Le processus parlementaire s’annonce long et l’aboutissement n’interviendra probablement pas avant 2025. Le sujet est sensible: si plusieurs sondages décrivent des Français majoritairement favorables à la légalisation d’une forme d’aide à mourir, cette perspective suscite l’opposition des cultes et d’un grand nombre de soignants. D’où le choix du président de s’exprimer simultanément dans un quotidien catholique, La Croix, et dans un autre de gauche, Libération, qui a souvent porté cette cause.
Maladie incurable avec pronostic vital engagé
Changer la loi sur la fin de vie de 2016, qui admet une «sédation profonde et continue» en cas de souffrances intolérables lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, c’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. A sa demande, une convention citoyenne, réunissant des Français tirés au sort, s’est prononcée au printemps 2023 dans un avis non contraignant pour l’ouverture d’une «aide active à mourir» sous conditions.
Le projet de loi, qui doit être transmis d’ici dix jours au Conseil d’Etat, «ouvre la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes», explique le président. Cette possibilité concernera uniquement les majeurs, à condition qu’ils soient «capables d’un discernement plein et entier» – ce qui exclut par exemple les malades psychiatriques ou les cas d’Alzheimer –, atteints d’une pathologie «incurable» avec «pronostic vital engagé à court ou moyen terme», et subissant des souffrances «réfractaires» que l’on ne peut soulager.
Si un patient souhaite, dès lors, accéder à cette nouvelle «aide», il pourra en formuler la demande et recevra l’avis «collégial» de l’équipe médicale sous quinze jours. En cas d’avis favorable, il lui sera délivré une prescription, valable pendant trois mois, d’un produit létal qu’il pourra absorber seul. Ou, lorsqu’il est dans l’incapacité de le faire, notamment dans le cas de certaines maladies neurodégénératives comme la maladie de Charcot, avec l’assistance d’un membre du corps médical ou d’une personne volontaire qu’il aura désigné. La personne pourra «se rétracter à tout moment», précise le président.
Même si cet acte peut s’apparenter à une forme de suicide assisté, Emmanuel Macron assure avoir voulu éviter ce terme, ou celui d’euthanasie, car le «consentement» du patient est indispensable et «la décision médicale a son rôle à jouer», «avec des critères précis». Soucieux de ne pas heurter des sensibilités, notamment religieuses, le président français a assumé de «prendre le temps», affichant ses hésitations, organisant une convention citoyenne et multipliant les dîners à l’écoute des sommités de l’éthique, du monde médical et des cultes.
«Il y aura des oppositions»
«J’ai retenu de ces échanges cette crainte légitime qu’on assigne une valeur à la vie, qu’on laisse entendre qu’il y aurait des vies devenues inutiles. Non, jamais. Je crois que le texte lève les ambiguïtés», dit-il.
Le projet de loi inclura des mesures du plan décennal qui sera présenté fin mars pour renforcer les soins palliatifs, insuffisants en France de l’avis général. Le président a souhaité un seul texte «pour ne pas laisser penser que l’on fait l’aide à mourir parce que la société n’est pas capable de prendre soin». Une unité de soins palliatifs verra le jour dans chacun des 21 départements qui en sont toujours dépourvus. «Sur l’ensemble de la période, c’est un milliard d’euros de plus que nous allons y investir», en plus du 1,6 milliard actuellement consacré aux soins d’accompagnement, précise-t-il.
Le chef de l’Etat estime, dans l’entretien, que «des milliers de personnes et de familles attendent» cette évolution, mais il reconnaît aussi que cette loi ne pourra pas être «totalement» consensuelle. «Je ne suis pas naïf», «il y aura des oppositions», voire «des attaques violentes», «et il faudra tenir», insiste-t-il, tout en assurant que «ce cheminement démocratique exemplaire a permis de pacifier le débat».