au Royaume-Uni », a affirmé le professeur, insistant sur le fait qu’aucun quota d’émission de CO2 ne devrait être accordé aux raffineries de pétrole.

« C’est amoral et destructeur pour le climat », a déclaré M. Bros, ajoutant que les compagnies pétrolières « ne devraient pas recevoir de subventions sous quelque forme que ce soit pour tout programme environnemental, car elles sont suffisamment riches ».


Frédéric Simon a contribué à la rédaction de cet article.

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