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En Pologne, ces quartiers qui disent non au charbon

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Vidéo GEO : Une révolution agricole ? En Chine, des scientifiques réussissent à produire des protéines à partir de charbon

Les autorités polonaises rechignaient à abandonner la source d’énergie la plus polluante qui soit. Alors les habitants de modestes immeubles construits à l’époque communiste ont pris les choses en main.

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«Je suis heureuse ici», confie Ewa Adamowicz. Depuis son balcon, l’octogénaire désigne les quatre immeubles du quartier Ceramik, à Cegłowo, une commune située à 15 kilomètres d’Olsztyn, la capitale de la voïvodie de Varmie-Mazurie, dans le nord-est de la Pologne. Façades jaune safran, toits pentus couverts de tuiles rouge vif… leur charme ne saute pourtant pas aux yeux. On les croirait tout droit sortis d’un jeu vidéo. Mais la vieille dame n’en démord pas. «Tous les habitants du complexe vous le diront, avant les travaux, ces bâtiments étaient horribles et faisaient fuir les gens. Mais aujourd’hui, les jeunes reviennent», assure-t-elle.

Pour commencer, ils sont sans doute séduits par les environs. Poumon vert du pays, à la frontière de l’ex­clave russe de Kaliningrad, la Var­mie-­Mazurie est la région favorite des Polonais pour leurs vacances. Cette contrée de douces collines où alternent forêts et prairies est marquetée d’une multitude de plans d’eau qui lui vaut le surnom de Pays aux mille lacs (en réalité, il aurait ici au moins 3 000 lacs postglaciaires). Mais ce qui provoque l’enthousiasme d’Ewa Adamowicz et attire les nouveaux résidents, c’est surtout la perspective de réaliser de substantielles économies tout en participant à la lutte contre le réchauffement climatique.

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EN IMAGES
Avant-Après : ces photos montrent comment ces paysages ont changé avec le réchauffement...

En 2018, les habitants du complexe Ceramik ont en effet pris une décision capitale : ils ont choisi, pour leur chauffage, de se passer du charbon et de ne compter que sur les énergies renouvelables. Aujourd’hui, la petite centrale qui alimentait les quatre bâtiments est à l’arrêt, plus aucune fumée noire ne s’échappe de sa haute cheminée et ses murs accueillent les bureaux du conseil syndical. «Les travaux n’ont commencé qu’en 2020 et ont duré un an, explique Adam Ruszczyk, professeur de mathématiques et président du conseil en question. Et pendant l’hiver 2023, les 76 familles qui vivent ici n’ont pas été affectées par la hausse des prix de l’énergie causée par la guerre en Ukraine.»

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La Pologne : le mouton noir de l'Europe en terme d'énergies polluantes

La Pologne est un pays charbonnier : neuvième producteur mondial, le deuxième­ en Europe après l’Allemagne. Mais elle importe aussi massivement ce combustible. Hier, surtout de Russie, et depuis l’embargo sur le charbon russe, d’Afrique du Sud, d’Australie et de Colombie. Bien qu’en diminution, la part du charbon représentait encore 69 % dans le mix électrique polonais en 2022 et la moitié des maisons individuelles étaient chauffées au charbon. Au sein de l’Union européenne, le pays fait figure de mouton – littéralement – noir : elle ne prévoit de fermer ses centrales polluantes qu’en 2049, quand ses partenaires annoncent 2030, ou, comme la Belgique et le Portugal, les ont déjà mises à la retraite. Alors l’exemple est venu d’en bas : une révolution verte est née dans des immeubles de quatre à cinq étages, sans ascenseur, de ceux qui furent construits dans tout le pays entre les années 1970 et 1980.

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Tout a commencé en 2014, à Szczyt­­no, une ville de 22 000 habitants à une soixantaine de kilomètres à l’est de Cegłowo. Au 12 de la rue Śląska, se dressait une de ces mornes constructions datant de l’époque communiste. Comme d’autres, elle avait été ripolinée de couleurs vives pour apparaître moins déprimante et recouverte d’une couche d’isolant pour améliorer sa performance énergétique. Mais à Szczytno comme ailleurs­, l’urgence pour les habitants, pour la plupart des personnes âgées avec peu de revenus, était de faire face au coût du chauffage. En dix ans d’expérience, Adam Duraj, importateur de pompes à chaleur suédoises, avait déjà équipé de nombreuses maisons individuelles, des églises et même des gymnases de la région d’Olsztyn. Chauffer un bâtiment, comme le lui demandaient les habitants du 12 de la rue Śląska, constituait une autre gageure. «Il a fallu réaliser 24 forages autour de l’immeuble, d’une profondeur de près de 100 mètres, pour recueillir la chaleur naturelle du sol et la transférer au système de chauffage du bâ­ti­ment, explique-t-il. Des panneaux photovoltaïques ont été installés sur le toit pour fournir l’électricité nécessaire aux pompes à chaleur.»

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Un an plus tard, les habitants n’avaient plus besoin du charbon pour chauffer leurs appartements. Mieux : en 2017, leurs chauffe-eau individuels au gaz étaient mis au rebut grâce à une idée toute simple : agrandir les balcons afin d’y accrocher des panneaux photo­vol­taïques supplémentaires pour chauffer l’eau sanitaire. Pour financer ces travaux, les habitants du 12 de la rue Śląska ont dû souscrire un emprunt bancaire sur vingt ans. Au début, les traites équivalaient à peu près à leur facture de chauffage. Lorsque le conflit en Ukraine a éclaté en février 2022, les prix de l’énergie ont augmenté de 24 % en un an. Grâce à la rénovation de leur habitation, ils n’ont pas déboursé un seul złoty de plus.

Des solutions innovantes pour réaliser «la centrale thermique du futur»

Difficile pour l’instant d’évaluer l’ampleur de cette vague de rénovation énergétique. Une chose est sûre : la guerre n’en est pas le déclencheur. Les reportages télé consacrés à la petite révolution de Szczytno y sont davantage pour quelque chose : le syndic du complexe Ceramik de Cegłowo a contacté Adam Duraj bien avant l’agression russe contre l’Ukraine ! Et c’est en 2021 qu’Euros Energy, un fabricant de pompes à chaleur de la périphérie de Varsovie, a équipé trois bâtiments à Zwoleń, dans la voïvodie de Mazovie (centre-est de la Pologne). Aujourd’hui, à Lidzbark Warmiński, une station thermale de Varmie-Mazurie, Euros Energy achève un chantier d’une tout autre dimension : «Chauffer tout un quartier d’habitations, c’est-à-dire 3 500 personnes», explique Kamil Kwiat­kowski, chef de projets de la société. Géothermie, photovoltaïque, stockage d’eau à haute température dans un réservoir de 15 000 mètres cubes, pom­pes à chaleur réversi­bles qui chauffent l’hiver et climatisent l’été, échangeurs de chaleur air-air… une armada de solutions innovantes a été déployée pour réaliser «la centrale thermique du futur».

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La Pologne a-t-elle une chance de dire adieu au charbon plus tôt que prévu ? «Je pense qu’il est possible de l’éliminer complètement d’ici à 2035 [presque quinze ans plus tôt que la prévision], affirme Joanna Maćko­wiak-Pandera, ancienne sous-secrétaire d’État au ministère de l’Environnement, aujourd’hui présidente de Forum Energii, un think tank écologiste. À mon avis, le charbon est même déjà mort en Pologne. Dans les sondages d’opinion, quand on demande aux gens quelle est leur source d’énergie préférée, ils répondent tous : les énergies renouvelables.» Le nouveau gouvernement, issu des élections d’octobre 2023, a d’ailleurs promis de travailler enfin à la fin du charbon. Les habitants de Szczytno, Cegłowo et d’autres villes du pays peuvent être fiers : ils ont montré la voie.

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➤ Article paru dans le Hors-Série GEO n°47, Où voyager en 2024, de février-mars 2024.

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Sara Dickinson/Wikimedia Commons