La Commission inflige 1,8 milliard d’euros d’amende à Apple pour abus de position dominante

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Il s’agit de la troisième plus grosse amende infligée à une entreprise pour infraction aux règles de l’UE. [Tada Images/Shutterstock]

La Commission européenne a annoncé lundi (4 mars) qu’elle infligeait à Apple une amende de 1,8 milliard d’euros, estimant que l’entreprise avait abusé de sa position dominante sur le marché du streaming musical.

Selon la Commission européenne, Apple aurait mis en avant son propre service de streaming de musique en ligne, Apple Music, auprès des utilisateurs d’iPhone et d’iPad par l’intermédiaire de son App Store, aux dépens de la concurrence.

Il s’agit, avec 1,8 milliard d’euros, de la troisième plus grosse amende infligée à une entreprise pour infraction aux règles de l’UE. Les deux premières places reviennent à Google, qui s’est vu infliger une amende de 4,34 milliards d’euros par l’UE en 2018 et une amende de 2,42 milliards d’euros en 2017.

La Commission a constaté qu’en raison des restrictions imposées par Apple dans son magasin d’applications, les développeurs ne pouvaient pas informer les utilisateurs de l’existence d’autres services de streaming musical plus abordables en dehors de l’application, ce que l’on appelle les « dispositions anti-steering » (« dispositions interdisant l’orientation des utilisateurs »). Cette interdiction est contraire aux règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante.

« Pendant dix ans, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’applications de diffusion de musique en continu par l’intermédiaire de son App Store. Pour ce faire, elle a empêché les développeurs d’informer les consommateurs de l’existence d’autres services musicaux moins chers disponibles en dehors de l’écosystème Apple », a déclaré lundi dans un communiqué Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission chargée de la concurrence.

Apple a répondu le même jour dans un communiqué que « le principal défenseur de cette décision — et le plus grand bénéficiaire — est Spotify », en référence à la célèbre plateforme suédoise.

Le géant américain a annoncé qu’il fera appel de cette décision.

L’amende

Les dispositions anti-steering interdisent aux développeurs d’applications d’informer les utilisateurs iOS des tarifs disponibles sur Internet en dehors de l’application et des différences de prix entre les abonnements vendus via le mécanisme d’achat in-app d’Apple et les abonnements disponibles ailleurs.

En outre, les développeurs ne pouvaient pas non plus inclure dans leurs applications de liens orientant les utilisateurs d’iOS vers le site web du développeur sur lequel d’autres formules d’abonnement sont proposées à la vente. Les développeurs ne pouvaient pas non plus contacter leurs nouveaux utilisateurs par courriel ou par d’autres moyens pour les informer des autres options tarifaires après qu’ils ont créé un compte.

Selon la décision, les dispositions anti-steering d’Apple constituent « des conditions commerciales déloyales », en violation du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Commission estime que ces dispositions nuisent aux intérêts des utilisateurs d’iOS et ne sont pas nécessaires ou proportionnées aux intérêts commerciaux d’Apple.

La conduite d’Apple, qui dure depuis près de dix ans, a potentiellement conduit de nombreux utilisateurs d’iOS à payer des prix élevés pour des abonnements à des services de streaming musical en raison notamment des commissions substantielles imposées par Apple aux développeurs, qui ont ensuite été répercutées sur les consommateurs sous la forme de prix d’abonnement plus élevés pour le même service sur l’App Store.

Les utilisateurs d’iOS devaient soit naviguer à travers un processus de « recherches fastidieuses » pour trouver des offres intéressantes en dehors de l’application, soit s’abstenir de s’abonner à un service parce qu’ils ne pouvaient pas trouver d’options adéquates par eux-mêmes.

La Commission a infligé l’amende à Apple en tenant compte de la durée et de la gravité de l’infraction, ainsi que du chiffre d’affaires et de la capitalisation boursière d’Apple. En outre, elle a exigé d’Apple qu’elle supprime ses dispositions anti-steering et qu’elle évite de commettre des infractions similaires à l’avenir.

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Spotify

Selon Spotify, l’amende infligée par la Commission montre clairement que « le comportement des individus qui limitent l’interaction avec les consommateurs est illégal. Cette décision envoie un message fort : aucune entreprise, pas même un monopole comme Apple, ne peut abuser de son pouvoir pour contrôler la manière dont les autres entreprises interagissent avec leurs clients », peut-on lire dans le communiqué de l’entreprise.

Apple a souligné que l’App Store avait contribué au succès de Spotify, mais que l’application de streaming musical ne payait pas Apple parce que Spotify, comme beaucoup d’autres développeurs, choisit de vendre des abonnements sur son site web plutôt que dans son application, contournant ainsi les frais imposés par Apple.

Le géant américain affirme que Spotify a la possibilité de renvoyer les utilisateurs à une page web pour la gestion de l’abonnement. Pourtant, comme indiqué, la Commission a déclaré que les développeurs ne pouvaient pas inclure dans leurs applications « des liens orientant les utilisateurs d’iOS vers le site web du développeur sur lequel d’autres formules d’abonnement sont proposées à la vente ».

Apple a indiqué qu’en 2015, Spotify a collaboré avec la Commission européenne dans le cadre d’une enquête et s’est plaint que le marché de la musique en ligne stagnait et qu’Apple entravait la progression de ses concurrents.

Pourtant, Apple a déclaré que Spotify a continué à se développer et a dépassé toutes les autres entreprises de streaming musical au niveau mondial, ce qui, selon Apple, est en partie dû à l’App Store.

Selon Spotify, les règlementations d’Apple ont empêché les services de streaming musical d’informer directement les utilisateurs dans leurs applications sur les mises à jour, les prix des abonnements, les promotions ou d’autres avantages, alors qu’Apple Music, un concurrent direct, n’est pas soumis à de telles limitations.

Tout en saluant la décision de la Commission, Spotify a souligné la nécessité d’une approche globale pour lutter contre les pratiques déloyales d’Apple sur les différents marchés mondiaux.

« Apple devra se conformer à la liste complète des choses à faire et à ne pas faire dans le cadre de la loi sur les services numériques [Digital Services Act] », qui entrera en vigueur ce mercredi (6 mars), a déclaré Mme Vestager lundi.

L’entreprise ne pourra pas « imposer des règles telles que ses dispositions anti-steering […] Cela vaut pour toutes les applications de l’App Store, et pas seulement pour les applications de streaming musical », a précisé Mme Vestager.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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