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"J’étais incapable de lui dire non": un psychiatre accusé de viols sous couvert de câlinothérapie

TEMOIGNAGE RMC. Laure a déposé plainte pour viols contre son psychiatre, qui prétendait pratiquer la câlinothérapie dans le huis clos de son cabinet. Elle témoigne avoir fait un transfert sur son médecin. Le thérapeute, en poste en région parisienne, en aurait profité pour lui imposer des relations sexuelles pendant plusieurs mois.

Alors que le psychologue Gérard Miller est visé par une enquête pour viols et agressions sexuelles notamment lors de séances d’hypnose, d’autres psys sont eux aussi accusés de violences sexuelles dans le huis clos de leur cabinet sous couvert de pratiques thérapeutiques.

Laure a déposé plainte pour viol contre son psychiatre, qui prétendait pratiquer la câlinothérapie.

“Je pense qu’avec ce psy, j'ai eu un transfert amoureux. J’étais comme à la recherche d’un sauveur, d’un père”, explique Laure au micro de RMC.

Celle qui a commencé à consulter son psychiatre fin 2015 avait été victime de violences sexuelles dans l’enfance et voulait sortir d’une relation conjugale violente. Laure était particulièrement vulnérable.

“Au bout de six mois, ça me rongeait, j’étais obligée de lui dire que j’avais fait un transfert et il m’a proposé la câlinothérapie. Pour une personne comme moi qui manquait d’amour, ça m’a fait chaud au cœur, je me suis sentie aimée”, raconte-t-elle.

"Petit à petit, il y avait un rapprochement"

“La câlinothérapie n’est pas un protocole de soins reconnu”, affirme Luis Alvarez, psychiatre à l’hôpital américain. “C’est un procédé de prédation d’un médecin. Il y a une notion déontologique qui s’appelle la ‘juste distance’, la relation entre un patient et son thérapeute est asymétrique. Le thérapeute en sait plus sur le patient, rien ne justifie dans une relation thérapeutique entre adultes que cette ‘juste distance’ soit transgressée”.

Le problème, affirme Luis Alvarez, “c’est que les usagers ne disposent pas de suffisamment d’informations sur les protocoles des soins scientifiquement reconnus”.

“Donc on a continué les séances. Ce qui a changé dans son comportement, c'est son regard, un regard plus soutenu qui me gênait, plus tactile au niveau du cou, des épaules. Même pour me serrer la main, il appuyait le pouce sur ma main, on continuait en même temps la psychothérapie, j'étais déboussolée”, poursuit Laure.

Les séances se terminent alors toujours par un câlin. “Ça s’est fait tellement doucement, de 2016 à 2019. Petit à petit, il y avait un rapprochement et il me connaissait, je venais tous les 15 jours et je lui racontais toute ma vie”.

"Il jouait sur la confiance que je lui accordais"

Puis, le psychiatre finit, un jour, par lui demander de montrer sa poitrine. Laure refuse, lui se dit patient.

“Petit à petit, j'enlève le pull, il a les mains plus baladeuses et puis vient ce moment où je me retrouve en sous-vêtement et où il y a le premier rapport sexuel. Je pense qu’à l’intérieur de moi, je me disais 'si je ne le fais pas, je vais le perdre'”.

Laure, qui est encore en plein transfert amoureux, pense vivre une idylle avec son thérapeute. “Il aimait dominer et le faire savoir. Il éprouvait du plaisir à savoir que je me soumettais à lui. Il jouait sur la confiance que je lui accordais, il profitait du fait que j’étais incapable de lui dire non”, explique Laure aux enquêteurs dans sa plainte que RMC a pu consulter. Laure a continué de payer ces consultations.

“Presque toutes les fois où on a eu des rapports sexuels, ils ont été facturés”, a-t-elle assuré en audition.

La plaignante dit avoir subi de très nombreux viols sur le divan de son psychiatre. La quadragénaire est mise en arrêt maladie en avril 2021 et à l'automne 2022, elle s’effondre et arrête de consulter ce psychiatre.

“Je n'étais pas bien, je me suis souvenue que j’avais eu à peu près la même chose quand j’étais petite et que j’avais vécu les attouchements de mon voisin comme si ce n'était pas moi, j'étais ailleurs. C’est assez étrange cette sensation”. Laure a mis du temps à comprendre ce qui s’est joué sur le divan de son psychiatre.

“Il aurait dû arrêter la thérapie, a-t-elle dit à l'officier qui a recueilli sa plainte. Psychologiquement, j’ai l’impression que je ne m’appartiens pas à moi-même”.

Une plainte classée sans suite

Pour aller mieux, pour avancer, Laure a “besoin” de porter plainte et de se faire entendre par la justice.

“J’ai besoin que la loi dise que je n’étais pour rien dans cette histoire”.

Laure a donc déposé plainte en février 2023 et le parquet de Nanterre a classé la procédure pour viol sans suite en décembre dernier.

Le psychiatre a contesté les faits. Nous avons cherché à le joindre, mais il n'a pas répondu à nos sollicitations. Laure va désormais déposer plainte avec constitution de partie civile pour obtenir l’ouverture d’une information judiciaire. “Laure va voir un médecin qui a, par nature, l’ascendant sur elle et lui profite de cette situation”, explique son avocate Marie-Agnès Perruche.

“Vous avez quelqu’un de vulnérable qui vient s’en remettre à un psychiatre sur son état psychique et lui, il lui propose dans un cadre thérapeutique une câlinothérapie, profondément discutable, et qui va l’amener à avoir des relations sexuelles dans ce cadre-là”, dénonce Me Perruche.

“Il y a une asymétrie et donc une contrainte morale qui caractérise l’absence de consentement et qui constitue une infraction pénale”, conclut-elle.

"Elle a été manipulée par l’homme en qui elle avait le plus confiance, celui qui devait la soigner, estime aussi Jessica Matoua-David, juriste à la Maison des femmes, qui accompagne Laure depuis un an et demi. Cette emprise, ce psychiatre a continué à l’exercer même après sa plainte, en maintenant le contact, en lui souhaitant son anniversaire par message en fin d’année dernière comme si de rien n’était..."

Marion Dubreuil avec CA