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Rafle des enfants juifs d’Izieu : ce télégramme qui a permis de confondre leur bourreau, Klaus Barbie

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Le 6 avril 44, les nazis raflent 44 enfants juifs, réfugiés dans la maison d'Izieu, dans l'Ain. C'est Klaus Barbie, chef de la Gestapo à Lyon, qui l'ordonne. Condamné en 1987, le chef SS aurait pu ne jamais l'être. C'est un télégramme retrouvé par miracle qui a tout fait basculer.

La pièce maîtresse de l'accusation, le télégramme signé Klaus Barbie, envoyé après la rafle d'Izieu, le 6 avril 1944. La pièce maîtresse de l'accusation, le télégramme signé Klaus Barbie, envoyé après la rafle d'Izieu, le 6 avril 1944.
La pièce maîtresse de l'accusation, le télégramme signé Klaus Barbie, envoyé après la rafle d'Izieu, le 6 avril 1944. - Maison d'Izieu

Au matin du 6 avril 1944, la Gestapo encercle la maison d'Izieu, dans l'Ain, où se trouvent des enfants juifs et leurs éducateurs. Les 44 enfants et leur 7 éducateurs seront ensuite déportés, majoritairement à Auschwitz. Les enfants seront gazés immédiatement. Ce crime restera longtemps impuni. Le donneur d'ordre est un SS du nom de Klaus Barbie. Chef de la Gestapo à Lyon à l'époque, il est surnommé le "boucher de Lyon" pour la multitude de crimes qu'il a commis et le plaisir manifeste qu'il a à torturer ses prisonniers. Il ne sera arrêté que 39 ans plus tard. Finalement extradé vers la France en 1983, après une traque sans merci, Klaus Barbie sera jugé, à Lyon, en 1987.

Trois crimes contre l'humanité

Parmi les trois grands crimes contre l'humanité dont il est accusé, il y avait au premier chef l'affaire des enfants d'Izieu, l'arrestation, leur déportation, le 6 avril 1944. Mais, lors de son procès, Barbie nie être à l'origine de cette déportation.  Jean-Olivier Viout, magistrat, était alors l'adjoint du procureur général Pierre Truche, qui portait l'accusation contre Klaus Barbie. "Barbie disait que c'était bien ses services et collaborateurs [qui avaient ordonné la rafle NDLR]. Mais que c'était des initiatives qu'il n'avait pas décidées de lui-même, qu'ils étaient eux à l'origine de l'arrestation de ces enfants" mais pas lui, explique le magistrat. Barbie "jouait sur le fait qu'il n'était pas présent physiquement, lorsque ces enfants ont été kidnappés au petit matin du 6 avril 1944" se souvient-il.

Un document absolument confondant

Qu'est-ce qui a tout fait basculer ? C'est grâce à Serge Klarsfeld, le célèbre "chasseur de nazis". Il connaissait l'existence d'un document que l'on croyait perdu. Le 5 février 1946, "Edgar Faure évoque l’affaire d’Izieu devant le Tribunal militaire international de Nuremberg. Ce document figure dans le fond d’archives de Robert Falco, juge suppléant français au procès, conservé à la Maison d’Izieu" explique la Maison d'Izieu sur son site. Mais on perd la trace de ce bout de papier pendant près de 40 ans.

En 1987, la pugnacité de Serge Klarsfeld paie. Il retrouve l'original [voir le télégramme traduit en bas d'article] et, coup de théâtre, réussira à le produire au procès, le 15 mai, lors de la 5e audience. "Il a fouillé dans les archives et il l'a trouvé !" s'enthousiasme Jean-Olivier Viout. "Il a trouvé ce document absolument confondant pour Klaus Barbie. C'est un télex par lequel, en fin de journée du 6 avril 1944, Barbie rend personnellement compte à sa hiérarchie de l'opération qui a été conduite à Izieu en annonçant le nombre d'enfants, le nombre d'accompagnateurs qui ont été également arrêtés et qui annonce d'une manière très claire que, dès le lendemain matin, il va les mettre en route pour Drancy et l'on sait ce qui se passe à Drancy" explique encore Jean Viout.

Nier, jusqu'au bout

Drancy, c'est le centre de transit des Juifs au nord de Paris. C'est de là que se forment, via la gare de Bobigny, les sinistres convois de wagons à bestiaux à destination essentiellement du camp d'Auschwitz-Birkenau. Donc, "à partir de ce télégramme, il était difficile à Barbie de nier" raconte Jean-Olivier Viout, pourtant, "il a continué à nier. Il a même mis en doute, par la voix de son avocat Jacques Vergès, l'authenticité du télégramme, devenu célèbre sous le nom de Télégramme d'Izieu. Mais l'authenticité de ce télégramme n'a absolument pas fait de doute dans la mesure où on avait la chance d'avoir encore, à l'époque, le survivant Edgar Faure, homme politique bien connu qui a siégé au Tribunal militaire international de Nuremberg en 1946 et qui a pu certifier que, dans le dossier de Nuremberg, il y avait bien ce télégramme. Donc ça ruinait l'argumentation consistant à dire qu'on avait fabriqué de toutes pièces un télégramme pour confondre Klaus Barbie. Les jurés n'ont pas été dupes et Klaus Barbie a bien été condamné pour l'affaire des enfants d'Izieu... grâce à ce télégramme" conclut Jean-Olivier Viout.

Le 4 juillet 1987, Klaus Barbie est effectivement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises du Rhône pour crime contre l'humanité. Il mourra en détention, le 25 septembre 1991 à Pierre-Bénite, en France où il sera emprisonné.

La traduction du télégramme de Klaus Barbie

Maison d'Izieu.
Maison d'Izieu.

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