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Reportage

Début des réquisitions des logements étudiants à Paris : «Ce n’est pas à nous de nous sacrifier pour les JO»

JO Paris 2024dossier
A partir de ce jeudi 11 avril, les plus de 2 000 jeunes logés dans les résidences du Crous de région parisienne réquisitionnées pour les Jeux olympiques doivent faire leurs cartons. Ils dénoncent ce départ précipité, et encore plus en période d’examens.
par Coppélia Piccolo
publié le 11 avril 2024 à 14h01

Des grands sacs bleus Ikea s’amoncellent sur le trottoir. Un rouleau de scotch traîne au sol. Quelques mètres plus loin, à l’intérieur du logement universitaire Nicole Reine Lepaute, situé dans le XIIIe arrondissement de Paris, des étudiants chargés de cartons font des va-et-vient entre l’ascenseur et le camion de déménagement. Ce jeudi 11 avril marque le premier jour du départ des plus de 2 000 jeunes devant, au total, quitter leurs résidences Crous de la capitale et de la banlieue d’ici à fin juin. Leurs chambres sont réquisitionnées par les autorités pendant toute la durée des Jeux olympiques.

«Les partiels arrivent très vite, je n’avais pas besoin de m’occuper d’un déménagement en parallèle. Et en plus gérer tout le long processus administratif très lourd qui allait avec», soupire Tommi Langrée, 23 ans, étudiant en mathématiques, carton dans les bras. Il a été relogé dans une résidence du VIe arrondissement, près d’Odéon. Son deuxième choix.

Cette première vague de départ concerne ce jeudi 82 étudiants logés au sein des 4 résidences universitaires parisiennes intra-muros réquisitionnées. La résidence Lepaute fait partie de cette liste. Au sein de cet immeuble situé à proximité de la BNF, 22 étudiants doivent aujourd’hui plier bagage, explique la directrice de la communication du Crous de Paris. Elle ne lâche pas d’une semelle les journalistes présents sur place, et soutient que tout a été organisé pour que le déménagement «soit le plus simple possible».

Un formulaire de vœux a été distribué et les étudiants ont «été appelés un par un». Des cartons ont été distribués, et les étudiants n’ont pas eu à se charger de trouver un camion de déménagement.

«Prise de tête»

Tommi, en première année de master, dépose son énième carton au sol. Toutes ses affaires partiront dans un trajet prévu dans l’après-midi. Il regrette ce départ qui constitue «une prise de tête pas normale pour un étudiant». Et le jeune homme de poursuivre : «Je pense que l’Etat aurait pu trouver d’autres logements à réquisitionner, plutôt que de venir déranger des étudiants, qui plus est boursiers. C’est quand même un scandale». Il se réjouit néanmoins de l’accompagnement dont il a pu bénéficier, à la fois pour les trajets en camion et les cartons par dizaine. «Au final, c’est moins pire que ce que je pensais», admet-il.

Une grande pièce au rez-de-chaussée de la résidence se remplit de meubles en tout genre, luminaires ou chaises de bureau. Une jeune étudiante pressée déchire un bout de scotch avec ses dents, avant de s’engouffrer de nouveau dans l’ascenseur. Au huitième étage, une forte odeur de javel s’échappe d’une chambre. Lina, 25 ans, étudiante en BTS audiovisuel, s’empresse de faire son ménage. «Honnêtement, ça fait chier, parce que j’avais des examens toute la semaine dernière. Je n’avais vraiment pas le temps», explique-t-elle au milieu de ses cartons.

La jeune femme, qui occupe cette chambre du XIIIe arrondissement depuis maintenant cinq ans, affirme avoir été mise au courant de la «date officielle» de son départ lundi, il y a trois jours seulement. «J’ai tout fait au dernier moment et dans la précipitation. J’ai même dû louper la fête du ramadan avec ma famille pour venir faire mes cartons», ajoute-t-elle. Ses yeux se détournent vers le mur de sa cuisine à la peinture écaillée. Même si elle tient à cet endroit – «car le XIIIe, c’est toute [s]a vie» –, elle se réjouit néanmoins de rejoindre un logement plus moderne.

Dans le balai des étudiants aux visages encore juvéniles, Vanina dénote. La septuagénaire grisonnante aussi doit quitter les lieux. La retraitée rend les deux locaux qu’elle loue dans le cadre de ses cours de beaux-arts donnés aux étudiants Se disant «en totale solidarité avec les étudiants», elle assène : «Quitter sa chambre pour avoir en échange 2 places aux JO, c’est du foutage de gueule».

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