Une nouvelle espèce d'anaconda a été découverte

Une nouvelle étude révèle que l’anaconda vert comprenait en réalité deux espèces distinctes, plus éloignées sur le plan génétique que l’Homme et le chimpanzé.

De Jason Bittel
Publication 20 févr. 2024, 11:25 CET
Des œstres posés sur la tête d’un anaconda vert du nord dans le parc national Yasuni, ...

Des œstres posés sur la tête d’un anaconda vert du nord dans le parc national Yasuni, en Équateur. Une nouvelle étude a récemment révélé que l’anaconda vert comprenait en réalité deux espèces différentes, plus diversifiées sur le plan génétique que l’homme et le chimpanzé. 

PHOTOGRAPHIE DE Karine Aigner, Naturepl.com

Selon une étude publiée le 16 février dernier dans la revue en libre accès MDPI Diversity, l'espèce connue sous le nom d’anaconda vert, ou Eunectes murinus, serait en fait divisée en deux espèces génétiquement distinctes. Et ce, malgré un physique si ressemblant que même les experts ne parviennent pas à les distinguer.

« Génétiquement, les différences sont énormes », explique Bryan Fry, explorateur National Geographic, biologiste à l’université du Queensland, en Australie, et coauteur de la nouvelle étude. « Les différences génétiques sont de l’ordre de 5,5 %. Pour remettre les choses dans leur contexte, nous avons environ 2 % de différence avec les chimpanzés », explique-t-il.

Avant d’en arriver à cette étonnante conclusion, Fry et ses coauteurs ont prélevé des échantillons de sang et de tissus sur des anacondas verts en Équateur, au Venezuela et au Brésil, un processus documenté en exclusivité par National Geographic pour une prochaine série Disney+ avec Will Smith. Les auteurs de l’étude ont également soigneusement examiné chaque animal pour compter leurs écailles et rechercher d’autres caractéristiques physiques susceptibles de signaler une divergence évolutive.

Après avoir analysé les données génétiques, ils ont constaté une nette différence entre les individus situés au nord et au sud de l’aire de répartition de l’anaconda vert. Sur la base de ces résultats, ils proposent de renommer les serpents du nord en anaconda vert du nord (Eunectes akayima), et de garder l’appellation E. murinus pour désigner les anacondas verts du sud.

Une brume matinale plane sur la rivière Tiputini dans le parc national Yasuni en Équateur. La population d’anacondas verts du nord vivant dans le bassin de l’Orénoque (qui couvre l’Équateur, la Colombie, le Venezuela, Trinité-et-Tobago, la Guyane, le Suriname et la Guyane française) est une espèce distincte de la population d’anacondas verts du sud, que l’on retrouve au Pérou, en Bolivie, en Guyane française et au Brésil.

Fry raconte être resté bouche bée une fois les analyses terminées.

« Je ne m’attendais pas à un tel niveau de divergence », déclare-t-il. « C’est tout simplement hallucinant. Nous étions tous en train de danser de joie ».

Reclasser deux populations de serpents à l’apparence similaire peut sembler par trop tatillon, mais Fry souligne l’importance de ces délimitations pour comprendre les menaces qui pèsent sur ces créatures. À l’heure actuelle, l’Union internationale pour la conservation de la nature classe l’anaconda vert dans la catégorie « préoccupation mineure » en réference à son risque d’extinction, mais cette classification repose en partie sur la taille de l’aire de répartition de l’espèce à l’étude. 

« [Or] l’anaconda vert du nord, récemment décrit, a une aire de répartition beaucoup plus restreinte que celle de l’anaconda vert du sud, ce qui signifie qu’il est beaucoup plus vulnérable », explique Fry.

 

LES SERPENTS GÉANTS DANS LE DÉTAIL

Travailler avec des serpents géants comporte son lot de difficultés, mais peut-être pas celles que l’on pourrait imaginer.

Avec un poids de plus de 220 kg et une longueur de plus de 8,5 mètres, les plus grands anacondas seraient sûrement capables de tuer et d'avaler un être humain. Toutefois, de tels incidents n’ont été recensés qu’en Asie, et avec des serpents connus sous le nom de pythons réticulés.

Il existe néanmoins d’autres risques professionnels. Quand il s’agit de compter les écailles à des fins scientifiques, Fry explique que les zones les plus informatives sont parfois situées près des régions inférieures du serpent. Or les anacondas ont l’habitude de relâcher leurs intestins lorsqu’on les manipule.

« Quand vous travaillez sur un gros anaconda, il arrive qu'il vous expulse un litre et demi d’air pestilentiel au visage », dit-il en riant. 

Bien entendu, le fait que les anacondas soient des prédateurs puissants et massifs n’est qu’une des raisons pour lesquelles ces animaux n’ont pas été étudiés de plus près. Ils passent également la majeure partie de leur vie immergés dans les eaux troubles des marais, des marécages, des ruisseaux et des rivières.

Toutefois, d’autres travaux de ce type pourraient être nécessaires pour comprendre comment les anacondas verts du nord et du sud se sont engagés sur des voies évolutives distinctes. Après tout, les deux espèces semblent coexister en Guyane française, au point de vivre sur des rives opposées, précise Fry. Pourtant, il n’y a aucune preuve d’hybridation dans leur génétique.

Fry aimerait ensuite savoir s’il existe des différences génitales entre les deux espèces. En effet, de nombreux serpents développent des structures qui s’emboîtent les unes dans les autres comme une serrure et une clé. Et lorsque deux espèces ne parviennent plus s’accoupler de manière fonctionnelle, elles sont plus susceptibles de continuer à se diversifier.

« Dès que l’on trouve la réponse à une question, on s’en pose mille autres », explique Fry. « Pour moi, c’est typique d’une bonne étude : elle soulève autant de questions qu’elle n'apporte de réponses. »

 

QUID DES ANACONDAS JAUNES ?

« Il s’agit d’une étude très approfondie, et je fais entièrement confiance aux résultats génétiques », déclare Wolfgang Böhme, membre honoraire et herpétologiste principal du musée Koenig en Allemagne, dans un courriel. « Cette profonde coupure génétique au sein des anacondas verts constitue une découverte majeure. »

Böhme a cependant émis des doutes sur une autre conclusion de l’étude, à savoir que les trois espèces d’anacondas jaunes (E. notaeus, E. deschauenseei et E. beniensis) devraient être regroupées en une seule (E. notaeus).

Cette conclusion repose sur le même type de travail génétique que celui réalisé avec les anacondas verts. Cependant, dans ce cas, Fry et ses coauteurs ont soutenu que les différences génétiques entre les trois espèces actuelles d’anacondas jaunes n’étaient pas suffisamment importantes pour justifier leur séparation en espèces distinctes.

La question de savoir s’il faut regrouper ou séparer les espèces est, dans une certaine mesure, philosophique, explique Fry.

« Je suis très conservateur et je suis un bûcheron dans l’âme », admet-il. « Pour moi, il est donc préférable de regrouper les [anacondas] jaunes. »

Böhme soutient ne pas être convaincu et pense qu’il est « prématuré » de regrouper les espèces d’anacondas jaunes sous une seule et même espèce. Il admet cependant avoir de bonnes raisons de croire que la découverte d’E. beniensis en tant qu’espèce à part entière, qui n’a eu lieu qu’en 2022, reste importante en soi.

« J’admets être peu objectif, dit-il, puisque j’ai moi-même grandement participé à la découverte d’E. beniensis. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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