« Leur objectif est le califat mondial » : à Saint-Ouen, un colloque sur « les islamismes en Europe »
VIE DES IDÉES. La région Île-de-France rassemble une douzaine de chercheurs internationaux pour analyser, pour la première fois en France, les modes opératoires des « islamismes en Europe », et notamment des Frères musulmans, dont l’objectif est de rendre l’Occident « charia-compatible ».
C’est une grande première en France. Un colloque international s’est tenu ce mercredi dans la salle Simone Veil, au siège la région Île-de-France, à Saint-Ouen. L’évènement, qui rassemble une centaine de visiteurs — des professeurs, des étudiants et quelques curieux — s’attache à comprendre les stratégies déployées par les islamistes en Europe, et au premier chef les Frères musulmans.
Refuser la notion d’islamophobie
Le vice-président de la région Île-de-France, Patrick Karam, accueille le colloque en rappelant le soutien de la présidente, Valérie Pécresse, à cette initiative. Lui-même co-auteur avec Antoine Sfeir du précurseur Dictionnaire mondial de l’islamisme (Plon, 2002), Patrick Karam a expliqué que le concept d’islamophobie dissimulait le « retour du délit de blasphème ».
Interrogé par le JDD, Patrick Karam précise : « La notion d’islamophobie empêche toute critique d’une religion. Au Pakistan, l’accusation d’islamophobie permet de faire condamner à mort une femme chrétienne qui boit dans la même eau qu’une femme musulmane. Pourquoi des partis comme LFI s’en réclament-t-il ? »
Ce colloque permet de comprendre la vision du monde et les stratégies de conquête califale du monde
La région Île-de-France a réitéré son soutien à l’association Défense des serviteurs de la République, à l’initiative du colloque. Son fondateur et secrétaire général, le professeur Didier Lemaire, empêché d’enseigner pour avoir dénoncé l’emprise de l’islamisme dans l’Éducation nationale, a déclaré au JDD : « Ce colloque permet de comprendre la vision du monde et les stratégies de conquête califale du monde, stratégies qui s’adaptent à chaque contexte national. La connaissance de ce phénomène est indispensable pour le contrer ».
Les prises de parole des différents experts internationaux sont coordonnées par Florence Bergeau-Blackler, chargée de recherche au CNRS. L’anthropologue rappelle que « l’islam n’est pas réductible aux islamismes », qui sont multiples, avant de poser la question centrale du colloque : « Comment pensent les islamismes, qu’ils soient en hijab, en survêt ou en costume ? ».
La Suède et la France ciblées
Pour y répondre, la matinée se concentre sur la définition du mode opératoire des Frères Musulmans. Sameh Egyptson, universitaire suédois d’origine égyptienne, spécialiste de la question, décline les objectifs opérationnels de cette confrérie fondée en 1928 en Égypte. Il insiste sur le soutien actif de l’organisation à ses filières internationales, notamment en Suède ou en France.
Les flux financiers issus du Qatar continuent d’abonder l’Europe, en particulier la France
Un second chercheur spécialiste du frérisme, Lorenzo Vidino, souligne leur organisation en « réseau social », unis par des liens idéologiques, mais aussi économiques. « Les flux financiers en partance des pays du Golfe ont été réduits ces dernières années à un seul pays du Golfe – tout le monde sait de quel pays nous parlons », déclare le chercheur italo-américain, en faisant allusion au Qatar. « Les flux financiers issus du Qatar continuent d’abonder l’Europe, en particulier la France ».
Lorenzo Vidino décrit par ailleurs le lobbying exercé par les Frères musulmans en France à travers ses vitrines (qui ne s’en réclament pas officiellement), dont l’UOIF, basée à La Courneuve. Selon le chercheur, la Confrérie n’est probablement pas « terroriste » au sens des critères occidentaux ; elle a cependant un impact certain sur la radicalisation islamiste en Europe, qu’elle facilite, ainsi que sur les droits humains et la démocratie, qu’elle souhaite abolir au profit de l’instauration d’un « califat mondial ».
« Terre de contrat » et « partis coucous »
Cette dimension de conquête est particulièrement soulignée par Florence Bergeaud-Blackler : les Frères musulmans ne prônent pas la hijra (le retour en terre musulmane, préférant leur rôle de missionnaire dans la « terre de contrat » (dar ad-da’wa). « Ordonner le licite et pourchasser l’illicite, chez soi et chez les autres », selon le mot d’ordre de leur fondateur, l’Égyptien Hassan el-Banna.
L’anthropologue décrit les Frères musulmans comme des « salafistes du texte et du contexte », qui se sont acclimatés aux sociétés européennes pour mieux les conquérir, en les rendant « charia-compatibles ». Leur méthode est, soit de créer directement des partis islamistes, soit de pratiquer l’entrisme dans des « partis coucous ».
Après cette première partie consacrée aux particularités des islamismes en Europe, avec une focalisation sur les Frères musulmans, le colloque se poursuivit avec une monographie des différents courants islamistes en Allemagne, en Espagne et en Italie ; la manière dont les islamismes nouent des alliances, en particulier - mais pas seulement - avec la gauche, en intersection avec le wokisme ; enfin, la prévention et les réponses à apporter à ces stratégies d’influences et de soft power.
L’association Défense des serviteurs de la République compte dans son comité d’honneur Rémi Brague, Luc Ferry, Marcel Gauchet, Pierre Manent et Pierre-André Taguieff. Son fondateur et secrétaire général, Didier Lemaire, annonce au JDD sa volonté de poursuivre ce cycle de conférences et colloques, dans les mois à venir.
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