Offensif, animé d'un besoin permanent de reconnaissance, Guillaume Pelletier avoue penser à la "stratégie politique chaque seconde".

Offensif, animé d'un besoin permanent de reconnaissance, Guillaume Peltier avoue penser à la "stratégie politique chaque seconde".

AFP

Dans les vents contraires qui tourmentent l'UMP, il est un zéphyr discret mais majeur. Deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, Guillaume Peltier est l'un de ces communicants qui occupent policiers et juges. Le 3 juin, son domicile solognot est perquisitionné à la suite d'une plainte de deux élus socialistes de la ville de Menton: ils accusent les sociétés Bygmalion, de Bastien Millot, et Com1+, de Guillaume Peltier, ainsi que la municipalité UMP de la ville la plus ensoleillée de France d'avoir "saucissonné" un marché public d'audit et de communication, c'est-à-dire subdivisé artificiellement une seule et même mission pour contourner le recours à l'appel d'offres. Déjà, en mai, le nom de Guillaume Peltier avait été évoqué pour le coût jugé exorbitant de formations destinées à des élus UMP.

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Le cumul du business et de la politique peut être dangereux, surtout quand un responsable se sert de l'une pour faire fructifier l'autre. "Ce qu'on me reproche, c'est d'être un entrepreneur libre", répond Guillaume Peltier, qui refuse de faire la différence entre vendre des voitures dans un garage ou du conseil à des élus UMP. Pour cela, en octobre 2008, il a fondé Com1+, qui prodigue avis, formations et analyses de sondages personnalisés.

En 2012, le chiffre d'affaires de cette entreprise de moins de dix salariés dépasse le million d'euros. "Je suis un méritant et non pas un héritier. Mon carnet d'adresses politique, je me le suis fait seul." "Je fais bénéficier les collectivités de prix avantageux, grâce à mon réseau dans les instituts de sondages", se défend-il. Ces derniers ne s'en plaignent pas, comme le rapporte un directeur d'études d'un célèbre institut: "Entre 2009 et 2011, Guillaume Peltier fait partie de ces gens que les sondeurs adorent, puisqu'il est un formidable apporteur d'affaires. Sur le fond, c'est un excellent analyste." Sur la méthode, un commercial offensif.

Une petite zone de flou qui rend tout le reste suspect

A partir de 2008, quand Alain Marleix est chargé du redécoupage de la carte électorale par Nicolas Sarkozy, il reçoit des coups de fil d'élus étonnés: ils se sont vu offrir les services d'un Peltier se réclamant d'une grande proximité avec le secrétaire d'Etat aux Collectivités territoriales. A partir de l'été 2012, le patron de Com1+ assure avoir "réorienté" son activité: moins de contrats publics, plus de clients privés. Lors de la campagne pour les dernières européennes, il propose tout de même des kits (sites Web, communication, etc.) aux candidats, pour des montants pouvant grimper jusqu'à 200 000 euros, comme le révélait Le Point au début du mois de mai.

Ce mélange des genres est-il déontologique? "C'est très dangereux de basculer du légal au moral", rétorque l'ancien élève de classes préparatoires littéraires. Guillaume Peltier ne veut pas être l'un de ces "fonctionnaires" qui vivent de leur mandat ou de leur salaire de permanent de parti. Mais il s'agit d'une indépendance financière en trompe-l'oeil, puisque ses clients sont presque tous UMP- hormis quelques UDI. "C'est un cas assez unique et, même si ce n'est pas illégal, c'est imprudent, admet l'un de ses amis. Cela correspond au côté boutefeu de Guillaume. Il est doté d'une imprudence structurelle, résultant de sa volonté d'aller trop vite et trop fort."

Le jeune loup de l'UMP va si vite qu'il n'a pas eu le temps d'arrêter une version définitive de sa biographie. Entre l'histoire qu'il raconte et la réalité demeure toujours cette petite zone de flou qui rend tout le reste suspect, y compris ce qui ne l'est pas. Prenons ses origines familiales: Guillaume Peltier a le droit de venir d'où il veut, mais à partir du moment où il communique sur son enfance dans une HLM de la Porte de Vanves, où "les bandes rivales" (1) s'affrontent au pied de son immeuble, pourquoi n'évoque-t-il pas aussi promptement la suite? A savoir, un déménagement dans un grand appartement cossu du XIVe arrondissement, les soirées de fête avec l'intelligentsia de la droite catholique de l'ouest parisien et le déménagement final de ses parents à Versailles.

Guillaume Peltier a le droit d'être catholique, mais pourquoi insister autant sur la laïcité, sur le fait qu'il se sent "français avant d'être chrétien", qu'il est "considéré par le milieu catho comme un anarchiste de droite", que l'hebdomadaire "Famille chrétienne ne parle jamais de [lui]"? En réalité, il est un catholique pratiquant, fréquentant certains dimanches des paroisses traditionalistes à la foi si prééminente qu'elle a guidé ses premiers pas en politique. Au Front national, il monte l'association Jeunesse action chrétienté, pour attirer des brebis désintéressées du débat public. Même s'il le nie, il est aujourd'hui proche de don Louis Hervé Guiny, un prêtre de la conservatrice communauté Saint-Martin, près de Tours, que Libération présentait, en 2010, comme le confesseur de la famille de Philippe de Villiers.

Le vicomte vendéen a beaucoup compté dans la vie de Guillaume Peltier. Le premier adopte facilement, le second aime séduire ses aînés. Débarqué en 2001 au Mouvement pour la France(MPF), le parti de Villiers, Peltier se rend indispensable auprès de son nouveau mentor. Quand, le 30 octobre 2006, le candidat à la présidentielle apprend que l'un de ses fils accuse son frère de viol, Peltier sait trouver les mots pour le convaincre de poursuivre cette campagne, dans laquelle il se révèle médiatiquement en tant que porte-parole: "Vous avez une chance historique, vous ne pouvez pas lâcher."

Le chouchou du créateur du Puy du Fou lui conseille de droitiser sa ligne, afin de concurrencer le FN, pour le présent et l'avenir. "Marine Le Pen ne sera pas capable de faire vivre la marque Front national", assène-t-il. Prédiction pour le moins hasardeuse. Villiers récolte 2,23% des suffrages et disparaît peu à peu de la vie publique, laissant la place à son gourmand secrétaire général: lors des réunions internes, Peltier passe son temps à éreinter Nicolas Sarkozy. Villiers se retrouve aussi dans son collimateur, et Valeurs actuelles s'en fait l'écho dans une brève. A sa lecture, le Vendéen lâche à des amis: "Je vous l'avais dit, il est comme les autres." Réconciliés après des mois de silence, les deux hommes ont récemment dîné ensemble.

"Comme les autres", Guillaume Peltier est ambitieux. Mais le degré d'opportunisme de celui qui, à 37 ans, en est à son quatrième parti politique se révèle bien supérieur à la moyenne. Sa première candidature remonte à 2001. Alors professeur d'histoire et de géographie, il contacte Franck Leroy, un candidat divers droite, pour figurer sur sa liste municipale à Epernay(Marne). Sans rien lui dire de son parcours à l'extrême droite. Leroy s'est senti "trahi" par cette cachotterie, même si Peltier n'a pas été élu. "On ne l'a jamais revu", explique le maire. Guillaume Peltier prend ensuite la direction de Tours, où il échoue à s'implanter durablement et ne laisse pas un bon souvenir à l'ancienne ministre UMP du cru, Claude Greff: "Il n'avait aucune ambition pour son territoire. Son action politique est entièrement tournée vers lui-même."

Il réclame un débat entre éditorialistes de gauche et de droite à la fin du 20 Heures de France 2

Si Guillaume Peltier attend mars 2014 pour gagner une élection- il devient maire du village de Neung-sur-Beuvron (Loir-et-Cher)-, il a déjà remporté un scrutin interne en hissant la Droite forte, le courant qu'il coanime avec Geoffroy Didier, à la première place du vote des motions, en novembre 2012. "On a défié les lois de la politique, se félicite Geoffroy Didier. Nous sommes différents, mais d'accord sur l'essentiel. Nous nous entendons très bien, ça emmerde nos aînés et ils voudraient nous dégommer." Quoi qu'ils en disent, ces deux frères de circonstance restent rivaux par essence. Au conseil national de l'UMP, fin janvier, Geoffroy Didier et Guillaume Peltier se mettent d'accord pour laisser Nicolas Perruchot représenter la Droite forte à la tribune, rapporte un proche des deux hommes. Dans son discours, l'ancien maire de Blois félicite Guillaume Peltier pour son oeuvre, sa confiance et omet... son acolyte. "Geoffroy était vert de rage, persuadé que Peltier avait tout orchestré", explique un ami de Didier. Peltier dément, mais son complice le met en garde: "Une fois, pas deux. Tu ne me refais plus jamais ça!"

A l'UMP, les amitiés sont fragiles. Ainsi, Peltier ne donne plus de nouvelles à cet ancien ministre qui l'a pourtant aidé à s'implanter en Touraine. Jusqu'à un coup de fil opportun. "Il déçoit forcément parce qu'il ne se préoccupe que de lui-même", confie le destinataire de l'appel, persuadé que seule la volonté d'être investi dans le Centre aux prochaines élections régionales justifie ce signe de vie.

Un de perdu, trois de recrutés: Laurent Wauquiez, qui considérait Peltier comme n'étant pas de son "niveau", Henri Guaino, qui n'a jamais porté dans son coeur la Droite forte- ce mouvement aux antipodes de son gaullisme social-, ont fini par répondre à ses sollicitations: les voilà cosignataires d'une tribune en Une de Valeurs actuelles, le 25 juin, pour appeler l'UMP à ne pas se tourner vers le centre. Aux côtés de ces trois hommes, Rachida Dati. En octobre 2012, elle expliquait pourtant que "la Droite forte n'est qu'une mauvaise caricature de Nicolas Sarkozy". Peltier aussi est capable de ce genre de virage sur l'aile. Sa proposition d'un quota de journalistes de droite passe mal? Dorénavant, il avance l'idée d'un débat obligatoire entre deux éditorialistes, l'un de gauche, l'autre de droite, "en fin du journal de 20 heures de France 2".

Cette maîtrise de l'art du rebond, il en a conscience: "Beaucoup d'amis m'en font le reproche. Je suis très enthousiaste. Je donne tout puis, un jour, je m'en vais et je reconstruis ailleurs toute ma vie sociale." Celui qui avoue penser à la "stratégie politique à chaque seconde" de son existence tisse peu à peu la trame du "peltiérisme", mi-idéologie, mibesoin permanent de reconnaissance. Ceux qui l'ont côtoyé sont formels: il rêve de devenir président de la République. Lui confie une ambition, pas moins grande: "J'ai envie que, dans trente ou quarante ans, les gens puissent dire: Guillaume Peltier a changé ma vie."

(1) Cité dans La Droite forte, année zéro, de Marika Mathieu, éd. de La Martinière.

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