Sur les quarante dernières années, les scientifiques estiment qu'environ soixante-dix cétacés sont morts à la suite d'une collision avec un navire dans la Méditerranée. Pour éviter ces chocs, l'association Souffleurs d'écume développe depuis sept ans un système de navigation permettant aux bâtiments d'échanger en temps réel la position des grands cétacés aperçus sur leur route.
Le système Repcet (Repérage en temps réel des Cétacés) équipe déjà une dizaine de grands bâtiments dont la zone de navigation est essentiellement le sanctuaire marin de Pelagos, autour de la Corse. Son principe est simple : chaque observation de grand cétacé réalisée par l'équipage est transmise en temps quasi réel par satellite à un serveur situé à terre. Celui-ci centralise les données et diffuse des alertes aux navires équipés et susceptibles d'être concernés par un signalement.
« Repcet est un système simple et ergonomique (...). En trois clics de souris, l'information sur l'emplacement d'un cétacé est partagée », explique Pascal Mayol, directeur de Souffleurs d'écume. Selon François Sarano, ancien conseiller scientifique du commandant Cousteau, spécialiste de la faune marine et membre du jury du prix de la Fondation Salins, « c'est le seul sytème aujourd'hui qui permet d'éviter les chocs entre cétacés et navires ».
UNE DIZAINE DE NAVIRES ÉQUIPÉS EN MÉDITERRANÉE
L'outil Repcet a été proposé aux grands navires présents dans le sanctuaire marin de Pelagos. « Cette zone a un fondement biologique », explique le directeur de Souffleurs d'écume. Elle s'étend sur 87 500 kilomètres carrés entre la France, l'Italie et Monaco, et regroupe quelque 3 000 baleines et cachalots qui viennent chaque année s'y reproduire et se nourrir. Une dizaine de bâtiments marchands ont adopté Repcet à ce jour, dont ceux des compagnies SNCM et La Méridionale.
Mais l'association Souffleurs d'écume précise qu'au-delà du système Repcet, c'est davantage en réduisant la vitesse dans les zones à risques, souvent justifiées par les impératifs économiques des compagnies, que les navires parviendront à faire baisser le nombre de collisions avec les cétacés. « Il y a un travail de très longue haleine pour faire comprendre à chacun que la vie d'une baleine vaut bien plus qu'une heure perdue sur un trajet Corse-continent ! », déclare François Sarano.
LES CÉTACÉS EN DANGER
« Les collisions avec les navires sont, dans cette mer, la principale cause de mortalité des baleines », a expliqué à l'AFP Denis Ody, responsable du pôle Océans à WWF France et d'un programme de recherche sur les cétacés. La pollution sonore (en forte augmentation à cause du trafic maritime), la pollution des eaux (notamment par les résidus de plastique) et la hausse de la température des océans sont autant de conditions défavorables à la survie des cétacés.
Pour sensibiliser les navires, Pascal Mayol fait valoir que les collisions « sont aussi un danger pour les bâtiments (…). On recense des blessés parmi les passagers de certains navires, voire des décès faisant suite à la violence du choc, pour les embarcations rapides ».
DÉVELOPPER LE PROJET
Il y a quelques jours, le projet s'est vu attribuer le prix de la Fondation Salins, doté d'une enveloppe de 20 000 euros et soutenu par l'Institut océanographique Paul Ricard. « C'est une reconnaissance de nos pairs, se réjouit M. Mayol, cela va nous permettre de sensibiliser davantage de compagnies maritimes, notamment italiennes et espagnoles (...). Nous avons besoin de changer d'échelle. Notre objectif est d'avoir au moins trente navires équipés à l'été 2015. »
Pour Armateurs de France, un organisme partenaire, il s'agit d'associer les pavillons étrangers et les navires qui ne passent que de manière occasionnelle dans Pelagos, et à plus long terme, d'exporter Repcet en dehors du sanctuaire. Pour Pascal Mayol, « Pelagos est un laboratoire, une zone test » qui doit servir d'exemple. « Les collisions sont un problème qui concerne toutes les mers du monde. »
« La majorité des partenaires restent toutefois insensibles aux problèmes des collisions, regrette Pascal Mayol. On reste aujourd'hui inconscients que piétiner la biodiversité, c'est nous piétiner nous-mêmes. Un gros travail de sensibilisation reste donc à faire. »
Julien Caron
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