Le RN, qui caracole en tête des sondages pour les européennes, reste « puissant là où il l’était déjà », mais progresse aussi dans plusieurs catégories de population, notamment chez les personnes âgées et les jeunes, affirme Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos.
Tout ce qu’on mesure sur le RN nous semble assez solide, même si l’atterrissage peut encore bouger. Les certitudes de choix sont élevées et la mobilisation de cet électorat, forte. Le vote se fait sur des considérations nationales et il est crédible sur des enjeux en hausse comme les questions de sécurité et d’immigration. Certes, la séquence de faits divers sur l’insécurité peut retomber, mais, d’une manière générale, c’est bien le national qui plombe la liste de Valérie Hayer.
Il n’y a qu’une seule fois, dans l’histoire des européennes, où une liste a dépassé les 30 %. C’était en 1984 : la liste UDF-RPR conduite par Simone Veil avait fait 43 %. Les 31 % du RN que nous mesurons (*) sont donc assez impressionnants. Même s’il peut se tasser et repasser sous les 30 %, ce n’est pas encore totalement cristallisé.
Il est très puissant là où il l’était déjà : chez les employés et les ouvriers. La nouveauté, c’est l’âge. Les personnes âgées se mobilisent et maintenant, le RN capte cet électorat. Le RN est largement devant la liste Hayer chez les 60-69 ans et il fait jeu égal chez les plus de 70 ans. C’est totalement inédit et cela change tout.
Il y a les questions de sécurité et d’immigration, il y a les retraites aussi, mais il y a surtout le fait qu’ils ont arrêté de parler de la sortie de l’euro et de l’Europe. La stratégie de “dé-extrémisation”, de réassurance, de flou sur les enjeux économiques, ça aide.
De l’autre côté, depuis plusieurs années, Emmanuel Macron perd sur cet électorat âgé. Un socle qui reste sa clientèle n°1, mais qui s’est affaissé. Les cadres commencent aussi à aller vers le RN dans des proportions non négligeables, entre 19 % et 21 %, alors qu’avant, cette catégorie lui était très hostile.
Je ne pense pas. Ou alors vraiment chez les très diplômés et âgés. Plus vous êtes diplômé, moins vous votez RN, mais c’est beaucoup moins linéaire qu’avant. C’est une conséquence aussi du changement de sociologie, puisque le RN progresse chez les classes moyennes et les cadres. Il faut vraiment attendre les bac + 5 et plus pour qu’il y ait un affaissement net du vote RN. C’est également moins caricatural qu’avant, lorsque l’on considère le revenu du foyer. Il faut attendre les foyers qui gagnent plus de 3 500 € par mois pour qu’il y ait une forte baisse du vote RN. Dans tous les autres foyers, le RN est à 30 % ou plus. Il s’élargit.
Chez les 18-24 ans, il y a tout un aspect repoussoir du FN qui n’existe pas
Il y a quand même une vraie “Bardellamania” sur une partie des 18-24 ans, c’est indéniable. Ils votent presque autant pour lui (31 %) que pour le total des deux autres listes qui viennent ensuite, celle d’Aubry (17 %) et de Toussaint (18 %). Il y a un effet de notoriété qui joue (en faveur de Jordan Bardella, NDLR). C’est fascinant de voir la méconnaissance des têtes de liste sur cette élection. Après, les 18-24 ans n’ont aucune mémoire politique. Il y a tout un aspect repoussoir du FN qui n’existe pas. Ils voient quelqu’un de dynamique, de jeune. Et puis, il ne faut jamais oublier que les questions de sécurité font aussi partie des préoccupations des 18-24 ans.
* Selon les derniers sondages, la liste menée par Jordan Bardella recueillerait plus de 30 % des voix, loin devant celle de Valérie Hayer (Renaissance), actuellement estimée entre 16 % et 17 % d’intentions de vote.
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