La taxe européenne sur les superprofits pourrait rapporter plus de 100 milliards d’euros par an, selon une étude

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Une taxation progressive de ces profits, de 20 à 40 %, rapporterait 107 milliards d’euros de fonds publics, qui pourraient être investis dans des initiatives écologiques et numériques et contribuer à la lutte contre les inégalités, d’après le rapport. [SHUTTERSTOCK/MAPMAN]

Selon un nouveau rapport, commandé par le groupe de La Gauche au Parlement européen, l’instauration d’un impôt permanent sur les bénéfices excédentaires des entreprises européennes pourrait générer plus de 100 milliards d’euros par an. Ce montant représenterait plus de la moitié du budget annuel de l’UE, qui s’élève actuellement à 160-180 milliards d’euros.

S’appuyant sur une définition technique des « bénéfices excédentaires » de l’OCDE, l’étude publiée jeudi (16 mai) estime que les entreprises ont réalisé environ 2 000 milliards d’euros de superprofits dans le monde en 2022, dont 310 milliards d’euros dans l’UE.

Une taxation progressive de ces profits, de 20 à 40 %, rapporterait 107 milliards d’euros de fonds publics, qui pourraient être investis dans des initiatives écologiques et numériques et contribuer à la lutte contre les inégalités, d’après le rapport.

L’imposition des bénéfices excédentaires ou exceptionnels vise les revenus qu’une entreprise ou un secteur a perçus grâce à des facteurs externes, notamment des phénomènes extrêmes et imprévisibles (comme les crises, les catastrophes naturelles ou les conflits géopolitiques), ainsi que les politiques gouvernementales favorisant certaines industries, ou encore grâce à la détention d’un pouvoir de marché trop important ou d’un monopole.

Depuis 2020, les secteurs pharmaceutique, technologique et des technologies de santé ont enregistré des bénéfices exceptionnels, grâce à l’essor du télétravail et l’augmentation considérable des dépenses gouvernementales pour l’achat de vaccins.

Les secteurs de l’énergie et de la défense ont également bénéficié de la flambée des prix du pétrole et de l’augmentation des dépenses mondiales en matière de défense après l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

Parallèlement, les actions entreprises par les banques centrales pour maîtriser l’inflation élevée, notamment en augmentant les taux d’intérêt, ont également entraîné une hausse notable des bénéfices du secteur financier.

« Un impôt général et permanent ciblant les superprofits persistants [peut] remédier à la crise de l’inégalité et de la démocratie causée par les grandes entreprises qui sont devenues trop grandes pour être réglementées et contrôlées démocratiquement », peut-on lire dans le rapport.

« Cette inégalité et cette concentration du pouvoir mettent en péril le fonctionnement des marchés libres, car, grâce à leurs superprofits, les plus grandes entreprises peuvent surpasser n’importe quel concurrent et devenir encore plus grandes », ajoute le rapport.

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Nécessaire, mais insuffisante

Christoph Trautvetter, auteur de l’étude et chercheur pour le groupe de défense Tax Justice Network Germany, a expliqué à Euractiv qu’il était tout à fait raisonnable de supposer que les superprofits des entreprises continueraient d’augmenter dans les prochaines années, étant donné qu’ils s’accumulent désormais « en grande partie indépendamment des crises ».

Il a également souligné que la taxe proposée sera probablement insuffisante en soi pour résoudre le problème des bénéfices excessifs des entreprises.

« Une fois que l’impôt sera en place, il pourrait réduire à la fois la distribution aux actionnaires et la croissance de ces entreprises, ce qui pourrait ralentir la croissance des superprofits, mais ne suffirait probablement pas à y mettre fin », a-t-il affirmé.

Par ailleurs, Martin Schirdewan, coprésident du groupe de La Gauche, a souligné que le rapport précède les coupes budgétaires attendues dans l’Union européenne l’année prochaine, lorsque les États membres réduiront leurs dépenses après avoir investi massivement pendant la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique.

« Nous n’avons pas besoin de coupes en Europe, ni dans la protection du climat, ni dans des pensions. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une justice fiscale », a confié l’eurodéputé allemand à Euractiv.

« Avec une taxe sur les superprofits sur les gains monopolistiques immérités de puissantes entreprises comme Microsoft, Pfizer ou Goldman Sachs, nous pourrions facilement boucher les trous budgétaires », a-t-il ajouté. « Ce n’est qu’une question de volonté politique ».

Le rapport a également reçu un accueilli positif par les syndicats. « Ce rapport est une nouvelle preuve que les superprofits des entreprises ont alimenté l’inflation et créé davantage d’inégalités alors qu’ils devraient être taxés équitablement et réinvestis dans l’intérêt public », a souligné Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats.

En revanche, la réaction des entreprises a été beaucoup plus mitigée. « En règle générale, toute modification du système d’imposition des sociétés dans les États membres de l’UE devrait refléter l’importance pour l’UE de maintenir sa compétitivité et un environnement d’investissement attractif dans un contexte mondial », a noté le groupe de pression BusinessEurope à Euractiv dans un communiqué.

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Une définition contestée

L’étude récente du groupe de La Gauche fait partie d’une série d’analyses qui calculent les recettes potentielles d’une taxe sur les superprofits des entreprises. Les recettes publiques estimées varient en fonction du taux d’imposition proposé et de la définition précise des bénéfices excédentaires.

Par exemple, une étude réalisée en 2022 par l’Observatoire fiscal de l’UE a calculé qu’une taxe de 33 % sur l’augmentation de la capitalisation boursière des entreprises du secteur de l’énergie — utilisée comme indicateur pour déterminer les bénéfices excédentaires — générerait entre janvier et septembre 2022 65 milliards d’euros.

Une autre analyse commandée par le Parlement européen et publiée l’année dernière estimait qu’une taxe de 33 % sur les superprofits des entreprises énergétiques — définis comme des profits dépassant 120 % de la marge bénéficiaire moyenne sur la période 2018-2021 — générerait 106 milliards d’euros.

La nouvelle étude définit, cependant, les « bénéfices excédentaires » comme un rapport entre les profits avant impôts et les recettes nettes supérieur à 10 %, si ce seuil a été franchi au cours des deux années précédentes ou au cours d’au moins deux des quatre années précédentes (lorsque la moyenne sur cette période dépasse également 10 %).

Bien qu’il s’agisse d’une recommandation de l’OCDE, le rapport va plus loin en étendant la définition aux institutions financières et aux entreprises « extractives » telles que les sociétés d’énergie, qui, selon l’OCDE, représentent plus de la moitié de tous les superprofits générés dans l’UE.

Toutefois, cette définition est en fait plus restrictive que celle du Parlement. Par exemple, elle ne considère pas les revenus des petits producteurs d’énergie solaire comme excessifs, et les bénéfices des grandes compagnies pétrolières sont calculés à la baisse comparé à d’autres méthodes de calcul.

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[Édité par Anna Martino]

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