"Il n'y a plus eu de profanation" : en Alsace, les "veilleurs de mémoire" font reculer l'antisémitisme

Bertrand Rietsch, veilleur de mémoire du cimetière juif de Fegersheim (Bas-Rhin). ©Radio France - Adrien Serrière
Bertrand Rietsch, veilleur de mémoire du cimetière juif de Fegersheim (Bas-Rhin). ©Radio France - Adrien Serrière
Bertrand Rietsch, veilleur de mémoire du cimetière juif de Fegersheim (Bas-Rhin). ©Radio France - Adrien Serrière
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Depuis cinq ans, en Alsace, des "veilleurs de mémoire" surveillent bénévolement les cimetières juifs de la région. Ce dispositif a été mis en place après une traumatisante vague de profanations. Depuis, elles ont quasiment cessé.

Le 19 février 2019, la France découvrait avec horreur la profanation du cimetière juif de Quatzenheim (Bas-Rhin), énième épisode d'une longue liste d'actes antisémites commis dans les cimetières alsaciens. Entre janvier 2018 et décembre 2019, 240 tombes ont été profanées dans la région. Le 19 février, ce sont plus de 90 stèles qui ont été couvertes de croix gammées. Au milieu de ces sépultures dégradées, Emmanuel Macron, arrivé sur place dans la journée, promettait alors de punir les auteurs. Cinq ans plus tard, l'enquête sur ces profanations n'a rien donné. Mais le chef de l'Etat prononçait aussi, dans la foulée, une phrase qui prendrait tout son sens dans les jours suivants : "C'est aussi par la réponse populaire, la force qu'il y a en chacun, qu'on apportera la meilleure réponse".

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Quasiment plus aucune profanation

C'est dans les jours qui suivent que l'idée d'une veille citoyenne dans les cimetières, "pour ne pas laisser le dernier mot aux profanateurs", va germer dans l'esprit de Philippe Ichter, chargé des relations avec les cultes et du dialogue interreligieux à la Collectivité européenne d’Alsace. Cinq ans plus tard, les "veilleurs de mémoire" sont plus de 90 et patrouillent de manière discrète dans une quarantaine de cimetières israélites de la région, qui en compte 67, témoins de la forte présence de la communauté juive dans la ruralité alsacienne jusqu'au moment de la Shoah.

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Depuis la mise en place de ce dispositif extraordinaire, les attaques antisémites dans les cimetières alsaciens ont quasiment cessé. "Il n'y a plus eu de profanation ces derniers mois", se félicite Philippe Ichter. "Le fait qu'il y ait des personnes vigilantes qui surveillent de manière discrète, ne permet pas aux profanateurs de revenir". Depuis les profanations de Westhoffen, en décembre 2019, plus aucun fait n'a été signalé dans la région à l'exception d'un  tag antisémite retrouvé en juin 2021 dans un cimetière juif de Strasbourg.

"Qu'on s'attaque à des morts, c'est scandaleux"

Le petit cimetière juif de Fegersheim, dans la grande couronne de Strasbourg, a été relativement épargné par les actes antisémites jusqu'ici - une soixantaine de stèles renversées en 1994 puis plus rien - mais l'unique veilleur de mémoire de la commune n'en prend pas moins son rôle à cœur : "On pourrait se dire que ce n'est pas utile car il ne se passe rien", explique Bertrand Rietsch, passionné d'Histoire à le retraite et originaire de la commune. "Mais Fegersheim n'est pas nécessairement exceptionnelle, et un jour il se passera quelque chose. Peut-être que je serais le premier à venir, peut-être pas, on n'en sait rien." Car la mission des "veilleurs de mémoire" est surtout d'alerter les autorités au plus vite s'ils découvrent une profanation, et non d'intervenir.

"Qu'on s'attaque à des morts, c'est scandaleux. Casser des choses, taguer, renverser, quelle utilité ? Quel arrachement des symboles ! Quelle que soit la religion", s'emporte Bertrand Rietsch, qui s'occupe par ailleurs de travaux de restauration du cimetière depuis près de sept ans et en organise des visites occasionnelles afin de raconter l'histoire de la communauté juive de Fegersheim.

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"L'antisémitisme ne concerne pas que les Juifs"

À l'instar de Bertrand Rietsch, les "veilleurs de mémoire" regroupent de nombreux retraités, des férus d'Histoire, d'anciens instituteurs, des responsables associatifs, des élus locaux, quelques pasteurs protestants. La plupart ne sont pas juifs. "La religion n'est pas le moteur essentiel", confirme le veilleur de mémoire de Fegersheim. "Ce n'est pas parce qu'ils sont juifs qu'on vient, c'est parce qu'on les attaque qu'on vient ici".

"L'idée forte est de dire à la communauté juive : 'vous n'êtes pas seuls' et l'antisémitisme ne concerne pas que les juifs, il concerne la totalité de la population", précise de son côté Philippe Ichter de la Collectivité européenne d’Alsace.

Actes antisémites en hausse

Si les cimetières juifs restent épargnés par les actes antisémites en Alsace ces dernières années, l'antisémitisme est toujours bien présent, renforcé par le conflit entre Israël et le Hamas au Proche-Orient. Depuis le 7 octobre, les tags antisémites se sont multipliés à Strasbourg, notamment sur le campus de l'université où trois jeunes étudiants juifs ont été agressés, début février. Dans ce contexte, la préfecture du Bas-Rhin a mis en place un "dispositif lourd" pour lutter contre les actes antisémites, avec un nombre de militaires renforcé et une présence permanente devant la synagogue de la ville.

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