Le mufti de la République libanaise Mohamed Kabbani fait
l’objet, avec son fils, de nombreux soupçons de corruption et d’un tel rejet de
la part d’une grande partie des sunnites libanais qu’il a été chassé de plusieurs
mosquées à Beyrouth.

On dit que c’est ce même homme qui a prié les maires du
Liban de suivre l’exemple de leur confrère de Tripoli [au nord de Beyrouth], Nader Ghazal, qui s’est fendu à l’adresse de ses administrés de l’appel suivant :

“Le ramadan est un mois de
soumission, d’éducation et d’élévation des âmes. Aussi, la municipalité de
Tripoli demande à tous les résidents et plus particulièrement aux propriétaires
de restaurants et de cafés de respecter la sacralité du ramadan ainsi que la
sensibilité des musulmans jeûneurs, en s’abstenant de montrer au grand jour
qu’on mange. Il attire également l’attention sur la nécessité de se parer des
bonnes mœurs auxquelles appellent tous les monothéismes.”

Cet appel
est sans précédent. Il est contraire aux lois et à la Constitution libanaise, qui
garantissent la liberté religieuse, la liberté de choisir son mode de vie, la
liberté d’expression, le pluralisme et le droit à la différence.
Cet appel viole la neutralité religieuse

Le maire
de Tripoli outrepasse son rôle et viole la tradition de neutralité en faisant usage
d’un vocabulaire tel que “sacralité du ramadan” et “bonnes
mœurs”. Et cela
dans la ville multiconfessionnelle de Tripoli, la deuxième ville du Liban, où
cohabitent 17 groupes confessionnels, sans oublier la présence de laïcs, d’agnostiques et d’athées.

Tous sont égaux en droits et libres de vivre comme bon leur
semble, sans être embêtés, réprimés, poursuivis, empêchés ou contraints de
faire ceci ou cela.

Cet homme, fonctionnaire civil, viole le principe
fondamental de la Constitution sur lequel repose toute l’existence du Liban. Il
s’érige en tuteur des habitants, s’arroge le droit de leur demander obéissance
et croit devoir leur apprendre les bonnes mœurs.
Ou plutôt la bigoterie, l’hypocrisie, le mensonge et la cachotterie.

Puisqu’il est immoral de montrer au
grand jour [qu’on mange durant le ramadan], il faudrait alors être hypocrite. A moins qu’il ne s’agisse d’imposer le jeûne de force.
Dans les deux cas, cela n’a rien de moral. Un terrorisme moral

Etant
donné que l’enfer est pavé de bonnes intentions, il faut supposer que les
intentions du maire de Tripoli et du mufti de la République sont bonnes. Et
étant donné qu’il suffit d’un rien pour engendrer un monstre, ce malheureux
décret a aussitôt donné des idées à des extrémistes qui ont lancé des grenades
sur des cafés servant à boire pendant la journée, faisant plusieurs blessés
depuis début juillet.

Car le
discours sur la nécessité de respecter la sensibilité des
musulmans est
un terrorisme moral qui ne tarde pas à se traduire en terrorisme bien réel. Nous
en avons maintes fois fait l’expérience.

Et les bonnes mœurs du maire de Tripoli ne dépareillent pas avec les récents appels d’un
groupe extrémiste sunnite – les Brigades Ahrar Al-Sunna – à “épurer
la plaine de la Bekaa, et plus généralement le Liban, des églises chrétiennes” et
à “empêcher les cloches de sonner”. Peut-être pour Monsieur le maire aussi, les
cloches sont incompatibles avec “la sensibilité des musulmans”.