Iran : cette jeunesse qui ne veut plus du voile obligatoire

Deux doigts levés en forme de V pour victoire et aux couleurs iraniennes vert et rouge, lors d'une manifestation à Paris ©Radio France - Nathanael Charbonnier
Deux doigts levés en forme de V pour victoire et aux couleurs iraniennes vert et rouge, lors d'une manifestation à Paris ©Radio France - Nathanael Charbonnier
Deux doigts levés en forme de V pour victoire et aux couleurs iraniennes vert et rouge, lors d'une manifestation à Paris ©Radio France - Nathanael Charbonnier
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Près d'un an et demi après la mort de Mahsa Amini et la répression du mouvement "Femme, Vie, Liberté", une partie de la jeunesse de Téhéran s'oppose toujours au quotidien au port obligatoire du voile islamique.

Dans les quartiers aisés du nord de la capitale iranienne, on croise parfois dans la rue une majorité de femmes non voilées. Malgré la loi sur le port obligatoire du voile et la crainte des arrestations, ces jeunes femmes font le choix de défier le régime iranien. Chez les étudiantes de Téhéran, la mémoire du mouvement "Femme, Vie, Liberté" et de sa répression est toujours vive. Une jeunesse qui s'oppose frontalement à l'idéologie de la République islamique.

Sur une place d'un quartier du nord de Téhéran, Farah marche dans la neige. Ses cheveux bruns, bouclés ne sont pas recouvert par un voile... Un acte politique risqué : "Cette liberté n'existe pas. Il faut que j'aie toujours un foulard sur moi, au cas où je serais arrêtée", lâche Farah avec un rire nerveux, en apercevant une patrouille. "Regardez là-bas, une voiture noire de la police anti-émeute vient de passer. Les patrouilles de la police des mœurs, c'est terrifiant. Quand cinq ou six agents t'encerclent soudainement, s'en prennent à toi, c'est extrêmement angoissant."

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"La liberté au delà de la loi, c'est l'anarchie", assure le régime

Dans ce quartier chic, des musiciens jouent pour les passant qui flânent entre les cafés et les musées. Ici, plus de la moitié des jeunes femmes que l'on croise dans la rue ne portent pas le voile. Pourtant, la République islamique d'Iran l'impose aux femmes. Sakineh Sadat Paad, conseillère chargée des droits et des libertés civiles auprès du président conservateur Ebrahim Raïssi, assure que le régime fait preuve de tolérance. "Si on appliquait strictement la loi sur le voile, on devrait punir beaucoup de femmes qui ne s'habillent pas selon les règles islamiques. Mais la République islamique ne le fait pas."

Cette avocate de profession, au visage encadré par un Tchador, condamne sans équivoque les manifestations du mouvement "Femme, Vie, Liberté" : "Aucun État dans le monde ne reste silencieux face à l'extrémisme et la violence. Pour avoir plus de liberté, il faut rester dans le cadre légal. La liberté au delà de la loi, c'est l'anarchie."

Mais la jeunesse iranienne ne peut pas entendre ce discours, en tout cas pas celle qui a bravé l'interdit et manifesté après la mort de Mahsa Amini. Reza, 24 ans, appelle au renversement des mollahs : "La seule solution, c'est de manifester : il faut une grande révolte... Le régime doit changer." Des propos révolutionnaires prononcés en pleine rue, en plein jour, près de l'université de Téhéran.

"Comment peuvent-ils être aussi cruels avec leur peuple ?"

Pourtant, on s'en souvient, la répression avait été particulièrement violente contre ces jeunes en 2022... Daria était alors à peine majeure. "Moi, j'ai été très active et j'ai fait partie des étudiantes arrêtées. Ça a duré quelques heures, j'ai été retenue dans l'université. Et j'ai été interpellée aussi quelques fois dans la rue. Je n'arrive toujours pas à parler de ce que j'ai vécu. Comment peuvent-ils être aussi cruels avec leur peuple ?"

Daria sort de cours, un voile noir à peine posé sur l'arrière de sa tête. Parce qu'elle est obligée, à l'université, dit-elle avant de l'enlever devant les grilles de la faculté. Mais, assure-t-elle, elle n'a "pas peur". "J'ai osé leur dire ce que je pense droit dans les yeux. Il ne faut pas avoir peur."

Un homme âgé s'approche. Il veut intervenir, et a larmes aux yeux. "Au lieu d'envoyer la police tirer à balles réelles sur les jeunes, il faut les traiter avec tolérance, avec justice, et les respecter." Daria rabat une capuche sur sa tête et s'éloigne.
Sous le regard du guide suprême Ali Khamenei, dont un immense portrait domine l'entrée de l'université...

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