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Poutine brandit la menace nucléaire en cas d'envoi de soldats de l'Otan en Ukraine

Vladimir Poutine s'est adressé à la population russe jeudi. [Keystone]
Vladimir Poutine présente son programme présidentiel lors du discours annuel à la Nation / Le 12h30 / 1 min. / le 29 février 2024
Le président russe Vladimir Poutine a averti jeudi les pays membres de l'Otan des risques d'un conflit nucléaire s'ils envoyaient des soldats en Ukraine, lors d'un discours prononcé devant le Parlement russe.

Conforté par les succès russes en Ukraine, le chef d'Etat russe s'est aussi félicité de l'avancée de ses troupes sur le front, à deux semaines d'une élection présidentielle qu'il devrait remporter sans surprise.

D'un ton calme, sous les applaudissements très réguliers du public, il est revenu sur les propos polémiques de son homologue français Emmanuel Macron, qui a évoqué cette semaine l'éventualité de l'envoi de troupes occidentales en Ukraine.

"Ils (les Occidentaux) ont parlé de la possibilité d'envoyer en Ukraine des contingents militaires occidentaux (...) Mais les conséquences de ces interventions seraient vraiment plus tragiques", a-t-il déclaré.

"Ils doivent comprendre que nous aussi avons des armes capables d'atteindre des cibles sur leur territoire. Tout ce qu'ils inventent en ce moment, en plus d'effrayer le monde entier, est une menace réelle de conflit avec utilisation de l'arme nucléaire et donc de destruction de la civilisation", a poursuivi le président russe. "Ils ne comprennent donc pas cela?", s'est-il interrogé à haute voix.

>> Voir l'interview de Laetitia Spetschinsky dans Forum :

Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire dans son discours à la nation: interview de Laetitia Spetschinsky (vidéo)
Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire dans son discours à la nation: interview de Laetitia Spetschinsky (vidéo) / Forum / 8 min. / le 29 février 2024

Contre-offensive ukrainienne mise en échec

Le président russe apparaît en meilleure posture qu'il y a un an, quand son armée était sous le coup de retraites humiliantes dans le sud et le nord-est de l'Ukraine, après une tentative avortée de s'emparer de Kiev au printemps 2022.

Depuis, l'armée ukrainienne a échoué dans sa contre-offensive déclenchée à l'été 2023 et se retrouve sur la défensive, manquant de munitions faute d'accord à Washington et du fait de la lenteur des livraisons européennes, face à des soldats russes plus nombreux et mieux armés.

Mi-février, ces derniers ont ainsi réussi à s'emparer de la ville forteresse d'Avdiïvka, sur le front est, et continuent leur poussée dans ce secteur, suscitant le satisfecit de Vladimir Poutine.

L'unité de la Nation

Celui-ci s'est aussi réjoui de "la flexibilité et la résistance" de l'économie russe qui, malgré une pluie de sanctions occidentales, résiste pour l'heure et s'est tournée vers l'Asie et l'effort de guerre.

"Les capacités militaires des forces armées (russes) ont été multipliées. Elles avancent avec assurance dans plusieurs directions" du front, s'est ainsi réjoui jeudi Vladimir Poutine, tout en estimant que "l'absolue majorité du peuple russe" soutenait la campagne militaire en Ukraine.

"Nous avons préservé l'unité du pays, nous n'avons pas permis qu'il soit déchiré en morceaux", a lancé le chef du Kremlin.

Il s'en est aussi pris aux actuelles autorités américaines, les accusant de "vouloir montrer qu'elles dirigent le monde comme avant" et de faire de la "démagogie" avant l'élection présidentielle américaine de novembre prochain.

Selon lui, la Russie est "prête à un dialogue" avec les Etats-Unis sur les questions de "stabilité stratégique".

Eloge des valeurs traditionnelles 

Jeudi, il a à nouveau fait l'éloge des "valeurs traditionnelles" officiellement défendues par le Kremlin, assurant que la Russie en était l'un des "bastions".

"Une famille avec de nombreux enfants doit devenir la norme", a-t-il lancé, alors que la Russie fait face depuis de longues années à de graves problèmes démographiques, renforcés par l'assaut en Ukraine et le départ à l'étranger de centaines de milliers de citoyens.

Il a aussi assuré que la lutte contre la pauvreté en Russie était l'une de ses priorités, s'est réjoui d'une baisse de la "consommation d'alcool" et a promis plus de financements pour rénover les écoles du pays.

Le discours de jeudi intervient à la veille des funérailles prévues à Moscou de son principal opposant, le militant anticorruption Alexeï Navalny, mort le 16 février en prison dans des conditions obscures.

Vladimir Poutine, qui n'a jamais prononcé en public le nom d'Alexeï Navalny, n'a toujours pas commenté ce décès qui a choqué les puissances occidentales.

agences/miro

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Une menace nucléaire limitée, selon une experte

En brandissant encore jeudi la menace nucléaire, le président russe Vladimir Poutine espère dissuader les Occidentaux d'aider l'Ukraine mais "il n'y a pas de signe plus important de risque d'emploi de l'arme nucléaire", souligne à l'AFP Héloïse Fayet, experte à l'Institut français des relations internationales.

"Ce genre de déclaration a une visée de politique intérieure, afin de maintenir l'effort de guerre et les troupes mobilisées", estime l'experte.

Par ailleurs, "Poutine espère que cela aura des conséquences sur l'opinion publique occidentale, que nous serons ainsi dissuadés de fournir plus d'armes à l'Ukraine. Or on voit bien depuis deux ans ça ne fonctionne pas", poursuit Héloïse Fayet.

"La doctrine nucléaire russe identifie quatre cas d'usage et tous concernent l'attaque contre le territoire russe ou l'hypothèse dans laquelle la situation serait tellement dramatique, le risque de perdre la guerre serait tellement important pour la survie de la Russie que la pays pourrait se résoudre à utiliser l'arme nucléaire, énumère la chercheuse.

"Je ne pense pas que l'envoi de militaires occidentaux pour des missions de soutien pour l'artillerie ou la formation soit considéré comme un risque existentiel pour la Russie, qui a vu pire. La Russie ne va pas disparaître si on envoie 100 soldats dans l'Ouest de l'Ukraine".