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La jeunesse mérite mieux que le Front national

En Italie, la gauche démontre qu'elle peut changer les choses. La jeunesse française, quant à elle, désespère face à une classe politique dépassée, estime l'écrivain et étudiant Baptiste Rossi.

Publié le 29 mai 2014 à 11h46, modifié le 30 mai 2014 à 13h38 Temps de Lecture 4 min.

Matteo Renzi, le 22 mai à Rome.

Malgré le triomphe annoncé des populistes, un gouvernement fort, ambitieux et courageux a réussi à faire aimer l'Europe à ses citoyens. Malgré une grave crise économique, une classe politique usée par les scandales, et une déprime nationale, une sociale-démocratie sans tabous est parvenue à être majoritaire, et se trouve suffisamment forte pour réorienter l'Europe vers plus de justice.

Contre une habitude nationale d'immobilisme, ce gouvernement ouvertement pro-jeunes ramène de l'espoir dans un pays en voie de déclassement. Bien entendu, ce pays, c'est l'Italie et non la France. Chez nous, un tiers des jeunes - mesure-t-on vraiment ce que cela signifie - a voté pour le Front national, et nous nous retrouvons avec un président si faible qu'il ne peut plus rien, et une opposition qui semble vouloir méthodiquement se suicider.

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Ainsi, progresse à chaque élection, avec une joyeuse sérénité un parti que peu d'entre nous aimeraient voir au pouvoir ; pire, il convainc des catégories les plus improbables, les jeunes, donc, et se forme une réputation de légitimité. Que faut-il faire ? Dire, et démontrer, que Marine Le Pen est dangereuse ? Malheureusement, c'est trop tard.

DESESPÉRÉS ET HUMILIÉS

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Ceux qui combattent le Front national, médias, intellectuels et politiques, sont inaudibles. Un nombre croissant de Français voient dans ce parti une transgression formidable, la seule façon d'exister politiquement, et c'est comme enfermer un pot de confiture dans un placard à double tour, en répétant que l'ouvrir est rigoureusement interdit : la tentation de la transgression, coûte que coûte sera toujours trop forte.

Des gens désespérés et humiliés n'hésitent plus. Oui, madame Le Pen est une dirigeante follement ambitieuse dont l'action, au pouvoir, serait antidémocratique et désastreuse, mais cela ne sert plus à rien de le dire. C'est fini. Le monde a changé. La France est à ce point de désespérance que cette forme de suicide politique n'effraie plus.

On peut analyser à l'infini le pourcentage de motifs racistes ou xénophobes dans le vote FN. Mais 30 % des jeunes qui votent frontiste, cela veut dire quelque chose. Cela veut dire que plus personne, et d'abord ceux qui seront l'avenir de notre pays, ne croit en la politique.

Peut-on leur donner tort ? Nous avons, en France, une classe politique verbeuse, qui préfère faire des théories sur les choses, plutôt que faire les choses. Une classe politique qui s'est beaucoup reniée, avec trois présidents rapidement immobiles et habillant leurs mandats de discours idéologique et conceptuel déconnectés de leur actions.

CONTINUUM DE MOLLESSE

Par lâcheté, manque d'ambition, prétendue habileté, personne n'ose faire ce que les Français attendent. Notre système social est incompréhensible. L'école est inégalitaire, injuste. Nos institutions datent du XIXe siècle. Depuis quand, concrètement, un politicien a-t-il changé la vie des gens ?

Dans d'autres pays, et on sait comme il est hasardeux de prendre des exemples à l'étranger, une majorité de gauche succède à une majorité de droite, et chacune applique, vraiment, des projets radicaux et nouveaux. En France, nous avons un long continuum de mollesse enrobé d'idéologie.

Encore une fois, il n'y a pas de solutions « de bon sens », et réparer un pays ne se fait pas comme un diagnostic de plombier. Il y a des choix de gauche, des choix de droite. Mais quand diable commencera-t-on à avancer ? Supprimer les départements ? Quelle bonne idée ! Les Français sont fatigués d'une classe politique absurdement immobile, et si elle ne se réforme pas elle même, elle sera l'objet de leur fureur.

Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, issu du Parti démocrate (centre-gauche), montre, en ce moment, que rien n'est perdu. Un peuple déprimé, une jeunesse déboussolée, une demande de plus de justice et de démocratie, tout cela peut être entendu, et donner lieu à des choses concrètes.

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C'est ainsi, nous sommes plus matérialistes, plus individualistes, moins idéologisés. Les hommes politiques sont désormais jugés au résultat, feuille de paie et déclarations d'impôts. Notre façon française de faire de la politique, conceptuelle, produit de la démagogie, de la novlangue inefficace. Si on n'y répond pas, ce sont des gens dangereux derrière leur sourire, leur blondeur, qui manipuleront ces attentes.

J'ai 20 ans, et je suis dans une école, où, c'est écrit au fronton, on a la passion de la politique. Pourtant, personne, dans notre génération, n'a envie de s'engager. Mis à part les futurs « professionnels de la profession », aucune ambition n'emprunte cette voie-là. Tout le monde a compris que les choses, en France, ne changeaient pas, que c'était un monde opaque, clos, pétrifié, dans des structures lointaines, et qu'il valait mieux être artiste, entrepreneur pour changer le pays, ou tout simplement vouloir son bonheur personnel, et renoncer à la vie démocratique.

On pourra taxer ce propos de démagogie. Si, comme beaucoup le font sans doute à tort, on fait le parallèle avec les années 1930, pensons à ce qui aurait pu, à l'époque, éviter le pire : une réforme d'un Etat devenu puissant, visible et juste, comme l'imaginaient les futurs dirigeants des années 1950. Un renouvellement de la classe politique. Une construction européenne enthousiaste jugulant le nationalisme.

Nous sommes en 2014, il reste trois ans à une gauche ressemblant à un canard sans tête, et une droite figée et mise sous verre, pour réagir. François Mitterrand disait que la jeunesse n'a pas toujours raison, mais que des dirigeants qui n'écoutent pas leur jeunesse ont toujours tort. Quid d'une jeunesse qui vote à 30 % pour le Front national ?

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