Egalité filles-garçons : le plan de Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem

 

Egalité filles-garçons : le plan de Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem

    Benoît Hamon, ministre de l'Education, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, ont travaillé ensemble pour élaborer les formations aux enseignants et les outils pédagogiques destinés à transmettre, à l'école, la valeur d'égalité entre les filles et les garçons. Après avoir tiré les leçons des ABCD de l'égalité, l'expérimentation lancée dans quelques classes à l'automne dernier, les deux ministres nous dévoilent en exclusivité leur plan d'action qui sera déployé dès la rentrée.

    Ces fameux ABCD de l'égalité, vous les abandonnezâ???

    BENOÃ?T HAMON. - La conclusion du rapport de l'inspection générale, c'est que le bilan des ABCD est positif. Ce dispositif pionnier a permis aux enseignants d'améliorer leurs pratiques. Ils ont pris conscience de clichés qu'ils véhiculaient inconsciemment, comme le fait de parler à 16 heures de l'heure des mamans ou d'interroger plus souvent les garçons que les filles. Dès la rentrée, nous allons lancer un plan d'action sans équivalent pour permettre à tous les enseignants d'accéder à des outils pédagogiques adaptés. La formation initiale de tous les professeurs s'enrichira d'un module consacré à l'égalité. Pour les enseignants déjà en exercice, nous l'intègrerons dans la formation continue. Les ABCD, c'étaient 600 enseignants volontaires. Là, ils seront 30â??000 en formation initiale et potentiellement 330â??000 enseignants du 1er degré à avoir accès aux outils indispensables pour apprendre aux écoliers qu'ils sont égaux, que garçons et filles doivent se respecter et qu'il n'y a pas une formation, un diplôme, un métier qui soit réservé à un sexe plutôt qu'à un autre.

    NAJAT VALLAUD-BELKACEM. - L'égalité des droits entre femmes et hommes existe dans notre pays. C'est l'égalité réelle, dans les faits, qu'on recherche. Si on n'y est pas encore, c'est notamment parce qu'à l'école filles et garçons n'apprennent pas à développer les mêmes compétences et ambitions. On le voit quand arrive le choix des filières qui obéit avant tout à des représentations de ce qui « convient aux filles et aux garçons ». Beaucoup d'enseignants ont conscience que l'école reproduit un certain nombre d'inégalités parce qu'on n'y attend pas la même chose des filles et des garçons. Ils sont par exemple spontanément plus sévères envers les filles qu'envers les garçons quand elles sont turbulentes. Ceux qui ont expérimenté les ABCD cette année ont pu identifier les meilleures pratiques pour modifier cela. Ils ont, par exemple, constaté que le sport était un des moments les plus appropriés pour aborder ce sujet avec leurs élèves.

    Quels sont les outils que vous allez diffuserâ???

    B.H. - Une mallette pédagogique que le ministère élabore pour la rentrée. Elle sera accessible en ligne et permettra à tous les enseignants de transmettre la valeur d'égalité lors des différents temps de classe, sur la base des modules des ABCD évalués par l'inspection générale comme étant les plus pertinents.

    N.V.-B. - Les enseignants pionniers, qui ont travaillé dès cette année avec leurs classes, seront invités à partager leur expérience avec les autres.

    Il n'y a donc plus de raison de s'inquiéter d'une théorie du genre à l'écoleâ???

    B.H. - Certains ont cru que l'école allait mettre en cause l'identité des enfants, comme si le fait que filles et garçons soient différents remettait en cause le fait qu'ils soient égaux. Il faut démystifier ce que certains ont raconté et qui n'a strictement rien à voir avec ce qui s'est passé dans les classes. Je ne me laisserai pas intimider. L'école ne doit pas être otage d'adultes qui en font un champ de bataille au détriment de la sérénité des élèves et des enseignants.

    N.V.-B. - L'une des choses les plus importantes, c'est que les parents comprennent de quoi il s'agit. C'est pourquoi le plan prévoit que les établissements scolaires devront inscrire cette question de l'égalité dans leur projet éducatif, ce qui permettra de la faire partager aux parents et en conseil d'école ou d'établissement.

    La FCPE ou Osez le féminisme s'inquiètent d'une reculade et appellent à la généralisation des ABCD. Que leur répondez-vousâ???

    N.V.-B. - Qu'on les entende ne m'ennuie pas, au contraireâ??! On a beaucoup trop entendu les détracteurs des ABCDâ??! Heureusement qu'il y a des gens pour rappeler que l'égalité ne se fait pas toute seule, qu'il y a besoin d'un travail autour de ces questions, parce que la non-égalité nous nuit. Les petits garçons ont par exemple des résultats trop faibles en lecture parce qu'on ne les pousse pas assez dans ce domaine, contrairement aux fillesâ?¦ Avec ce plan, on fait entrer la question essentielle de l'égalité dans le droit commun de l'éducation.

    ABCD, c'était un nom malheureuxâ???

    B.H. - Non, cela identifiait une volonté politique. Mais l'égalité ne se résume pas à une étiquette. L'égalité entre filles et garçons n'a pas besoin d'un nom de marque.

    Vous regrettez tout ce pataquèsâ???

    N.V.-B. - Bien sûr, mais je distingue bien deux choses. Il y a eu, d'un côté, des rumeurs insensées doublées de manipulations regrettables. De l'autre, des interrogations légitimes sur ce que l'école doit apprendre aux enfants. Est-ce que c'est son rôle de lutter contre les préjugés et les déterminismesâ??? Oui, l'école, en plus d'apprendre à lire, écrire, compter, forme des citoyens. On y apprend à vivre ensemble, dans le respect et l'égalité.

    B.H. - C'est d'ailleurs l'attente d'une immense majorité de parents, comme le confirme un sondage CSA. Le résultat est sans appel : 88â??% des Français estiment que l'éducation doit permettre de faire progresser la société en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Et près de 8 Français sur 10 considèrent cette mission de l'école comme importante.

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