C'est un constat dérangeant qu’ont fait les spécialistes lors du dernier colloque international Nutrition et cancer, en juin2013 à Paris. « Le Plan national nutrition santé (PNNS) recommande une consommation de 3 ou 4 produits laitiers par jour ; si ce niveau de consommation est associé à une diminution de risque de cancer colorectal, il ne semble pas avoir d’effet sur celui du sein, tandis qu’une consommation élevée (au moins 3 ou 4, mais souvent plus) augmenterait le risque de cancer de la prostate, l’un des plus fréquemment dépisté en France métropolitaine, avec 55 000 à 70 000 nouveaux cas annuels », détaille Marie-Christine Boutron-Ruault, directrice de recherche à l’Institut Gustave-Roussy à Villejuif (Val-de-Marne).
Des facteurs de croissance destinés au veau
Le lait a été soupçonné de favoriser certains cancers, notamment parce qu’il contient naturellement des facteurs de croissance (IGF insulinométriques, EGF épidermiques, et TGF-B transformants) destinés au veau. Or, des études ont montré chez l’humain une association entre des concentrations sanguines d’IGF-1 — le facteur de croissance favorisant la division cellulaire — et un risque de développer des cancers de la prostate, du côlon, du rectum et du sein.
UHT. Nos produits laitiers de consommation en contiennent-ils des taux dangereux ? L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a conclu en 2012 que l’IGF-1 n’est plus détecté dans le lait ayant subi un traitement UHT (ultra-haute température), qui représente 97 % des ventes de lait en France.
Les produits laitiers réduisent le risque de cancer colorectal d'environ 22%...
En revanche, en 2013, une analyse de l’étude américaine Women Health initiative (160 000 femmes de 50 à 70 ans) a montré que la consommation de trois produits laitiers par jour augmentait le taux de facteur de croissance IGF-1, probablement par production endogène. Qu’en est-il exactement des cancers? En 2009, une méta-analyse regroupant 60 études épidémiologiques menées auprès de dizaines de milliers d’hommes et de femmes adultes a conclu qu’une consommation élevée de produits laitiers réduisait le risque de cancer colorectal de l’ordre de 22%.
... mais augmentent celui de cancer de la prostate de 12 %
La même année, la vaste étude européenne Epic (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) — qui s’est intéressée entre 1992 et 2003 à l’alimentation de 319 826 femmes— concluait que les produits laitiers —mais aussi la viande — n’avaient pas d’influence notable sur l’incidence des cancers de la glande mammaire. En revanche, dans une méta-analyse à paraître, Teresa Norat, épidémiologiste de l’Imperial College de Londres, estime que l’augmentation du risque de cancer de la prostate serait de l’ordre de 12%. Un chiffre qui reste faible si on le compare avec d’autres facteurs de risques connus comme l’âge ou l’hérédité, de l’ordre de 100%.
Mais demain, le World Cancer Research Fund britannique — un organisme qui fait autorité — pourrait conseiller aux hommes exposés de ne pas dépasser les quantités recommandées, voire de ne consommer que modérément des produits laitiers. Le yaourt serait l’aliment lacté présentant le moindre risque, selon Teresa Norat, qui admet que les mécanismes en cause sont cependant loin d’être élucidés. Le calcium apporté par l’alimentation, par exemple, n’augmente pas le risque de cancer de la prostate quand il provient de produits autres que laitiers.
