Menu
Libération
En crise

Sciences-Po : Mathias Vicherat, le directeur de l’institution accusé de violences conjugales, démissionne

Violences conjugalesdossier
Dans un mail envoyé aux élèves et aux personnels ce mercredi 13 mars, le directeur de Sciences-Po annonce quitter ses fonctions. En cause, son renvoi avec son ex-compagne devant le tribunal correctionnel pour violences conjugales.
par Julien Lecot et Léo Thiery
publié le 13 mars 2024 à 8h53
(mis à jour le 13 mars 2024 à 10h41)

Pour les étudiants de Sciences-Po, le courrier matinal a été une surprise. «Il était revenu alors on ne s’attendait pas à ce qu’il reparte aussitôt», confirme une élève. Dans un mail envoyé ce mercredi 13 mars aux personnels et aux étudiants, que Libération a pu consulter, le directeur de Sciences-Po, Mathias Vicherat, annonce avoir décidé de quitter ses fonctions «afin de préserver» l’institution.

Cet ancien camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA avait été placé en garde à vue le 3 décembre avec son ex-compagne, tous deux s’accusant mutuellement de violences conjugales. Si aucun d’entre eux n’a déposé plainte, ils ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel dans le cadre de cette affaire. C’est après avoir appris son renvoi que Mathias Vicherat a décidé de démissionner, comme il l’explique dans son mail.

Contacté par Libération, le parquet de Paris confirme que le désormais ex-directeur de Sciences-Po et Anissa Bonnefont, son ancienne compagne, ont été convoqués devant le tribunal pour des «violences réciproques au sein du couple». Il leur est à tous deux reproché notamment des «violences sur conjoint ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours». Ils devraient comparaître en fin d’année, selon une source proche du dossier. Par ailleurs, le parquet précise que «seul le ministère public» a la «charge d’engager des poursuites» et qu’une plainte n’est pas nécessaire : «Lorsque des personnes rapportent des faits susceptibles de recouvrir une qualification», la plainte est «sans incidence sur la procédure pénale, sur les poursuites ni sur leur droit à se constituer partie civile».

«Un bonheur sans pareil que de travailler avec vous»

Mathias Vicherat s’était déjà mis en retrait temporairement en décembre 2023 après une mobilisation de syndicats et collectifs féministes. Avant de retrouver ses fonctions fin janvier, de nouveau sous les critiques d’un certain nombre d’étudiants qui réclamaient sa démission. Il a toujours contesté les «accusations de violences qui ont été formulées et diffusées à (son) égard», comme il le rappelle dans le mail envoyé ce mercredi, et se montre confiant quant à la capacité de la justice «d’établir la réalité des faits». «Sciences-Po est une institution admirable. Ce fut un grand honneur et un bonheur sans pareil que de travailler avec vous tous à son épanouissement», conclut-il.

En accord avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, «une administration provisoire sera nommée dans les prochains jours […] jusqu’à la nomination d’une prochaine direction», indique de son côté la direction de Sciences-Po Paris aux élèves et aux personnels.

Mathias Vicherat avait succédé en novembre 2021 à la tête de Sciences-Po Paris à Frédéric Mion, contraint de démissionner en février de cette année-là pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel. Dans le sillage du scandale Duhamel, un mouvement de dénonciations de violences sexuelles dans les instituts d’études politiques (IEP) avait émergé, d’abord sur les réseaux sociaux sous le mot-clef #SciencesPorcs.

«Son retour à l’école était une offense et une marque de mépris»

Chez les étudiants, l’annonce soudaine de son départ a surpris. Rencontré devant le campus de la rue Saint-Guillaume ce mercredi matin, Thomas, étudiant en master, dit avoir appris son départ comme tous ses camarades alors qu’il était en plein cours. Pour lui, la démission de Mathias Vicherat est un soulagement. Une «décision logique», dit-il : «On ne peut pas promouvoir un agenda de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en étant soi-même accusé de violences et renvoyé devant le tribunal.»

Même son de cloche chez ceux qui réclamaient depuis plusieurs mois son départ. «Mathias Vicherat ne pouvait plus demeurer à la tête de Sciences-Po, écrit l’Union étudiante dans un communiqué. Son retour à l’école était une offense et une marque de mépris à l’égard de toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles. […] Nous déplorons l’immense retard de cette démission et le soutien honteux des cadres dirigeants de l’école au retour et au maintien de Mathias Vicherat, malgré l’opposition ferme de la communauté étudiante.»

Le syndicat, classé à gauche, appelle désormais à «tourner la page de ces crises à répétition qui font honte à l’ensemble des communautés de l’école en engageant une réforme profonde de sa prise en charge des VSS». «Les prochains mois vont être déterminants pour Sciences-Po. Il faut que la procédure permettant de désigner une directrice ou un directeur se mette en place rapidement, qu’elle soit transparente et démocratique en impliquant l’ensemble des communautés de l’institution. Et qu’à la fin soit nommé quelqu’un à la hauteur des enjeux de VSS et de lutte contre les discriminations», complète auprès de Libé Inès Fontanelle, une des représentantes de l’Union étudiante.

Mise à jour à 10 h 40 avec plus d’éléments et des citations du parquet de Paris.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique