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A69

Les opposants à l’A69 affamés par les gendarmes

Perchés dans leurs arbres, les opposants à l'autoroute A69 entre Toulouse et Castres ne peuvent plus être ravitaillés.

Les gendarmes empêchent depuis un mois le ravitaillement des militants perchés dans des arbres du Tarn pour s’opposer à l’A69. Afin de dénoncer cette « torture », des activistes ont manifesté à Bruxelles.

Ils meurent de faim dans l’indifférence générale. Depuis trente-trois jours, des « écureuils », surnom donné aux militants opposés au projet d’autoroute A69, sont perchés dans les arbres de la zad Crem’arbre, à Saïx, dans le Tarn. Leur but : empêcher l’abattage des arbres sur le chantier du tracé, entre Toulouse et Castres. Mais les activistes souffrent du manque de nourriture et d’eau, les gendarmes empêchant leur ravitaillement.

Afin de dénoncer le traitement réservé à ces militants, deux autres activistes se sont perchés lundi 18 mars dans un érable en face des bâtiments du Parlement européen, à Bruxelles. « Nous sommes ici car nous avons épuisé tous les recours possibles », explique Ubac, cordiste de métier et membre du Groupement national de surveillance des arbres (GNSA).

« C’est une guerre d’usure »

« Nous frappons donc aux portes de l’Europe pour qu’elle se prononce sur les agissements de l’État [français], que l’on considère comme de la torture envers les militants écologistes », poursuit-il. Ubac est lui-même resté dix jours perché dans les arbres de la Crem’arbre. Il a dû descendre à cause de problèmes cardiaques. « C’est une guerre d’usure, estime-t-il. La nuit, les CRS crient, nous insultent et nous empêchent de dormir. On doit se rationner en eau, en nourriture. Le corps lâche complètement face à un tel stress ».

Sur place, il ne reste plus que trois « écureuils », juchés dans deux arbres. Le quatrième a été arrêté dimanche 17 mars en descendant chercher des sacs de nourriture. Pour se nourrir, les autres grignotent des bourgeons, boivent de l’eau avec un peu de sucre ou de sel. « Nous demandons à ce qu’ils puissent être ravitaillés », réclame Ubac. Car le temps presse et leur santé se dégrade. Si l’un d’entre eux fait un malaise, son baudrier lui coupera la circulation du sang dans les jambes et pourrait entraîner sa mort.

Tenir jusqu’au 31 mars

Reva, l’un des trois écureuils restants, décrit son épuisement face à une énième tentative avortée de ravitaillement lundi 18 mars. « Des amis ont réussi à passer dans un pré voisin. On s’est déplacés d’arbre en arbre pour parvenir à cinq ou six mètres d’eux. Les gendarmes ont attendu qu’on soit proches et ils ont gazé tout le monde. J’en ai pris plein la tronche. C’était violent, injuste et disproportionné. Et inhumain. Je suis scandalisé, indigné, révolté » , raconte Reva, joint par téléphone.

Les médecins n’ont même plus l’autorisation de venir dans la nacelle pour surveiller leur état de santé. Quant aux gendarmes, ils continuent leur politique d’usure. « Ils ont coupé beaucoup de nos cordes. Ils nous mettent au maximum en insécurité pour qu’on les appelle afin de descendre, c’est pervers, vicieux et hypocrite », poursuit Reva.

Malgré l’épuisement et le harcèlement policier, les derniers écureuils espèrent rester jusqu’au 31 mars, date marquant la fin de la période d’abattage autorisée des arbres. « Sauf que même après cette date, il y a de fortes chances pour qu’Atosca [le concessionnaire de l’autoroute] ne respecte pas la réglementation. Il préfère abattre et payer des amendes plutôt que de prendre des retards sur le chantier », assure Ubac.

« On peut constater que le projet prend du retard »

En dépit de l’opposition pugnace des militants, la construction de l’autoroute entre Toulouse et Castres se poursuit sans prendre de retard, selon Atosca. « 95 % des déboisements ont été réalisés », expliquait Martial Gerlinger, le directeur de la société, auprès de La Dépêche du Midi. La mise en service de cette route est toujours prévue pour fin 2025.

Des pronostics qui laissent les militants sceptiques. « Ce que nous constatons sur le terrain, c’est qu’il reste des maisons qui ne sont pas encore expropriées et des arbres encore sur pied, qui ne pourront pas être coupés avant l’automne. On peut constater que le projet prend du retard. La question est de savoir combien », conclut un opposant.

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