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MADAGASCAR

En images : le trafic du bois de rose bat son plein à Madagascar

 Nos Observateurs à Madagascar ont découvert récemment deux entrepôts de milliers de rondins de bois de rose, dont l’exploitation est interdite. Mais elle persiste manifestement sur la Grande Île, notamment dans la Sava, région du nord du pays. Ils dénoncent un trafic aux pratiques mafieuses qui menace ce bois précieux, censé être protégé.

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Stocks de rondins près du parc de Mananara-Nord.

 

Nos Observateurs à Madagascar ont découvert récemment deux entrepôts de milliers de rondins de bois de rose, dont l’exploitation est interdite. Mais elle persiste manifestement sur la Grande Île, notamment dans la Sava, région du nord du pays. Ils dénoncent un trafic aux pratiques mafieuses qui menace ce bois précieux, censé être protégé.

 

Le bois de rose est un bois très dur, au cœur rosé et légèrement parfumé. C’est l’un des plus chers du monde, utilisé en ébénisterie et en parfumerie. Il est particulièrement prisé en Chine qui l’estime très précieux. Il se trouve notamment à Madagascar, où depuis la crise politique de 2009, son exploitation s’est très nettement accrue. L’interdiction de sa coupe et de son transport par Madagascar en 2010 puis son classement à la CITES (Conférence de la convention sur le commerce international des espèces de faune et flore menacées d’extinction) en 2013 afin de réglementer son commerce ne semblent pas avoir eu d’effet. En témoignent ces photos prises par l’un de nos Observateurs ce week-end, à proximité du parc national de Mananara-Nord.

 

Les stocks de bois de rose découverts et photographiés par un de nos Observateurs. Les peintures indiquent la provenance géographiqe des arbres.

 

En février dernier, le président nouvellement élu de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina, avait déclaré qu’il allait "diriger personnellement ce combat contre les trafics de bois de rose". Si nos Observateurs approuvent cette volonté de fermeté, ils estiment que le trafic n'a pas diminué ces derniers mois. 

 

"Il y avait plusieurs milliers de rondins et de très grosses balances destinées à les peser"

Jean (pseudonyme) est activiste environnemental. Il vit à Mananara.

 

On m’avait signalé ces deux entrepôts aux abords du parc de Mananara-Nord et je m’y suis rendu ce week-end avec quelques autres personnes. Ils se situent juste entre la route nationale 5, qui longe la côte et la mer. Un petit chemin dans des broussailles permet d’y accéder. Les deux sites d’entrepôt sont ensuite reliés à la mer, toute proche, par une petite piste que les trafiquants empruntent à la nuit tombée pour charger les rondins sur de petits bateaux. Ces embarcations les amènent ensuite sur de gros containers, qui très souvent battent pavillon chinois.

 

Sur les sites, j’ai vu plusieurs hommes en charge de la garde des rondins de bois de rose. Ce sont des villageois de la région. Ils n’étaient pas armés, du moins pas ostensiblement. Ils ont refusé de répondre à nos questions, assurant qu’ils ne savaient pas quand les rondins seraient chargés sur les bateaux. Ces gens n’ont vraiment pas d’argent et trouvent là un moyen d’en gagner un peu. Car il faut savoir qu’un simple boulot de gardien de stocks peut rapporter 40 000 ariary par jour contre 3 000 à 5 000 pour d’autres emplois à qualification égale, dans l’agriculture par exemple.

 

"Il y avait plusieurs milliers de rondins"

 

Le site compte plusieurs abris, dans lesquels les gardiens peuvent dormir. Il y avait plusieurs milliers de rondins, peut-être 3 000 ou 5 000 et de très grosses balances, destinées à les peser.

 

Tout le monde ici connaît les personnes qui gèrent les réseaux de trafic de bois de rose, ce n’est pas compliqué de les repérer, ils roulent avec des grosses voitures de luxe. Le trafic est devenu un phénomène massif. On sent que le nouveau pouvoir a une vraie volonté d’agir, et cela a incité les trafiquants à plus de prudence. Mais aussi à améliorer leur système : les bateaux qui reçoivent les stocks sont désormais amarrés plus loin des côtes et donc plus difficiles à atteindre, et les sites de stockage sont mieux camouflés. Je voudrais que le bois de rose réponde d’un commerce légal et que l’argent qu’il génère profite aux collectivités locales sur le territoire desquelles il est récolté. Dans ma région, on a des tonnes d’arbre de bois de rose, alors qu’en parallèle, la RN 5 est la plus mauvaise route du pays. On pourrait très bien utiliser les retombées du bois de rose pour l’améliorer.

 

 

"Le trafic de bois de rose s’apparente à une vraie mafia"

Jacques (pseudonyme) est employé dans un parc national.

 

Le trafic profite d’une corruption mise en place par ses organisateurs à tous les niveaux. Ainsi, quand mes collègues et moi attrapons des personnes en train de couper du bois de rose dans un parc, nous les arrêtons et les remettons à la police. Mais bien souvent, les policiers sont corrompus, et les dirigeants des réseaux ont largement les moyens de les payer pour qu’ils relâchent les coupeurs d’arbres. Une autre technique utilisée est de falsifier les procès verbaux : au lieu de dire que les suspects sont arrêtés pour découpage de bois de rose, il est écrit 'extraction de végétaux', un délit beaucoup moins grave. Et quand bien même certains peuvent être parfois condamnés, j’ai vu à plusieurs reprises leurs peines écourtées grâce à une intervention d’un membre du réseau qui monnaye leur libération auprès du tribunal.

 

Le commerce du bois de rose s’apparente à une vraie mafia. Toute personne qui voudrait le dénoncer se voit menacer, parfois physiquement. Un de mes collègues à ainsi dû quitter la région pour avoir dénoncer certains trafiquants… Pour moi une solution serait de donner un pouvoir de verbalisation aux agents de parc, ou que des militaires soient affectés à chaque parc national pour nous aider à arrêter les coupeurs. J’aimerais également qu’un tribunal spécial soit mis en place pour juger des affaires spécifiques au bois de rose. 

 

Interrogé pour savoir s’il confirmait l’existence de telles pratiques, le directeur général des Forêts répond : "je ne dis pas qu’il n’y a pas de corruption. Nous allons essayer d’accroitre les sanctions et de créer des force de police spéciales dédiées au contrôle du bois de rose". Il assure par ailleurs que "dans le cadre de la CITES, la coopération avec les pays membres a permis d’obtenir des résultats. Des stocks de bois de rose provenant de Madagascar ont été saisis au Sri Lanka ou au Kenya. Nous sommes en train de voir comment les ramener à Madagascar".

 

Le prix  du bois de rose peut atteindre jusqu'à 25 dollars le kilo (18,5 euros), un des rapports les plus élevés du marché.

Article écrit en collaboration avec Corentin Bainier (@cbainier) ,journaliste à FRANCE 24.

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