Un an au Monde pour Nathalie Nougayrède: du plébiscite à la contestation générale
- Publié le 07-05-2014 à 17h25
Première femme à la tête du Monde, la directrice des rédactions Natalie Nougayrède, arrivée en mars 2013 avec l'appui de 80% des journalistes, est devenue en un an la cible principale des critiques de la rédaction, au point de faire l'objet d'une lettre de défiance.
Les journalistes, tout comme les sept rédacteurs en chef qui ont démissionné de leurs fonctions mardi, lui reprochent une méthode de direction "isolée, "solitaire", voire "paranoïaque", l'accusant de "n'écouter personne" et de "ne pas prendre les décisions urgentes", selon les commentaires recueillis par l'AFP.
"On ne peut plus travailler comme ça", a résumé l'un des rédacteurs en chef démissionnaires, qui estime, à l'instar de nombreux journalistes, que la directrice devrait partir à l'issue de ce conflit.
Illustrant le malaise profond dans la rédaction, un rapport du cabinet Technologia remis à la direction fin avril et cité par Mediapart, souligne "des déficiences managériales importantes", "une défaillance communicationnelle" et "le sentiment d?un leadership insuffisant à un moment crucial".
- Une carrière reconnue et respectée -
Après une solide carrière de journaliste au Monde, mais sans expérience des fonctions hiérarchiques, Natalie Nougayrède bénéficiait pourtant au départ d'une forte cote de popularité au sein de la rédaction.
Première femme à accéder à la tête du quotidien, à seulement 46 ans, sa candidature avait été approuvée début mars 2013 à 79,4% par les 450 membres de la Société des Rédacteurs.
Un score encore plus élevé que celui de son prédécesseur, Erik Izraelewicz, décédé le 27 novembre 2012.
Elle avait été choisie parmi quatre candidats internes par les trois actionnaires du quotidien, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, et nommée pour six ans.
Sa légitimité se fondait sur un parcours reconnu et respecté. Entrée au Monde en 1996, elle a été correspondante en Ukraine puis à Moscou, avant de rejoindre la rédaction parisienne au service étranger. Elle a reçu en 2005 le prix Albert-Londres pour ses reportages en Tchétchénie et sa couverture de la tragédie de l?école de Beslan.
Ses collègues soulignaient alors la "détermination, sans concessions" de cette jeune femme blonde aux yeux clairs, son côté "pur et dur", "solitaire et secret", voire "intransigeant", mais aussi un caractère "méfiant et un peu timide" et un certain manque de charisme.
En prenant ses fonctions, elle avait mis ses pas dans ceux d'Erik Izraelewicz qui, sous la houlette du trio d'actionnaires qui ont racheté le journal fin 2010, avait lancé la refonte du journal papier, le magazine M, les nouveaux cahiers hebdomadaires, le rapprochement des équipes du Monde et du Monde.fr, ainsi que l'impression simultanée à Paris et en province.
Mais Natalie Nougayrède a dû mettre en oeuvre une série de réformes pour accélérer le passage au numérique, dont, dernièrement, un plan de mobilité qui prévoit le redéploiement rapide d'une cinquantaine de personnes de la rédaction papier, surtout vers le numérique. Plan qui a été la goutte d'eau dans la crise actuelle.
Elle doit aussi gérer un contexte économique dégradé, qui pousse la direction à rechercher des économies : le quotidien a basculé dans le rouge en 2013, avec environ 2 millions d'euros de pertes, et sa diffusion papier a continué de s'effriter, quoique beaucoup moins que d'autres titres.
En février, ses ventes ont atteint 274.440 exemplaires, dont 65.434 vendus en kiosque, mode de diffusion qui a reculé de 13,5% sur un an. Ce recul est en partie compensé par la hausse des ventes des versions purement numériques, qui ont atteint près de 44.000 exemplaires, contre 30.000 en février 2013.
© 2024 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP.